La justice française refuse de remettre les prélèvements à l’Algérie
Ecartée totalement de l’enquête sur le crash du vol 5017 d’Air Algérie, le 24 juillet dernier, près de la ville de Gossi, au nord du Mali, l’Algérie vient d’essuyer, encore une fois, «un refus catégorique» de la justice française de lui remettre les doubles des prélèvements effectués sur le lieu de l’accident par des experts militaires de l’Hexagone.
Selon des sources bien informées, les juges chargés de l’enquête se sont opposés au transfert des pièces de la procédure, arguant du fait que la loi française l’interdit. Selon nos interlocuteurs, les émissaires de la justice algérienne sont revenus bredouilles, tout comme, avant eux, les experts de la compagnie Air Algérie et ceux de l’aviation civile, dépêchés sur les lieux du crash. L’on se rappelle qu’après la découverte par les militaires français de l’épave en plein désert au nord du Mali, ils avaient fait main basse sur toute la scène de l’accident, confisquant les pièces à conviction pouvant expliquer le crash, mais aussi les effets personnels des passagers, nécessaires à leur identification.
Des sources proches de l’aviation civile affirment que les experts dépêchés au nord de Gossi «ont été empêchés par les militaires français de s’approcher du périmètre de sécurité, situé à près de 800 mètres de l’épave. Ils n’ont pu avoir accès aux pièces récupérées par les Français, qui étaient les premiers à arriver sur place. La compagnie Air Algérie et l’aviation civile ont été déboutées dans toutes leurs actions visant à les associer aux enquêtes…» Celles-ci, précise-t-on, reposent sur deux volets. Le premier est technique. Il relève du domaine du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses), situé en France, que les autorités maliennes auraient désigné pour élucider le crash.
Le second est purement judiciaire. Il a été confié à deux juges d’instruction, Raphaëlle Agenie-Fecamp et Sabine Kheris, chargées d’enquêter sur des faits liés à des «homicides involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement». Ces deux magistrats, faut-il le préciser, ont chargé un expert de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie française de faire des retraiting des deux boîtes noires de l’appareil, notamment celle déclarée par le BEA comme inexploitable, à savoir l’enregistreur des conversations de l’équipage. Toutes les pièces de la procédure sont bien préservées par les deux juges, qui ont catégoriquement refusé à leurs homologues algériens, qui ont eux aussi ouvert une information judiciaire à Alger, toute remise ou transfert des échantillons prélevés par les militaires français.
«L’argument justifiant un tel refus est que la loi française l’interdit formellement», nous dit-on. Question : pourquoi alors le juge Marc Trévidic chargé de l’enquête sur l’assassinat des moines de Tibhirine, ainsi que l’avocat de la famille de l’un des moines s’insurgent suite au refus de l’Algérie de transférer les prélèvements faits sur les crânes après leur exhumation ?