Beurre. Le nouvel or jaune ? Publié le 22 octobre 2017 à 06h34
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Le beurre commence à se faire rare dans les linéaires des supermarchés et des hypermarchés, et ce depuis plusieurs jours.
Le beurre est-il le nouvel or jaune ? Son prix atteint des sommets, et cette matière grasse très appréciée des consommateurs commence à se faire rare dans les rayons des grandes surfaces. Chez les biscuitiers, qui voient leurs coûts de production exploser, c'est la panique. Certains d'entre eux songent même à revisiter leurs recettes. Que se passe-t-il donc sur le marché du beurre ?
Décryptage.
Pourquoi le cours du beurre a-t-il doublé en un an ?
C'est la conséquence d'un déséquilibre entre l'offre et la demande et d'un retournement de situation. Pour faire du beurre, il faut du lait. Or, la collecte laitière mondiale a chuté alors que la demande en matières grasses animales (beurre, crème et même fromage) continue d'exploser. Ainsi, en Europe, après la surproduction qui a suivi la fin des quotas, en 2014, et fait plonger les prix payés aux producteurs, la collecte a connu un net repli en 2016. Étranglés par leurs difficultés financières et pénalisés par une récolte fourragère médiocre, les éleveurs ont moins produit de lait. Les perspectives de la collecte laitière sont meilleures pour le premier semestre 2018.
Pourquoi cette explosion de la demande de beurre ?
Diabolisé pendant plusieurs années, le beurre revient en vogue. Le corps médical n'interdit plus d'en manger. Ainsi, entre 2013 et 2015, la consommation de beurre a augmenté de 2,5 % à l'échelle mondiale et de 5 % en France. « Depuis deux ans, c'est frappant. Partout, en Amérique, en Asie ou en Europe, tout le monde veut du beurre à la place de la margarine et de l'huile de palme », explique Gérard Calbrix, économiste à l'Atla, l'Association de la transformation laitière. « Grâce à des enseignes comme La Brioche Dorée ou Starbucks, les Chinois ont découvert les pâtisseries et les croissants au beurre à la française, ils en raffolent », complète Jean-Marie Le Bris, directeur commercial des produits de grande consommation chez Laïta. Même McDonald's, aux États-Unis, a supprimé toutes les matières grasses végétales de ses gâteaux pour les remplacer par du beurre.
Pourquoi ce manque dans les rayons des supermarchés ?
Peut-être les consommateurs ont-ils fait des stocks afin d'être sûrs d'avoir de la matière pour confectionner leurs bûches de Noël. Mais les transformateurs nous expliquent que cette absence de beurre ou de certaines références dans les rayons révèle surtout les tensions entre certaines enseignes de la grande distribution et leurs fournisseurs. « La grande distribution refuse d'augmenter en cours de saison, les tarifs négociés en février dernier. Il y a une trop grande rigidité dans les négociations. Alors qu'en Allemagne le prix de la plaquette de beurre a augmenté de 50 % en un an, elle n'a augmenté que de 12 % en France », explique Alain Le Boulanger, délégué pour le Grand-Ouest de la Fédération nationale de l'industrie laitière. Conséquence : les industriels respectent a minima leurs engagements envers leurs clients distributeurs et, pour le reste, approvisionnent de préférence leurs clients fidèles, pâtissiers ou grossistes, qui les paient au prix réel du marché. Du beurre part donc en France, mais aussi à l'export. Les industriels ont également accru leur production de fromage, ce qui réduit la disponibilité en matière grasse pour faire du beurre.
Pourquoi le prix du lait au producteur n'augmente pas autant que le prix du beurre ?
Parce que le beurre ne représente que 20 % du lait et que la matière protéique, l'autre composante du lait, ne connaît pas la même envolée. L'Union européenne conserve actuellement en stock 350.000 tonnes de poudre de lait écrémé issue de la précédente surproduction. Tôt ou tard, elle les remettra sur le marché. Comme une épée de Damoclès, ce stock freine la remontée du prix du lait. La Coordination rurale, un syndicat agricole, estime que cette pénurie met au grand jour les défaillances d'une politique agricole commune ultralibérale et laisse entendre qu'il y a de la spéculation.
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