L'OTAN, « l'alliance la plus forte de l'histoire de l'humanité » selon Obama
LE MONDE | 24.03.2014 à 12h28 • Mis à jour le 24.03.2014 à 14h17 |
Par Corine Lesnes (Washington, correspondante)
Barack Obama donne rarement des interviews aux journaux étrangers et privilégie généralement les télévisions. Avant d'atterrir aux Pays-Bas, lundi 24 mars au matin, pour le troisième sommet sur la sécurité nucléaire et une réunion du G7 sur l'Ukraine, le président américain a cependant choisi de s'exprimer dans le quotidien Volkskrant.
Dans cet entretien, M. Obama réaffirme le soutien des Etats-Unis à l'OTAN, qui « reste l'alliance la plus forte et la plus efficace de l'histoire de l'humanité », et rappelle que l'article 5 du Traité de l'Atlantique nord comporte « une obligation solennelle de se défendre l'un l'autre ». « Personne ne devrait s'interroger sur l'attachement des Etats-Unis à la sécurité de l'Europe », met-il en garde. « Nous ne faiblirons jamais dans notre défense collective. »
Le président américain entend faire de cette réaffirmation des alliances le message central de son voyage en Europe (qui passe, du 25 mars au 28 mars, par La Haye, Bruxelles et Rome), puis de sa visite en Arabie saoudite (les 28 et 29 mars) où les relations bilatérales ont nettement pâti des hésitations américaines en Syrie.
Barack Obama souhaite aussi que les Européens cessent de penser que le « pivotement » vers l'Asie — le fondement de sa politique étrangère — s'effectue au détriment du Vieux Continent. « Pendant la guerre froide, l'Europe était la source de nombreux défis de sécurité mondiaux. Maintenant, notre Alliance est la fondement de la sécurité globale, assure M. Obama. C'est pourquoi le fait que les Etats-Unis jouent un rôle élargi en Asie ne nous détourne en aucun cas de notre engagement en Europe. La relation avec nos alliés et partenaires européens est la pierre angulaire de notre engagement international, comme on le voit avec notre mission commune en Afghanistan et nos efforts diplomatiques avec l'Iran et la Syrie. »
Mais, ajoute-t-il, la sécurité collective nécessite un partage du fardeau. « Comme nous l'avons souvent dit à nos alliés européens, nous voulons voir plus de pays européens tenir leurs engagements en termes de dépenses militaires. »
L’UKRAINE BOULEVERSE LE PROGRAMME
Au départ, la visite de M. Obama était l'un de ces voyages de printemps qui coïncident avec le spring break des écoliers américains (quoique cette fois, Michelle Obama et ses filles n'accompagnent pas le président : elles sont en visite en Chine). Le menu était simple: sommet sur la sécurité nucléaire, l'initiative phare de sa présidence, qui découle de son discours de 2009 à Prague sur un monde sans armes atomiques. Et une visite au Vatican, importante pour la Maison Blanche justement « parce qu'il n'y sera pas question de politique étrangère », comme dit Jeremy Shapiro, chercheur à la Brookings Institution. Avec le pape, il sera question de lutte contre la pauvreté et les inégalités, priorité d'un président qui plafonne à 43 % d'opinions favorables et ne serait pas mécontent, selon l'analyste, de «profiter de l'aura » de son interlocuteur.
Les responsables de l'Union ne cachaient pas leur satisfaction d'avoir réussi à attirer Barack Obama à Bruxelles. Le président américain, qui avait boudé l'UE au point de refuser de participer à un sommet à Madrid en mai 2010, avait enfin accepté de visiter la capitale européenne, une première depuis qu'il occupe la Maison Blanche. A deux mois des élections européennes, il avait même prévu de tenir un grand discours à Bruxelles, dont le message implicite aurait été : l'Europe, c'est « cool ».
L'Ukraine a bouleversé ces projets. Discours il y aura – ce sera mercredi 26 mars au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, devant 2000 invités –, mais il sera moins axé sur le libre-échange que sur la menace de démantèlement de l'ordre international hérité de la seconde guerre mondiale, et dont les Etats-Unis s'estiment garants. Il y a péril en la demeure européenne et Barack Obama entend rallier les Européens à une réaction collective à la mesure des enjeux. Il rappellera « les droits des nations souveraines à prendre leurs propres décisions et à voir leur intégrité territoriale respectée », a prévu Ben Rhodes, le conseiller en communication pour les questions internationales. Tout en laissant la porte ouverte à un compromis pour l'Ukraine. « Les Ukrainiens ne doivent pas avoir à choisir entre l'Est et l'Ouest, souligne le président dans son interview. Au contraire, il est important que l'Ukraine ait de bonnes relations avec les Etats-Unis, la Russie et l'Europe. »
UN G7 POUR ENTERRER LE G8
En marge du sommet nucléaire, Barack Obama a convoqué une réunion du G7 lundi soir à La Haye – qui montrera, s'il en était besoin, qu'il n'y a plus de G8. Les Américains aimeraient plus de fermeté – et d'unité – dans les sanctions occidentales contre la Russie. Mais dans son interview, Barack Obama s'abstient de critiquer les Européens – qui ont fait « un pas important », selon lui. Il reconnait que les mesures qu'il a annoncées sont de nature à « avoir un impact sur l'économie mondiale ». « Nous aurions préféré ne pas en arriver là mais les actions de la Russie sont simplement inacceptables. Il faut qu'il y ait des conséquences. »
Pour Jeremy Shapiro, Barack Obama devra jouer les médiateurs entre les Allemands, les Britanniques et les Français. « Les sanctions américaines ne sont pas efficaces si elles ne sont pas suivies par les Européens », juge-t-il. Selon lui, le partage du fardeau devrait voir « les Britanniques prendre des sanctions financières, les Français des sanctions dans le domaine de l'armement et les Allemands, dans celui de l'énergie ».
Pour alléger la pression sur les Européens, dans le cas où Vladimir Poutine chercherait à utiliser l'arme du gaz, Barack Obama a autorisé la mise sur le marché d'un tiers des réserves stratégiques de pétrole des Etats-Unis. Les Européens souhaitent que Washington aille plus loin et autorise l'exportation automatique de gaz naturel vers l'Europe, comme c'est le cas actuellement pour les pays ayant conclu un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Rien n'est réglé et le communiqué final du sommet de Bruxelles devrait se borner à rappeler son attachement au « renforcement du commerce transatlantique dans le secteur de l'énergie », sans aller jusqu'à accorder la dérogation permanente réclamée par les Européens.