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 Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort

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MessageSujet: Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort   Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort Icon_minipostedLun 14 Nov 2016, 9:34 am

Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort

Loup Besmond de Senneville (avec AFP), le 13/11/2016 à 12h29
Mis à jour le 13/11/2016 à 16h03
Anthropologue des religions, psychanalyste, Malek Chebel est mort samedi 12 novembre à Paris, à 63 ans.

Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort L-anthropologue-Malek-Chebel-2006-Paris_0_730_509
L'anthropologue Malek Chebel, en 2006 à Paris. / FRED DUFOUR/AFP

Son érudition, sa liberté d’esprit et son sourire l’avaient fait largement connaître : Malek Chebel s’est employé depuis des années à développer une image libérale de l’islam, en traquant les mensonges des intégristes, et étudiant des thèmes qui pouvaient paraître iconoclastes, comme la sexualité arabe. L’anthropologue des religions et philosophe algérien est mort samedi 12 novembre à Paris. Il avait 63 ans.

« Malek Chebel, c’était l’islam des Lumières et la modernité. Son œuvre dit quel doit être notre ouvrage : bâtir l’islam de notre temps », a tweeté le premier ministre Manuel Valls, alors que les attentats djihadistes, comme ceux du 13 novembre qui sont commémorés dimanche 13 novembre, ont relancé les débats autour de la deuxième religion de France.

« Anthropologue infatigable »

Pour Anouar Kbibech, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), interrogé par l’AFP, sa disparition constitue « une grosse perte pour l’ensemble des musulmans de France ».

La ministre de la culture, Audrey Azoulay, a quant à elle salué un « anthropologue infatigable », qui « s’attachait à une plus grande compréhension et une meilleure connaissance de l’islam ».

Arrivé à Paris en 1980 pour préparer un doctorat en psychopathologie et psychanalyse, après une licence de psychologie clinique à Constantine, Malek Chebel veut contribuer par ses études à voir l’Orient et l’Occident s’éloigner des « lieux de confrontation » où les extrémistes veulent les conduire.

« J’ai pris le parti de chercher la lumière dans le monde arabe. Je suis tenu par un souci de vérité et je veux m’approcher au plus près possible de ce que je pense être cette vérité », disait-il à l’AFP en 2006, alors qu’il publiait « le Kama sutra arabe », premier manuel d’éducation sexuelle en terre d’islam.

« Islam moderne »

En 2013, il avait lancé le premier numéro de « Noor », une « revue pour un islam des lumières ». Sur sa couverture, on pouvait y lire les deux « O » de Noor (la lumière en arabe), « qui sont aussi ceux de l’Occident et de l’Orient », s’enchevêtrant pour laisser apparaître un interstice, symbole du dialogue que cette revue souhaite favoriser.

Une revue qui, si elle n’est pas allée au-delà du deuxième numéro, est restée comme l’un des symboles de ce qui fut l’un des buts constants de Malek Chebel tout au long de sa vie : défendre « un islam moderne » en puisant dans ce que les Lumières ont produit de « meilleur (progrès, humanisme) et en laissant de côté ce qu’elles ont d’anticlérical ».

Il avait également marqué les esprits avec « Changer l’islam : dictionnaire des réformateurs musulmans des origines à nos jours » (Albin Michel), paru en 2013. Deux ans plus tard, « L’islam pour les nuls » et « Le Coran pour les nuls » s’étaient arrachés dans les librairies en France après les attentats de janvier 2015.

Il avait aussi traduit le Coran en français et publié, entre autres, « L’islam et la raison », « L’Erotisme arabe », ou « L’islam en 100 questions », ainsi que plusieurs « dictionnaires amoureux » (du Coran, de l’Algérie…).

Malek Chebel sera enterré en Algérie, où il était né en 1953, après probablement une cérémonie en région parisienne lundi, a précisé à l’AFP son fils Mikaïl Chebel.

Loup Besmond de Senneville (avec AFP)

http://www.la-croix.com/Religion/Islam/Malek-Chebel-defenseur-d-un-islam-des-Lumieres-est-mort-2016-11-13-1200802721
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MessageSujet: Re: Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort   Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort Icon_minipostedSam 19 Nov 2016, 3:19 am

Décès de l'anthropologue Malek Chebel, défenseur d'un "islam des Lumières"
12/11/2016

Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort 20161112PHOWWW00376

L'anthropologue des religions et psychanalyste algérien Malek Chebel, défenseur d'un "islam des Lumières", est décédé samedi matin d'un cancer à l'âge de 63 ans, a indiqué sa famille. Il sera enterré en Algérie, après probablement une cérémonie en région parisienne lundi, a précisé à l'AFP son fils Mikaïl Chebel.

