La vérité qui sauve
Catégorie : Point de vue
Marta Delsol | Tous ses billets
toxicomane | Cenaccolo | drogué | communauté | vie | amour
Auteur réalisateur, Marie Viloin pose son regard sur des personnages traversés par une expérience de Dieu. Intitulé L’étreinte, son dernier documentaire donne la parole à cinq jeunes toxicomanes.
Vous filmez le parcours de salut de cinq personnes toxicomanes. Où les avez-vous rencontrés ?
L’étreinte est un film sur la rédemption de cinq toxicodépendants qui vivent en communauté avec quarante-cinq autres jeunes dans une ferme des Pyrénées, sans éducateurs, sans médecins. Lorsqu’on arrive à la ferme, l’endroit est propre, harmonieux, reposant. Les gars vivent ensemble. La communauté du Cenacolo est une « école de vie » et « un lieu pour être aimé » selon l’intuition de sa fondatrice sœur Elvira, une religieuse italienne.
Que racontez-vous dans ce film ?
Teddy, Simone, Vicenzo, Antony sont entrés au Cenacolo. Le déclic ? Fatigués de se voir mourir à petit feu, ils ont eu le désir de vivre autrement. Sans savoir comment. Au début, rien n’est facile. Le désespoir creusé par une souffrance abyssale noyait leurs regards, la force du mal les avait broyés. Tous ont connu la violence, les ruptures familiales, la haine de soi, du monde environnant. Le film épouse les relations quotidiennes que ces jeunes tissent entre eux au cours des activités de la journée passée en communauté, en particulier la récitation du chapelet en plein air. Le film apprécie les capacités de ces jeunes hommes à étreindre le réel, jusqu’à aimer leur vie.
Au débat posé par l’ouverture des « salles de shoot », vous apportez un autre éclairage.
Les députés français ont voté l’ouverture de « salles de shoot » pour toxicomanes. On a prétendu à une avancée sociale, la reconnaissance des personnes et leur suivi médical. Les drogués sont-ils des malades physiques ou des malades de l’espérance ? Y a-t-il une alternative à la drogue pour apaiser un désespoir suicidaire ? La communauté du Cenacolo laisse entrevoir une autre voie.
Quelle était votre intention ?
« Je ne veux pas guérir ces jeunes de l’addiction à la drogue, je veux qu’ils soient sauvés. » À l’origine de mon film, il y a cette phrase de sœur Elvira. Interpellée par cette intuition, j’ai voulu comprendre comment des jeunes étaient sauvés. Tout le film interroge cette dimension supplémentaire, celle de la rencontre avec Dieu. Ma rencontre avec ces anciens adeptes de la « défonce », « accros » aux produits toxiques, m’incite à rapporter de longs chemins de retour à la vie. Ces itinéraires de rédemption mettent en scène la puissance de l’amour qui élève et relève en rejoignant les attentes absolues inscrites au cœur de tout homme.
Les personnes du Cenacolo vous ont-elles appris quelque chose sur vous-même ?
J’ai été très édifiée par leur transparence, leur manière franche de se parler. Ils ne se cachent rien pour qu’il n’y ait plus de mensonge. Quand on voit un drogué une seringue dans le bras, on ne peut que constater l’évidence de l’addiction ; or il y a des addictions beaucoup plus fines dans la vie. Les addictions ont plusieurs visages. Les gars du Cenacolo en sont très conscients. Tout leur travail, c’est d’aller dans tous les plis et replis de leur vie pour débusquer cette addiction. Ils ne se mentent pas. Ils ne se mentent plus. Le toxicomane se drogue pour cacher la souffrance par une souffrance plus grande encore. La drogue étouffe tout. Le travail édifiant de ces garçons, c’est d’enlever tous ces pansements qui camouflent la blessure. C’est une leçon de vie universelle.
En quoi vous ont-ils le plus marquée ?
La pédagogie avec laquelle ils étreignent leur vie est extrêmement touchante. C’est une qualité de regard. Ils se disent tout le temps « merci ». Dans ce « merci », on a l’impression d’exister. Ils ont une profonde attention à l’autre. Dans leur regard, l’autre gars est plus grand qu’eux-mêmes. Par le respect et l’amour reçus, ils s’ouvrent à l’amour et au respect qu’ils se doivent à eux-mêmes. Avec cette capacité à s’aimer soi-même, c’est gagné !
Comme réalisatrice, qu’est-ce qui vous tient le plus à cœur ?
J’aime aller chercher ce qui est très intime dans mes personnages, jusqu’à faire se révéler ce qui se passe parfois en eux à leur insu. Ce qui se joue en nous-mêmes ne nous est pas forcément audible. Les films et les rencontres permettent cette remontée.
Le nouveau lien pour voir ce reportage,
http://www.lejourduseigneur.com/Web-TV/Focus/Droit-au-coeur-Careme-2016/L-etreinte-Ces-gars-du-Cenacolo