Six questions sur les « grands hommes » du PanthéonLe Monde.fr | 27.05.2015 à 13h52 • Mis à jour le 27.05.2015 à 14h23 |
Mercredi 27 mai, quatre personnalités, deux femmes et deux hommes, vont faire leur entrée au Panthéon. L’occasion de revenir sur l’histoire de ce temple devenu républicain en 1791.
Qui sont les nouveaux panthéonisés ?
Quels sont les parcours de ces nouveaux entrants, dont le point commun est d’avoir participé à la Résistance durant la seconde guerre mondiale ?
Alors qu’elle étudiait l’ethnologie en Algérie, Germaine Tillion (1907-2008) entre en Résistance dès son retour en France, en 1940, au sein de ce que l’on appellera le réseau du Musée de l’homme. A la suite d’une trahison, elle est arrêtée en 1942, puis déportée dans le camp de concentration pour femmes de Ravensbrück, en Allemagne. Germaine Tillion est également faite Grand-Croix de la Légion d’honneur, en 1999.
Après avoir étudié à l’Ecole normale supérieure, Pierre Brossolette (1903-1944) devient un journaliste engagé. Début 1941, il entre également dans le réseau du Musée de l’homme et devient rédacteur en chef du journal Résistance. Il rejoint Londres, où il prononce de nombreux discours depuis les locaux de la BBC.
Mais ses prises de position lui valent de nombreuses inimitiés. Il s’oppose en particulier à Jean Moulin qui souhaite rassembler, autour du général de Gaulle, l’ensemble des formations politiques et les mouvements de résistance dans un conseil national. De retour en France à l’automne 1943, il est arrêté le 3 février 1944 par la Gestapo. Transféré dans les locaux de la police politique allemande à Paris, il se défenestre le 22 mars, pour éviter de parler sous la torture. En raison de son opposition à Jean Moulin, l’entrée de Pierre Brossolette au Panthéon a fait l’objet de nombreuses polémiques.
Comme Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz (1920-2002) est une rescapée du camp de Ravensbrück. Nièce du général de Gaulle, elle est arrêtée le 20 juillet 1943, dans une librairie parisienne en possession de documents clandestins. Elle aussi a fait partie du réseau de résistance du Musée de l’homme et a participé à des missions de renseignement. Elle est également emprisonnée dans le camp pour femmes de Ravensbrück. Dès la fin de la guerre, Geneviève de Gaulle-Anthonioz participe à la création de l’Association des anciennes déportées et internées de la Résistance. Elle préside l’association ATD Quart-Monde de 1964 à 1998. Geneviève de Gaulle-Anthonioz est la première française à recevoir la Grand-Croix de la Légion d’honneur.
Jean Zay (1904-1944) fait également son entrée au Panthéon. Grand défenseur de la laïcité, il est élu député du Loiret alors qu’il n’a que 28 ans. Après la victoire du Front populaire en 1936, Jean Zay devient ministre de l’éducation nationale et des beaux-arts. C’est le plus jeune ministre de la IIIe République. Mais le 3 septembre 1939, le jour même de l’entrée en guerre de la France, il démissionne.
Après l’appel de Charles de Gaulle, il embarque, avec 27 parlementaires, à bord du Massilia. Direction le Maroc pour continuer la guerre depuis l’Afrique du Nord. Mais il est arrêté à Rabat et renvoyé en métropole. Il passe ensuite plus de trois ans en prison. Le 20 juin 1944, trois membres de la Milice, une organisation vichyste, se font passer pour des résistants, sortent Jean Zay de sa cellule et l’amène dans une carrière abandonnée. Avant de se faire exécuter, l’Orléanais Jean Zay cria « Vive la France ! »
Combien de personnes sont inhumées au Panthéon ?
En faisait entrer ces quatre résistants, le chef de l’Etat porte à 77 le nombre de personnes qui reposent dans le Panthéon. Jusqu’ici, le temple républicain des « grands hommes » ne comptait que deux femmes, Marie Curie et Sophie Berthelot. Cette dernière est inhumée en tant qu’« épouse de », au côté de son mari le chimiste et homme politique Marcellin Berthelot. En compagnie de Marie Curie, Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz formeront donc le cercle très restreint des femmes panthéonisées grâce à leur action.
François Hollande a choisi quatre résistants de la seconde guerre mondiale mais la liste des panthéonisés est très hétéroclite. Y figurent des hommes politiques (Antoine Condorcet, Jean Jaurès, Jean Monnet…), des écrivains (Jean-Jacques Rousseau, Victor Hugo, Emile Zola…), des scientifiques (Pierre et Marie Curie, Paul Langevin, Gaspard Monge…) ou encore des militaires (Michel Ordener, Gabriel-Louis Caulaincourt…).
