Salvador : l'Eglise inquiète après l'arrestation d'un prêtre soupçonné de collusion avec les gangs
2014-08-07 Radio Vatican
Au Salvador, l’Église catholique se dit très préoccupée par l’arrestation la semaine dernière de Don Antonio Rodriguez. Le prêtre espagnol, connu pour sa pastorale auprès des plus pauvres, est soupçonné de collusion avec un gang dangereux de la capitale, la mara M-18.
« L’Église respecte la justice, mais nous sommes surpris et grandement préoccupé par l’arrestation du père Antonio. » Dans son homélie prononcée ce dimanche l’archevêque de San Salvador exige des explications. « L’Église souhaite que le système judiciaire national éclaircisse l’affaire au plus vite et agisse en conformité avec la vérité et la justice. »
Médiateur de paix, un prêtre engagé auprès des plus pauvres
« Il me semble juste de rappeler, a poursuivi Mgr. José Luis Escobar Alas, tout le bien que le père Antonio a réalisé en faveur des pauvres à travers la pastorale sociale de la paroisse. C’est pour ce motif que j’invite les fidèles à prier pour lui et à lui exprimer toute notre affection et notre solidarité. »
Lors d’une conférence de presse, l’archevêque de San Salvador a souligné que tous les évêques du pays sont « préoccupés » par cette arrestation soudaine du prêtre et souhaitent que l’affaire puisse être résolue le plus tôt possible.
Don Antonio gérait depuis plusieurs années un programme de réhabilitation pour les jeunes détenus à Resume dans la banlieue de San Salvador. Il est également connu pour avoir servi en 2012 de médiateur, avec d’autres prêtres, dans une guerre entre deux gangs les Mara Salvatrucha, M-13, et le Barrio 18, M-18, faisant baisser temporairement le nombre d’homicide.
Collusion supposée avec le M-18
La justice retient plusieurs charges contre le prêtre catholique, sous enquête depuis mars 2013. Il aurait introduit en prison des objets illégaux destinés au leader du M-18. La justice l’accuse d’avoir eu des conversations avec des responsables pénitentiaires non-identifiés afin qu’ils diminuent l'intensité des dispositifs de blocage des réseaux cellulaires dans les prisons, pour permettre aux membres du gang d’utiliser leurs téléphones de contrebande pour extorquer leurs victimes à l’extérieur de la prison. La justice l’accuse également d’avoir œuvré et obtenu le transfert de prisonniers dans des prisons moins sévères.
Don Antonio Rodriguez, mieux connu comme père Toñio s’est toujours proclamé innocent depuis son arrestation. « Je n’ai jamais trafiqué et je n’ai jamais conspiré » a déclaré le prêtre. Il a été arrêté avec 127 autres personnes durant une vaste opération de la police menée dans la capitale salvadorienne. Selon les autorités, les personnes arrêtées, parmi lesquelles douze policiers, trois juges et deux fonctionnaires du ministère public, sont accusées d’appartenir à des structures criminelles.
Violences
Le Salvador vit depuis longtemps dans un climat de rude violence causé par les gangs et la criminalité organisée qui luttent pour le contrôle du marché de la drogue, en se servant des jeunes issus des quartiers populaires et des petits délinquants recrutés sur la rue ou en prison. Une tentative d’arrêter ces affrontements mortels a été menée par les communautés et par l’Église catholique, mais avec des résultats malheureusement encore modestes.
L’augmentation de morts violentes de jeunes, coupables uniquement de ne pas vouloir entrer dans les bandes a également provoqué une réaction dans l’opinion publique. La violence dans le pays continue d’augmenter et souvent, les enfants en sont également victimes. Nonobstant une diminution de 48% des homicides de mineurs entre 2011 et 2012, le taux de meurtres d’adolescents continue à être très élevé. Le Salvador est l’un des pays les plus violents contre l’enfance et l’adolescence. Etre enfant ou adolescent dans ce pays implique le risque de perdre la vie ou, dans le moindre des cas, d’être victime de diverses formes de violence.