MYSTÈRE DE LA SAINTE TRINITÉ
C’est un seul Dieu en trois personnes ; il n’y a dans Dieu qu’une nature, qu’une essence, qu’une substance, qu’une seule chose, et qu’un seul et même esprit, qui subsiste néanmoins en trois personnes, qui sont le Père, le Fils, et le Saint-Esprit
La nature, c’est l’essence d’une chose, et la personne, c’est la subsistance de la chose ; ou la nature, c’est la manière dont la chose subsiste séparée ou distinguée de toute autre. Ma nature, c’est mon corps et mon âme, et ma personne, c’est moi-même, parce que c’est dans moi que mon corps et mon âme subsistent ; la nature divine, c’est l’Esprit infini de Dieu, et il subsiste tout entier dans la personne du Père, et dans celle du Fils, et dans celle du Saint-Esprit, et c’est en cela que consiste le mystère auguste de la sainte Trinité, en ce que la même nature subsiste en trois personnes différentes.
Qui est-ce qui nous a révélé le mystère de Trinité ?
C’est Jésus-Christ lui-même qui a dit dans l’évangile à ses Apôtres : " Allez... baptisez au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ". Voilà les trois Personnes bien exprimées et bien distinguées ; et cependant pour nous faire comprendre qu’elles ne sont qu’un seul et même Dieu, Jésus-Christ les nomme sous un seul et même nom. Jésus-Christ dit encore ailleurs : " Moi et mon, Père nous ne sommes qu’un " : moi et mon Père, voilà la distinction des Personnes ; nous ne sommes qu’un, voilà l’unité de la nature. Saint Jean, dans son épître, nous dit : " Il y en a trois dans le ciel qui rendent témoignage à la vérité ; le Père, le Verbe, et le Saint-Esprit ; et ces trois ne sont qu’une même chose ", c’est-à-dire qu’une même substance et qu’un même esprit.
Non, Dieu, par un effet de sa sagesse, ne leur avait point manifesté clairement ce mystère, parce qu’étant charnels et grossiers ils n’auraient jamais pu admettre que trois personnes ne sont qu’un seul Dieu, et ils auraient pris de là occasion pour tomber dans l’idolâtrie à laquelle ils étaient beaucoup portés par l’exemple des nations qui les environnaient. Cependant on trouve des preuves de ce mystère dans plusieurs endroits de l’Ancien Testament.
1° Quand Dieu voulut créer Adam il dit : " Faisons l’homme à notre image ". Or, cette manière de parler dénote plusieurs personnes en Dieu, car, s’il n’y en avait qu’une, elle ne dirait pas, " faisons l’homme à notre image ", au pluriel, mais au singulier : " Je vais faire l’homme à mon image ".
2° Quand Dieu voulut détruire Sodome il envoya trois Anges, qui, étant revêtus de la figure humaine, logèrent chez Abraham, qui leur parlait comme à un seul ; sur quoi saint Augustin dit qu’il en vit trois et qu’il n’en adora qu’un, parce que ces trois représentaient les trois Personnes de la sainte Trinité, qui ne font qu’un seul Dieu.
3° Le prophète Isaïe nous dit qu’il vit dans une vision les Séraphins qui, étant près du trône de Dieu, chantaient en chœur, " Saint, saint, saint " ; or cette parole ainsi répétée trois fois marque clairement les trois personnes de la sainte Trinité.
4° Il est dit dans un psaume que Dieu a créé le ciel par son Verbe et par son Esprit, ce qui fait voir que les trois personnes ont également concouru à la création du monde, et qu’elles sont éternelles.
5° La plupart des Prophètes on annoncé le Messie comme Dieu, puisqu’ils lui donnent le nom et les qualités de Dieu ; de là les saints Pères concluent que, quoique le commun des Juifs eût ignoré le mystère de la Trinité, les Patriarches et les Prophètes, et plusieurs Saints de l’Ancien Testament l’ont connu, mais non pas aussi parfaitement que nous le connaissons.
Il est vrai que la raison éclairée par la foi nous sert à connaître en partie ce mystère, quoiqu’elle ne le puisse pas comprendre, puisqu’il est infiniment au-dessus de l’esprit humain. Voici cependant ce que l’on peut en savoir par les lumières de la raison : Dieu, étant un esprit, a un entendement et une volonté ; l’entendement de Dieu pense et raisonne, connaît et contemple sa nature et ses perfections : ainsi il y a dans Dieu une pensée, une parole intérieure, une connaissance, une image, et une représentation de lui-même et de ses perfections ; or, la foi nous apprend que cette pensée, cette idée, cette image de la substance de Dieu est une personne comme lui, qui est son Fils, et la raison n’est point contraire à cette conséquence, car la raison nous dicte que tout ce qui est dans Dieu est infini, et par conséquent Dieu ; ainsi nous comprenons que cette pensée, qui a toujours été Dieu, est Dieu elle-même, étant éternelle et infinie comme Dieu.
