Face à Daech, des Occidentaux rejoignent des milices chrétiennes en Irak
Un Britannique de 38 ans a quitté sa confortable vie londonienne pour rejoindre une milice chrétienne en Irak pour combattre le groupe Etat islamique. De plus en plus d'Occidentaux s'engagent ainsi aux côtés de ces «croisés» assumés qui, selon la spécialiste du monde arabe Myriam Benraad, «sacralisent le combat» en réponse à l'idéologie jihadiste. Des Français pourraient être tentés.
Aurélie Rossignol | 25 Févr. 2015, 12h30 | MAJ : 25 Févr. 2015, 17h44
Choqué par des reportages sur les atrocités commises par Daech (le groupe Etat islamique), ce Britannique de 38 ans a brutalement tout quitté pour aller combattre les jihadistes en Irak.
Choqué par des reportages sur les atrocités commises par Daech (le groupe Etat islamique), ce Britannique de 38 ans a brutalement tout quitté pour aller combattre les jihadistes en Irak.
(Facebook - Tim Locks)
Crâne rasé, camouflage et gros calibre. Sur ses récentes photos Facebook, Tim Locks a plus l'allure de Bruce Willis dans une superproduction américaine que du prospère businessman qu'il était jusqu'en août dernier.
En Irak, une milice chrétienne attire des «cowboys» contre l'EI
En Irak, une milice chrétienne attire des «cowboys» contre l'EI
Influencé par des reportages sur les atrocités commises par Daech (le groupe Etat islamique), ce Britannique de 38 ans a brutalement tout quitté pour aller combattre les jihadistes en Irak. L'été dernier, il a rejoint une milice chrétienne appelée «Dwekh Nawsha». Un groupe qui compte désormais plusieurs dizaines d'Occidentaux venus défendre les Assyriens, l'une des plus anciennes communautés chrétiennes du monde.
«J'étais à la maison et je regardais les infos. (...) Je me suis dit qu'il était temps de donner un coup de main», a-t-il expliqué au «Daily Mail» le week-end dernier. En cherchant sur Internet, il tombe sur un certain «Brett», un jeune vétéran américain qui recrute d'autres profils comme lui pour former une sorte de «légion étrangère» en Irak. Cette tête brûlée aurait déjà convaincu cinq autres volontaires d'Amérique du Nord et du Royaume-Uni de le suivre. Il prétend également avoir 20 candidats de plus en attente. C'est ainsi que Tim Locks a troqué sa belle maison avec piscine dans la banlieue londonienne contre les plateaux terreux du Kurdistan irakien.
«Quand l'Etat islamique sera éradiqué de la surface de la Terre»
Comme Brett, le Britannique s'est affilié à une milice locale existante, Dwekh Nawsha («Futur martyr» dans un dialecte araméen, ndlr), dans les plaines de Ninive. Pour l'instant, l'ancien chef d'entreprise de construction n'est pas envoyé au front mais utilise ses compétences dans le bâtiment pour la logistique. Sur le réseau Facebook, il pose toutefois fièrement en treillis, arme à la main. Tim Locks a précisé qu'il ne reviendrait dans son pays que «quand l'Etat islamique sera éradiqué de la surface de la Terre».
VIDEO. En Irak, une milice chrétienne attire des «cowboys» contre Daech
Et d'argumenter : «Je suis ici pour aider les personnes qui n'ont rien, avec un groupe de gars que je connais depuis seulement quelques semaines, mais nous sommes déjà comme une famille.»
Une vison «apocalyptique»
Ces Occidentaux qui partent combattre au nom d'une religion sont dans une «logique apocalyptique», analyse Myriam Benraad, spécialiste de l'Irak et du monde arabe. C'est la «fin du monde» qui se joue et il faut défendre «la civilisation judéo-chrétienne». Selon cette chercheuse à Sciences-Po et l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), ce «phénomène» grandissant est une réponse à l'idéologie fondamentaliste du groupe Etat islamique.
Sans mettre sur le même plan les jeunes qui partent faire le jihad et ces Occidentaux rejoignant les milices chrétiennes d'Irak ou de Syrie, Myriam Benraad parle de «symétrie». «Il existe une sacralisation du combat des deux côtés. On assiste à une professionnalisation de la réponse à l'Etat islamique. Ils partent rejouer l'Histoire, c'est une grande aventure au nom de la religion, ils assument l'esprit de croisade.» Bien au delà de leur pays, de leur nationalité, «c'est cause contre cause, civilisation contre civilisation», insiste la spécialiste. Ce n'est pas là le fait d'être Américains ou Britanniques qui rassemble mais «c'est le religieux qui créé la coalition».
Des Français tentés ?
Selon Myriam Benraad, les récents attentats à Paris et à Copenhague au nom de l'islam radical «renforce le réflexe identitaire» de ces chrétiens. Comme dans certaines mosquées fréquentées par des salafistes, «il y a des églises intégristes» qui confortent ces «croisés assumés face à ceux qui se revendiquent compagnons du prophète Mahomet».
A sa connaissance, aucun Français n'a été identifié dans les milices chrétiennes d'Irak. Mais «il doit y en avoir», suppose-t-elle au vu des «messages de sympathie» qui pullulent sur les réseaux sociaux.
Sur le profil Facebook de Tim Locks, on peut par exemple lire des «Bon courage à toi. La France est derrière toi» ou encore «Merci et respect d'un militaire français, respect mec!» écrits dans la langue de Molière.