Poutine doit choisir : guerre ou paixEditorial du « Monde ». C’est un de ces moments où l’histoire balance entre un conflit encore localisé, même s’il est meurtrier, et un affrontement plus large et plus inquiétant. L’affaire ukrainienne peut aller dans deux directions. Soit elle s’oriente vers un règlement bancal, insatisfaisant, mais qui aura le mérite d’arrêter l’engrenage de la violence. Soit, par un de ces enchaînements que l’Europe ne connaît que trop bien, elle conduit à un affrontement plus large, une guerre au cœur du continent, entre la Russie et l’Ouest, par Ukrainiens interposés.
L’enjeu explique le regain d’activité diplomatique du moment. Après Kiev, la capitale ukrainienne, où ils se trouvaient jeudi 5 février, en même temps que le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, François Hollande et la chancelière Angela Merkel étaient attendus ce vendredi à Moscou.
La démarche est positive
De quoi s’agit-il ? D’un effort, plus ou moins concerté, pour obtenir un cessez-le-feu durable et l’amorce d’une solution négociée. L’initiative franco-allemande est la bienvenue. Répondant à dix jours d’« échanges » avec Moscou et Kiev, Allemands et Français ont rédigé une proposition de règlement commune qu’ils soumettent maintenant aux Russes et aux Ukrainiens. La démarche est positive. Comme l’a dit M. Hollande dans sa conférence de presse, jeudi, les Européens se doivent de tout tenter avant que l’Ukraine ne sombre « dans une guerre totale ».
Ce regain d’agressivité, décidé à Moscou et impulsé sur le terrain par un encadrement militaire russe, conduit les Etats-Unis à envisager de livrer des armes à Kiev. Barack Obama hésite, mais son nouveau secrétaire à la défense, Ashton Carter, y est favorable. M. Hollande et Mme Merkel, toujours opposés à l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, redoutent la tournure que prendrait l’affaire ukrainienne : au cœur de l’Europe, un affrontement indirect entre Américains et Russes.
Peu d’éléments ont filtré de la proposition franco-allemande. Elle redessinerait des lignes de cessez-le-feu. Elle réaffirmerait l’intégrité territoriale de l’Ukraine, dans le cadre d’un fédéralisme avancé. Elle inciterait Kiev à faire des gestes en faveur des populations de l’Est. Elle pourrait rassurer les Russes sur l’application de l’accord commercial conclu entre l’Ukraine et l’Union européenne.
Mais, au fond, tout ne dépend que d’un homme : Vladimir Poutine. Le président russe estime-t-il qu’il a suffisamment fait payer Kiev du crime de mésalliance avec l’UE ? Veut-il entrer dans un processus d’apaisement ? Ou continuer à entretenir la guerre ? A raison, Berlin et Paris proposent un compromis. La réponse est au Kremlin, nulle part ailleurs.
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