La raison nous montre aussi que la volonté de Dieu n’a pas été oisive, non plus que son entendement ; elle n’a pas même été un instant dans l’action, elle a toujours aimé, et cet amour, c’est le Saint-Esprit, qui est la troisième personne de la Trinité. Voilà comment la raison nous aide elle-même à connaître quelque chose du mystère de la Trinité ; mais il est impossible que nous comprenions parfaitement ce grand mystère ; puisque nous ne pouvons pas comprendre notre nature elle-même, comment pourrions-nous comprendre la nature de Dieu, qui est infiniment élevée au-dessus de la nôtre ? Plus les mystères de la foi sont incompréhensibles et au-dessus de la portée de l’esprit humain, plus ils sont adorables et respectables, et plus ils nous font voir que notre religion est une religion surnaturelle et divine, puisqu’elle est si élevée au-dessus de la raison
Qu’est-ce qui est commun aux trois personnes de la Trinité ?
Les trois personnes ont la même nature, c’est-à-dire, le même esprit est dans cette nature qui est commune à tous les trois ; elles possèdent les mêmes perfections : même puissance, même bonté, même sagesse, même divinité, selon ces paroles du Sauveur : " Tout ce que mon Père a est à moi ".
Quand on dit que les trois Personnes ont la même nature et les mêmes perfections, est-ce seulement qu’elles ont une nature et des perfections semblables, comme on pourrait dire de trois personnes qu’elles se ressembleraient parfaitement : " Voilà trois personnes qui ont la même grandeur, le même caractère et le même naturel " ? Ou est-ce à dire que les trois Personnes de la Trinité aient la même nature et les mêmes perfections, de telle sorte que la nature et les perfections du Père soient les mêmes que celles du Fils et du Saint-Esprit ?
Les trois Personnes de la sainte Trinité n’ont pas une nature semblable comme trois personnes qui se ressembleraient, et qui ont cependant chacune une autre nature propre, chacune un corps et une âme différents de celui des autres ; mais elles ont tellement la même nature et les mêmes perfections qu’elles n’ont qu’une seule et même nature ; puisqu’elles n’ont et ne sont toutes trois que le même esprit. Les trois Personnes ont aussi la même action ; ce qu’une fait, l’autre le fait également ; ainsi comme le Père a tout créé, gouverne tout, et conserve tout l’univers, le Fils et le Saint-Esprit ont de même tout créé avec le Père, et gouvernent et conduisent tout avec le Père.
Que les trois Personnes étant le même Dieu, ayant la même divinité, doivent être aimées, servies et adorées l’une comme l’autre, puisqu’elles sont autant l’une que l’autre ; c’est ainsi que Jésus-Christ nous apprend dans l’évangile que son Père a jugé qu’on rendrait au Fils le même honneur et le même culte qu’à lui-même. Ainsi l’Église adore-t-elle les trois personnes de la sainte Trinité l’une comme l’autre et l’une avec l’autre, en disant : " Gloire au Père, au Fils, et au Saint-Esprit " ; et elle n’adore rien autre chose, parce qu’il n’y a que ces trois personnes qui soient Dieu.
De ce que les trois personnes de la Divinité ont le même nature, que s’ensuit-il encore ?
Il s’ensuit qu’elles sont inséparables, qu’elles sont l’une dans l’autre, l’une avec l’autre, sans pouvoir être un moment l’une sans l’autre. Ainsi Jésus-Christ nous dit dans l’évangile : " Mon Père est dans moi, et moi je suis dans mon Père. Je ne suis pas seul, mais mon Père fait les œuvres que je fais avec moi ". De là il s’ensuit encore que le Père et le Saint-Esprit étaient avec Jésus-Christ quand il était sur la terre, et qu’ils sont encore avec lui par concomitance dans le saint Sacrement de l’autel, puisqu’étant le même esprit ils sont inséparables.
Qu’y a-t-il de particulier à chacune des personnes pour la distinguer des autres ?
Ce qui est propre au Père, c’est qu’il engendre le Fils, lui seul ; et qu’il produit le Saint-Esprit avec le Fils ; ce qui est propre au Fils, c’est qu’il est engendré du Père, et qu’il produit le Saint-Esprit avec le Père ; ce qui est propre au Saint-Esprit, c’est qu’il procède du Père et du Fils : ainsi le Père n’est produit d’aucun autre principe, et le Saint-Esprit est produit du Père du Fils sans produire aucune autre personne : voilà ce qui est propre à chacune des Personnes, et ce qui met de la différence entre elles, de sorte que l’une est distinguée de l’autre ; mais, excepté ces propriétés qui conviennent à une Personne sans convenir à l’autre, tout est commun aux trois Personnes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, excepté cependant encore le mystère de l’Incarnation, qui convient au Fils seul, à l’exclusion du Père et du Saint-Esprit.
Pourquoi la première personne s’appelle-t-elle Père, la seconde, Fils, et la troisième, Saint-Esprit ?
La première personne s’appelle Père, parce qu’elle engendre le Fils, la seconde s’appelle Fils, parce qu’elle est engendrée du Père, la troisième, Saint-Esprit, parce que c’est l’Esprit du Père et du Fils, qui est infiniment saint.
