Les journalistes soupçonnés d’avoir voulu faire chanter le roi du Maroc mis en examen
Le Monde.fr avec AFP | 29.08.2015 à 00h11 • Mis à jour le 29.08.2015 à 19h34
Deux journalistes français soupçonnés d’avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc ont été mis en examen pour chantage et extorsion de fonds dans la nuit de vendredi 28 à samedi 29 août, a-t-on appris de source judiciaire. Selon une source proche du dossier, Eric Laurent a reconnu durant sa garde à vue, entamée jeudi soir, avoir formulé une offre de 3, puis 2 millions d’euros au Maroc pour le renoncement de la publication d’un livre compromettant pour le Palais royal, cosigné avec la journaliste Catherine Graciet.
L’avocat de Catherine Graciet, Me Eric Moutet, a confirmé vendredi soir l’existence d’un « deal financier », dans un « contexte très troublant ». « Le royaume marocain a des comptes évidents à solder avec Catherine Graciet, et un nouveau livre sur l’entourage du roi est en préparation au moment où le deal financier se met en place », a-t-il déclaré à l’AFP. Pour lui, « c’est précisément l’avocat mandaté par le roi qui piège les journalistes par des enregistrements sauvages ». « Il y a dans cette affaire une logique de stratagème qui s’est mise en place », a-t-il jugé et « l’instruction devra déterminer le rôle de chacun ».
L’avocat d’Eric Laurent, William Bourdon, qui a également reconnu auprès de l’AFP l’existence d’un « accord financier », a réfuté tout chantage ou extorsion de fonds, dénonçant un « traquenard » et une « manipulation » des autorités marocaines.
« Moyennant 3 millions d’euros, je ne publie pas mon livre »
Selon Me Eric Dupond-Moretti, l’un des avocats de Rabat, l’affaire a commencé le 23 juillet : ce jour-là, Eric Laurent aurait contacté le secrétariat du Palais royal pour annoncer la sortie prochaine d’un livre polémique contenant « des choses importantes ». « Un représentant du Palais a alors été envoyé à Paris où une première rencontre a eu lieu avec M. Laurent », explique l’avocat, joint jeudi soir par Le Monde.
Au cours de cette rencontre, M. Laurent aurait déclaré être en train de préparer un ouvrage compromettant pour le Palais. Selon lui, « Eric Laurent dit : “Ecoutez, moyennant 3 millions d’euros, je ne publie pas mon livre, un livre que je prépare avec Catherine Graciet”. »
« Le Palais a alors décidé de porter plainte auprès du parquet de Paris. Les policiers ont décidé d’organiser un flagrant délit », raconte Me Dupond-Moretti, qui a révélé l’affaire jeudi après-midi sur l’antenne de RTL. Dans la foulée, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire, puis saisira des juges d’instruction.
Un autre rendez-vous, écouté et surveillé par la police, aurait alors été fixé. M. Laurent y aurait réitéré la même proposition. Enfin, un troisième rendez-vous aurait été fixé au jeudi 27 août dans un restaurant parisien. « Cette fois, Eric Laurent et Catherine Graciet étaient tous les deux présents. Un contrat a été signé et un acompte de 80 000 euros leur a été remis », déclare l’avocat. Les deux journalistes ont été interpellés à la sortie de ce rendez-vous, ils ont passé la nuit en garde à vue.
Pour l’avocat d’Eric Laurent, au contraire, « rien dans le dossier n’établit [...] que l’un ou l’autre des journalistes aurait initié une discussion de nature financière et pas plus n’aurait exigé un paiement en contrepartie de la renonciation à publier le livre ».
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