Des parents réclament l'arrêt des soins pour leur bébé prématuré
Le Monde.fr | 16.09.2014 à 20h46 • Mis à jour le 17.09.2014 à 09h09 | Par François Béguin
Qui, de ses parents ou des médecins, peut décider d'arrêter les traitements d'un grand prématuré victime d'une hémorragie cérébrale quelques jours après sa naissance ? La mère de Titouan, né le 31 août, près de quatre mois avant la date du terme, s'est émue dans plusieurs médias, mardi 16 septembre, de ce qu'elle juge être un « acharnement thérapeutique » de la part de l'équipe de néonatalogie du CHU de Poitiers, en charge de son enfant.
« Nous ne souhaitons pas une vie de handicaps pour notre fils », assure-t-elle dans La Nouvelle République, le quotidien régional. « Notre bébé (...) a eu une hémorragie cérébrale de grade IV, le plus élevé des lésions cérébrales, dans un lobe, et de grade II, dans l'autre hémisphère. Depuis vendredi, on sait que les séquelles sont irréversibles, qu'elles engendreront un handicap moyen à lourd pour lui mais les médecins ne savent pas de quel type de handicap il souffrira. »
LE BÉBÉ N'EST PAS EN RÉANIMATION INTENSIVE
La loi Leonetti sur la fin de vie permet un arrêt des traitements dans les situations d'« obstination déraisonnable » : les médecins prennent la décision mais la famille doit être consultée. Au CHU de Poitiers, on laisse entendre que les parents se sont prononcés sous le coup de l'émotion, sans disposer d'informations définitives, et que rien n'a encore été décidé. « Il y a eu un premier retour d'une concertation collégiale mais on ne peut pas prendre à la va-vite une décision de cette nature », explique-t-on.
Le professeur Fabrice Pierre, chef du pôle mère-enfant, souligne que le bébé n'est « ni en réanimation intensive, ni en situation d'acharnement » mais « en hydratation assez simple et sous ventilation ». Pour lui, il est nécessaire de prendre « quelques semaines de recul » avant de prendre « une décision complexe ». « On ne peut pas arrêter les soins d'un 'préma ' juste parce que ses parents le veulent, précise-t-il. On entend les parents mais il faut les accompagner et surtout ne pas prendre une décision précipitée. »
A cette fin, le CHU de Poitiers a sollicité l'avis de l'équipe de réanimation néonatale de l'hôpital Antoine-Béclère, à Clamart (Hauts-de-Seine). « Il est impossible de présumer ce qui sortira de la réunion qui réunira les deux équipes », avance Fabrice Pierre. A l'issue de cette rencontre, les parents seront précisément informés par les médecins référents mais aussi par des personnes extérieures qui ont pris part à cette réflexion éthique.
« LA LOI EST AMBIGUË »
« Si les parents poussent à l'arrêt des soins, il paraît raisonnable de le faire », fait valoir Christian Dageville, le responsable réanimation néonatale du CHU de Nice et auteur de différents textes sur les questions éthiques liées à la fin de vie en néonatologie. Il pointe cependant lui aussi le risque d'une « décision précipitée » des parents. « Le temps nécessaire à cette réflexion favorisera ensuite le travail de deuil des parents. Ils ne vivront pas ensuite avec l'idée que leur bébé est décédé à leur demande. »
« La loi est ambiguë, concède Denis Berthiau, juriste et membre de la consultation d'éthique clinique du CHU de Nantes. Les parents sont les titulaires naturels de la protection de l'intérêt de l'enfant mais si leur décision met en péril la vie de l'enfant, c'est au médecin de choisir. » Pour lui, un écueil majeur est à éviter. « Il ne faudrait pas tomber dans un domaine judiciaire, comme dans l'affaire Vincent Lambert, car ce n'est pas au juge de trancher ce type de situation. »