Souad Merah a rejoint la frontière de la Syrie avec ses 4 enfants
Le Monde.fr | 23.05.2014 à 09h07 • Mis à jour le 23.05.2014 à 16h09 |
Par Soren Seelow
Où est Souad Merah, la sœur de Mohamed Merah, le « tueur au scooter » ? Selon nos informations, la jeune femme a embarqué depuis Barcelone le 9 mai à 12 h 25 sur le vol 1854 de la Turkish Airlines pour Istanbul, où elle a atterri à 16 h 45 avec ses quatre enfants, âgés de 9 mois, 3 ans, 10 ans et 14 ans. Le soir même, à 21 h 15, la famille s'est envolée par le vol n° 2228 pour Gaziantep, une ville proche de la frontière syrienne.
Il y a une « forte présomption » que la jeune femme de 35 ans soit en Syrie, où elle aurait rejoint son compagnon, un salafiste tenu pour extrémiste, a déclaré le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve sur Europe 1, vendredi 23 mai. La section antiterroriste du parquet de Paris a ouvert jeudi une enquête préliminaire pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », confiée à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et à la sous-direction antiterroriste (SDAT).
Le procureur de Toulouse reste, lui, chargé des investigations menées sur la disparition inquiétante des quatre mineurs et a fait fouiller sur ce fondement l'appartement de Souad Merah dans le quartier toulousain du Mirail.
La mère de Souad Merah, interrogée par France Info, avait déclaré que sa fille était partie en vacances en Tunisie.
Fichée comme membre de la mouvance salafiste avant les crimes de son frère par la direction centrale du renseignement intérieur, Souad Merah a-t-elle échappé à la vigilance des services de renseignements ? « Il y a un problème juridique, a justifié le ministre. Si une personne n'est pas sous contrôle judiciaire ou ne fait pas l'objet d'une procédure judiciaire en France, on ne peut l'empêcher de partir. »
C'est tout l'objet du nouveau plan de lutte contre les filières djihadistes qui sera présenté au début de l'été en conseil des ministres dans le cadre du projet de loi « sécurité ». « Ce plan comprendra des mesures administratives permettant d'empêcher un Français majeur de quitter le territoire lorsqu'il constituera une menace », explique-t-on au ministère. Ce type de mesure sera limité dans le temps et assorti de recours devant la justice administrative.
« PROCHE DE LA FOLIE »
L'avocat toulousain de Souad Merah a exprimé vendredi sa stupéfaction devant l'éventualité que sa cliente ait emmené ses enfants en Syrie. Me Christian Etelin a décrit en Souad Merah une musulmane profondément radicalisée, une femme éprouvée et vivant dans la crainte, en même temps qu'une mère attentive. Un départ pour la Syrie serait cohérent avec son itinéraire personnel et « c'est son problème », a dit Me Etelin. « Mais Souad n'est pas seulement une femme radicalisée, c'est aussi une mère de quatre enfants, soucieuse de l'éducation et de la sécurité de ses enfants », s'il se confirme qu'elle a engagé l'existence de ses enfants sur un terrain aussi dangereux, « il faut qu'elle soit devenue totalement irresponsable et proche de la folie », a-t-il dit. Depuis les assassinats perpétrés par son frère en mars 2012, elle n'a pas démordu de ses convictions, mais cela « ne fait pas d'elle une terroriste ».
Adepte d'un islam radical, entièrement voilée de noir en public, Souad Merah avait beaucoup fait parler d'elle en 2012 pour des propos polémiques tenus lors d'un reportage sur M6. Elle s'y disait « fière » de son frère Mohamed, délinquant rallié à l'islam radical, qui a assassiné trois parachutistes puis trois enfants et un enseignant juifs au nom du djihad entre le 11 et le 19 mars 2012 à Toulouse et à Montauban.
Ces déclarations avaient fait l'objet d'une enquête pour apologie du terrorisme. L'affaire avait finalement été classée sans suite en janvier 2013, car ces propos ne pouvaient être considérés comme publics puisque la jeune femme ignorait qu'elle était filmée. Souad Merah avait été placée en garde à vue en avril 2014 dans l'enquête sur les complicités dont aurait pu bénéficier Mohamed Merah. Elle avait été relâchée sans qu'aucune charge soit retenue contre elle.