Etat d'urgence: validation des perquisitions et interdictions de réunion
Après les assignations à résidence, le Conseil constitutionnel a validé vendredi l'essentiel des deux autres dispositions coercitives de l'état d'urgence décrété après les attentats de novembre, les perquisitions et les interdictions de réunion.
Seule une disposition qui permettait aux policiers de copier des données informatiques lors des perquisitions a été censurée, les "Sages" estimant que le législateur n'avait pas prévu "de garanties légales" propres à assurer un équilibre entre "droit au respect de la vie privée" et "sauvegarde de l'ordre public".
Cette décision du Conseil constitutionnel était très attendue par le gouvernement, qui entend inscrire l'état d'urgence dans la Constitution, autant que par les magistrats et les avocats qui ont dénoncé un recul du rôle du juge judiciaire en tant que gardien des libertés individuelles.
- 'un contrôle du juge judiciaire pas nécessaire' -
Sur ce dernier point, les "Sages" ont tranché en estimant que le contrôle préalable d'un juge judiciaire n'est pas indispensable pour les perquisitions décrétées dans le cadre de l'état d'urgence.
Ces perquisitions "relèvent de la seule police administrative" et "n'affectent pas la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution", qui fait du juge judiciaire le gardien de la liberté individuelle. "Elles n'ont (donc) pas à être placées sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire", écrivent les "Sages".
"Le juge administratif est chargé de s'assurer que cette mesure, qui doit être motivée, est adaptée et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit", rappellent-ils, tout en soulignant que les recours après les perquisitions permettent "à l'intéressé d'engager la responsabilité de l'Etat".
Concernant les interdictions de réunion, les "Sages" ont souligné que les dispositions contestées ne concernaient pas "l'interdiction des manifestations de voie publique". Ils ont jugé que cette disposition ne crée par un déséquilibre manifeste entre le droit d'expression des idées et la sauvegarde de l'ordre public.
- 'des aspects positifs' -
Le Conseil était saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) déposées par la Ligue des droits de l'Homme (LDH).
Pour la LDH, les dispositions contestées portaient une atteinte grave à certaines libertés fondamentales comme "le droit d'expression collective des idées et opinions", le droit au "respect de la vie privée" et à la règle, fixée par l'article 66, selon laquelle l'autorité judiciaire est "gardienne de la liberté individuelle".
"Le juge judiciaire et le juge administratif n'ont pas la même mission, le premier est un juge de l'autorisation qui intervient en amont et le second un juge du contrôle qui agit a posteriori", avait rappelé Me Patrice Spinosi, avocat de la LDH. "Mais, une fois la perquisition opérée, le mal est fait, on ne peut plus revenir en arrière."
Interrogé par l'AFP, l'avocat a jugé la décision des "Sages" "décevante" tout en relevant des aspects positifs. "Le Conseil nous dit que l'on ne peut pas tout faire avec l'état d'urgence."
"A partir d'aujourd'hui, les saisies de données ne sont plus autorisées et les données saisies ne pourront plus être conservées, ce qui va amener le législateur à modifier la loi pour mieux encadrer cette mesure", a-t-il souligné.
Sur les perquisitions de nuit, l'avocat se félicite que le Conseil ait précisé qu'elles doivent être "justifiées par l'urgence ou l'impossibilité de les effectuer le jour".
Il a enfin relevé que les "Sages" ont pris la précaution de rappeler que leurs décisions concernaient le cadre spécifique de l'état d'urgence. "Ils se sont ainsi laissé une marge de manoeuvre pour statuer sur la future réforme pénale sans être lié par une précédente décision", a-t-il fait valoir.
"Cette décision ayant épuisé les voies de recours interne, elle ouvre le champ à d'éventuels recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme", a souligné l'avocat.
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