Le Panthéon a-t-il toujours accueilli les « grands hommes » ?
Dans un rapport sur le rôle du Panthéon remis à François Hollande en 2013, Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, rappelle l’histoire de ce monument.
D’après ce dernier, l’édifice « a été conçu à la fin du règne de Louis XV comme une église catholique consacrée à sainte Geneviève, légendaire patronne de Paris ». A la Révolution, il devient « un temple destiné à recueillir les restes des hommes qui avaient préparé ou accompagné la chute de l’Ancien Régime ». Il prend alors à ce moment le nom de Panthéon. Durant le XIXe siècle, selon le régime établi en France, le monument est « ballotté entre son usage religieux et son usage laïc ». A la suite du triomphe de la République, l’usage laïc de l’édifice va l’emporter. Quelques jours après la mort de Victor Hugo, un décret du 26 mai 1885 l’officialise en rendant au Panthéon « sa destination primitive et légale ».
Qui peut décider d’une entrée au Panthéon ?
Le détenteur de ce pouvoir a beaucoup évolué au gré des régimes. En 1791, la décision d’inhumer une personnalité au Panthéon est dévolue à l’Assemblée constituante. Avant d’être confiée à la Convention en 1794. Sous le Premier empire, ce pouvoir revient à Napoléon Ier. Au cours de la IIIe et la IVe République, ce sont les parlementaires qui ont l’initiative du décret de panthéonisation.
Sous la Ve République, c’est au président de la République de décider arbitrairement qui peut rentrer au Panthéon. Deux conditions doivent être respectées aujourd’hui : la nationalité française de la personnalité et l’accord de sa famille. Ce qui n’a pas toujours été le cas. Napoléon Bonaparte a ainsi fait entrer quatre Italiens, un Suisse et un Néerlandais.
Mais une nouveauté est apparue en 2013. En parallèle de son rapport sur le rôle du Panthéon, Philippe Bélaval a lancé une grande consultation citoyenne en ligne. Elle avait pour but de permettre aux internautes de « participer à la réflexion qui pourrait conduire à de nouveaux hommages rendus à des hommes ou des femmes illustres au Panthéon ». Plus de 30 000 citoyens ont donné leur avis sur les qualités que doivent posséder les futurs panthéonisés. L’engagement pour la liberté arrive en tête (26,12 % des interrogés), devant l’engagement pour l’égalité (17,75 %). Viennent ensuite l’engagement pour la paix, l’action politique, l’engagement humanitaire ou pour la fraternité… Les citoyens ont également pu donner des noms de personnalités qui pourraient rentrer au Panthéon. Parmi les réponses figuraient ainsi Jean Zay et Germaine Tillion.
Quel est le plus grand « panthéonisateur » ?
La palme du plus grand « panthéonisateur » revient sans conteste à Napoléon Ier. Sur les 77 « grands hommes », l’empereur en a inhumé une quarantaine. Dans son rapport, le président du Centre des monuments nationaux, Philippe Bélaval, explique ce chiffre par le fait que Napoléon Bonaparte « y destinait tous les dignitaires de l’Empire morts en fonction ».
Sous la Ve République, le général de Gaulle n’a panthéonisé qu’une seule personne, son compagnon de la Résistance Jean Moulin. Au contraire, François Mitterrand a beaucoup utilisé la symbolique républicaine du Panthéon. Dès le jour de son intronisation, le président socialiste, suivie par une foule immense, est venu à pied, une rose dans la main, se recueillir dans le Panthéon. Au cours de ses deux septennats, il a fait inhumer sept personnalités dont les époux Curie, ou encore Jean Monnet. Un record sous la Ve République.
(À partir de 3’40)
Sous Nicolas Sarkozy, seul Aimé Césaire a eu droit à un hommage national au Panthéon, en 2011. Depuis une plaque porte le nom, son corps étant resté en Martinique selon sa volonté. L’ancien chef de l’Etat souhaitait également panthéoniser Albert Camus, mais la famille de l’écrivain a refusé.
Le romancier métis, Alexandre Dumas, est donc le dernier à avoir été panthéonisé, en 2002, par Jacques Chirac.
Est-il possible de retirer quelqu’un du Panthéon ?
L’entrée dans le Panthéon n’est pas définitive. Certaines personnalités ont en effet été retirées depuis 1 791. Dont le premier à y entrer, Mirabeau. Après avoir été panthéonisé en 1791, on découvre que le politique tenait une correspondance secrète avec le Roi. Convaincu d’être un agent double, son corps est évacué par la porte de derrière en 1794. Marat, Le Peletier et Dampierre ont subi le même sort.
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