Comment le Père engendre-t-il son Fils ?
Par voie d’entendement, en se connaissant lui-même, et en contemplant ses perfections ; il se forme dans son entendement une pensée, une idée, une image toute semblable à lui, et qui le représente parfaitement, comme lorsqu’on pense à une chose, on s’en forme une idée qui est semblable à la chose à laquelle on pense, ou lorsqu’on se regarde dans un miroir, on voit sa représentation, avec cette différence que l’idée que nous avons d’une chose n’est que passagère, et que la pensée de Dieu lui est essentielle et continuelle, et que la représentation de nous-même dans un miroir n’est qu’une réverbération des rayons réfléchis vers nous, au lieu que la représentation et l’image que le Père se forme de lui-même est une personne réelle et véritable ; c’est pour cela que le Fils de Dieu est appelé dans l’écriture le Verbe éternel, c’est-à-dire la pensée ou la parole intérieure de Dieu, qui a toujours été dans son entendement, l’image du Père, et la figure de la substance, mais une image réelle et substantielle, qui ne représente pas seulement la nature divine en figure, mais qui la contient réellement.
Comment le Père et le Fils produisent-ils le Saint-Esprit ?
Par voie d’amour, c’est-à-dire, en s’aimant, et comme c’est la volonté qui aime, et que le Père et le Fils ont la même volonté, il s’ensuit que le Saint-Esprit procède des deux personnes comme d’un même principe ; c’est ainsi que l’Église l’a décidé dans le concile de Florence.
Quand le Père a-t-il engendré le Fils ?
De toute éternité, parce qu’il s’est toujours connu.
De toute éternité, parce qu’ils se sont toujours aimés. Ainsi il est aisé de voir que le Fils est aussi ancien que le Père, et le Saint-Esprit aussi ancien que le Père et le Fils.
Le Père engendre-t-il encore son Fils maintenant ? Et le Père et le Fils produisent-ils encore le Saint-Esprit ?
Oui, la génération du Fils, et la procession du Saint-Esprit, est éternelle et continuelle, parce que le Père n’a pu et ne peut être un moment sans se connaître, et le Fils et le Père ne peuvent être un moment sans s’aimer ; ce qui s’est fait dans Dieu de toute éternité se fait encore actuellement, et se fera toujours de même, parce qu’il ne peut y avoir de changement dans Dieu.
PREUVES DE LA DIVINITÉ DES TROIS PERSONNES
Comment peut-on montrer par l’écriture sainte que le Père est Dieu ?
Jésus-Christ en adressant la parole à son Père dit dans l’évangile : " C’est la vie éternelle de vous connaître, vous qui êtes le vrai Dieu " ; et l’écriture nous dit partout que le Père est Dieu.
Comment peut-on prouver que le Fils est Dieu ?
Saint Jean le dit en propres termes dans le premier chapitre de son évangile : " Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu ". Et l’écriture nous apprend qu’il a la nature divine, qu’il est égal au Père, qu’il a tout créé, et que les Anges l’adorent ; tout cela prouve évidemment qu’il est Dieu, et l’Église, dans le premier concile général de Nicée, a condamné les Ariens qui niaient la divinité de Jésus-Christ
Lorsqu’Ananie, ayant vendu un champ, voulait tromper les Apôtres en retenant une partie du prix, assurant qu’il n’en avait pas reçu davantage, saint Pierre lui dit : " Pourquoi avez-vous menti au Saint-Esprit ? Ce n’est point aux hommes que vous avez menti, c’est à Dieu ". Le Saint-Esprit est donc Dieu. Le même Apôtre nous dit encore que les Anges brûlent du désir de le voir et de le contempler dans le ciel, et l’écriture nous enseigne qu’il a créé le ciel avec le Père et le Fils. Jésus-Christ ordonne à ses Apôtres de baptiser en son nom aussi bien qu’au nom du Père et du Fils. Il le promet à son Église comme enseignant toute vérité, comme l’auteur et le distributeur de toutes les grâces ; or, tout cela prouve évidemment qu’il est Dieu. Enfin, l’Église a condamné comme hérétiques, dans le second concile général de Constantinople, les Macédoniens qui niaient la divinité du Saint-Esprit.
Puisque le Père est Dieu, que le Fils est Dieu, que le Saint-Esprit est Dieu, pourquoi ne peut-on pas dire que ce sont trois Dieux, comme on dit : Pierre est homme, Paul est homme, Jacques est homme, donc ce sont trois hommeS ?
C’est que ces trois personnes, Pierre, Paul et Jacques, ont chacun une nature différente, chacune un autre corps et une autre âme ; au lieu que les trois personnes de la Trinité n’ont qu’une même nature, qu’un même esprit, et qu’une même divinité.
Non, la nature divine étant un esprit simple ne peut être divisée ni partagée, mais elle subsiste tout entière dans la Personne du Père, et tout en entière dans la Personne du Fils, et tout entière dans la Personne du Saint-Esprit.