Le renouveau des écologistes
- José Bové, Eva Joly, Daniel Cohn-Bendit, les leaders d'Europe Ecologie (avril 09) - AFP/PASCAL PAVANI -
José Bové, Eva Joly, Daniel Cohn-Bendit, les leaders d'Europe Ecologie (avril 09)
AFP/PASCAL PAVANI
Europe Ecologie, liste qui a le plus progressé auX européennes, est un rassemblement des écologistes autour des Verts
Un rassemblement qui a su fédérer des personnalités aussi différentes qu’Eva Joly, venu du Modem ou José Bové, issu de l’altermondialisme et partisan du « non », autour du charismatique Daniel Cohn-Bendit, incontestable artisan du rebond de l’écologie politique en France.
Ce succès n’avait rien d’évident après les échecs des Verts lors de la dernière présidentielle en 2007 puisque Dominique Voynet n’avait obtenu que 1,57% des voix, dans un contexte, il est vrai, fort différent.
Retour sur une histoire déjà ancienne
René Dumont, candidat écologique en 1974 (AFP)Après 1968, l’écologie politique se développe dans le monde en général et en France en particulier. Dans notre pays, la présidence Pompidou et son discours productiviste et pro-automobile atteint ses limites avec le choc pétrolier de 1973 et les théories du Club de Rome sur les risques d’une croissance non maitrisée.
Sur le plan politique, pour la première fois lors de la présidentielle de 1974, un candidat se réclamant de cette mouvance, participe à l’élection. René Dumont, un agronome de 70 ans, marque le scrutin, avec son discours décapant et son pull rouge. Malgré une campagne considérée comme réussie, il n’obtient que 1,3% des voix.
En dépit de ce faible score, le mouvement est lancé et ne s’arrêtera plus. En 1981, le flambeau de la candidature écologiste est repris par Brice Lalonde qui obtiendra 3,4 % des voix (sans parler d’Huguette Bouchardeau).
Reste au mouvement écologiste à se structurer. Le courant est divisé. La stratégie politique pas encore définie. Son rapport aux autres questions sociétales et sociales pas fixé. Dans la foulée du congrès fondateur à Clichy (janvier 1984), les Verts obtiennent 3,4 % des voix aux européennes de 1984. Les élections municipales et européennes de 1989 voient une forte poussée des Verts (15% dans plusieurs villes et plus de 10% aux européennes). De 1000 adhérents en 1984, les Verts sont désormais 6000, avec un début de réel enracinement local.
La stratégie de « ni droite-ni gauche » de cette époque ne permet pas de dépasser le rôle de parti monothématique et, donc, protestataire. A l’issue d’un débat conflictuel, les Verts tranchent en 1993 en rompant avec le positionnement « ni droite-ni gauche », pour s’inscrire résolument dans le camp de la transformation sociale. Ce choix a un coût : les élections européennes de 1994 sont un désastre et, au milieu des années 1990, le nombre des adhérents a fondu de moitié, avec 3300 adhérents.
Encrés à gauche, les Verts évoluent entre échecs et demi-succès. A la présidentielle de 1995,
Dominique Voynet obtient 3,3% un score comparable à celui Voynet ministre du gouvernement Jospin en 1997 (à gauche d'Aubry)obtenu par Waechter en 1988, qui symbolise une vision de droite de l’écologie. La politique d’alliance avec le PS permet pour la première fois aux Verts d’obtenir des députés et même des ministres (gouvernement Jospin de gauche plurielle).
En 2002, à la présidentielle, pour la première fois les Verts dépassent les 5% (au grand dam du candidat Jospin…) avec la candidature de Noël Mamère.
Entre temps, comme de nombreuses autres familles politiques, les écologistes se sont divisés sur le référendum de 2005 sur l’Europe, certains appelant à voter « oui », d’autres militant pour le « non ». Un vote interne chez les Verts donne une légère majorité au « oui ».
Très liés au PS, les Verts pâtissent des scores du parti dominant de la gauche. Le système électoral français (scrutin uninominal) rend difficile leur autonomie dans les scrutins nationaux (législatives notamment). Leurs tentatives de se présenter seuls ne sont pas des succès. A la présidentielle de 2007, le syndrome de 2002 et le vote utile provoquent l’échec de la candidature Voynet (1,5%). Aux municipales, là où les Verts ont voulu reprendre leur autonomie comme à Paris (où leur collaboration avec le PS avait pourtant bien fonctionnée), les scores sont plus que mitigés. (Scores à comparer avec ceux réalisés le 7 juin 2009 où Europe Ecologie devance largement le PS dans Paris…).
Un redémarrage réussi
Europe Ecologie en meeting (AFP)C’est dans ce paysage contrasté que s’est constitué la liste Europe Ecologie,dont l’une des idées maîtresses a été d’élargir la liste à d’autres personnalités et courants écologistes que les Verts, sans pourtant abandonner totalement un ancrage à gauche (ce qui a d’ailleurs provoqué la présence d’une autre liste « écologique », celle des Waechter, Lalanne et Drevet 3,6%).
Après le Grenelle de l’Environnement, organisé par le gouvernement Fillon, qui avait attiré de nombreux mouvements de défense de l’environnement, les Verts avaient ressenti la nécessité d’élargir leur base. Les suites de ce Grenelle ont incité ces mouvements a faire cause commune avec les Verts, comme l'ancien porte-parole de Greenpeace Yannick Jadot ou Jean-Paul Besset, proche de l'animateur de télévision Nicolas Hulot. L’image de gauche de la liste était préservée par la présence de José Bové tête de liste dans l’une des circonscriptions.
Avec Daniel Cohn-Bendit comme tête d’affiche, un discours très centré sur l’Europe, et un programme autant écologique que social (Pour protéger, il faut changer ; Pour changer, il faut protéger), Europe Ecologie a réussi son pari en obtenant autant de députés que le PS.
Et maintenant ?
L’ex Dany le Rouge, devenu Dany le Vert a-t-il pour autant « dépolitisé » les écologistes, revenant sur le choix de 1993 des Verts ?
A le voir dimanche sur les plateaux, cela est difficile à croire. Il a clairement appelé à une alliance avec le modem, la gauche (le PS) et éventuellement à la gauche de la gauche pour empêcher une réélection de Barroso à la tête de la commission européenne. Fort de ce résultat, les écologistes peuvent-ils se placer au cœur d’une recomposition de l’opposition ? Trop tôt pour le dire.
En tout cas, l’ancien leader de Mai 68 a estimé qu’il n’y avait pas de majorité de droite en France et a affirmé n’avoir aucune ambition politique. « Je ne suis pas Français, je ne me présenterai pas à l'élection présidentielle". De quoi rassurer Philippe de Villiers qui a affirmé dimanche: "ce soir, je suis triste (...) la percée de Cohn -Bendit, 41 ans après Mai-68, le lanceur de pavés qui redevient un héros de la société française, moi ça me gêne profondément"