Né en 1953 en Algérie, Malek Chebel, spécialiste de l'islam, était l'auteur de nombreux ouvrages et a donné des conférences dans des universités de plusieurs pays, notamment en France et aux Etats-Unis. Parmi ses livres, "L'islam pour les nuls" et "Le Coran pour les nuls" s'étaient arrachés dans les librairies après les attentats de janvier 2015.

Il a aussi traduit le Coran et publié, entre autres, "Mohammed, prophète de l'islam", "L'islam et la raison", "L'Erotisme arabe", ou "L'islam en 100 questions". En 2008, Malek Chebel avait été décoré chevalier de la Légion d'honneur par Nicolas Sarkozy, alors président. "Grâce à vous, la France découvre, ou redécouvre, un islam qui connaît et aime la vie, le désir, l'amour, la sexualité", avait alors déclaré Sarkozy.
Le Figaro l'avait interrogé à  plusieurs reprises : comme ici en février 2015, après les attentats de janvier, ou là en septembre dernier.
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MessageSujet: Re: Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort   Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort Icon_minipostedSam 19 Nov 2016, 3:22 am

Mort de l’anthropologue Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières »


Il était notamment l’auteur de « L’islam pour les nuls » et « Le Coran pour les nuls », qui s’étaient arrachés dans les librairies après les attentats de janvier 2015.
Le Monde.fr avec AFP | 12.11.2016

Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort 5030162_4_b130_l-anthropologue-malek-chebel-defenseur_fd5a9b7683e7f523e2eccb9cca448cb4

L’anthropologue Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort samedi 12 novembre. FRED DUFOUR / AFP
L’anthropologue des religions et psychanalyste algérien Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort des suites d’un cancer, samedi 12 novembre au matin, à l’âge de 63 ans, a appris l’Agence-France-presse (AFP) auprès de sa famille.

« Malek Chebel, c’était l’islam des Lumières et la modernité. Son œuvre dit quel doit être notre ouvrage : bâtir l’islam de notre temps », a tweeté le premier ministre Manuel Valls. Pour Anouar Kbibech, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), interrogé par l’AFP, sa disparition constitue « une grosse perte pour l’ensemble des musulmans de France ».
Il sera enterré en Algérie, après une probable cérémonie en région parisienne, lundi, a précisé à l’AFP son fils Mikaïl Chebel.

Trente-cinq livres publiés


Arrivé à Paris en 1980 pour préparer un doctorat en psychopathologie et psychanalyse, après une licence de psychologie clinique à Constantine (Algérie), Malek Chebel voulait contribuer, par ses études, à voir l’Orient et l’Occident s’éloigner des « lieux de confrontation » où les extrémistes voulaient les conduire.
Il « a appris le dictionnaire » français en arrivant en France « pour s’approprier les mots, la langue », a raconté à l’AFP son ami Hichem Ben Yaiche. « Il avait une capacité de travail inouïe », avec trente-cinq livres publiés et cinq prévus pour la seule année 2016. Il voulait « ratisser plusieurs thématiques », dans « une quête d’identité personnelle », selon ce proche.
Parmi ses livres, L’islam pour les nuls et Le Coran pour les nuls s’étaient arrachés dans les librairies après les attentats de janvier 2015. Il a aussi traduit le Coran et publié, entre autres, Mohammed, prophète de l’islam, L’islam et la raison, L’Erotisme arabe, ou L’islam en 100 questions.
Face au « détournement de l’islam » par ceux qui ont alimenté sa « dérive sectaire » et djihadiste, Malek Chebel a donné naissance au concept d’« islam des Lumières » pour « dire que l’islam n’est pas extrémiste, qu’il n’est pas ce qu’on peut dire à travers les actes de quelques fous de Dieu », a expliqué Hichem Ben Yaiche.

Chevalier de la Légion d’honneur


Selon le président du CFCM, Malek Chebel proposait « une démarche innovante, une lecture contextualisée des préceptes de l’islam et de la pratique religieuse ». Et il avait « un rôle précurseur » avec « des analyses pertinentes, notamment sur la place de la femme dans l’islam, de la conception, de la relation de l’homme au plaisir d’une manière générale », des thèmes qui « apportaient une certaine fraîcheur à la vision que pouvait avoir la société française sur la religion musulmane », a souligné Anouar Kbibech.
En 2008, Malek Chebel avait été décoré chevalier de la Légion d’honneur par Nicolas Sarkozy, alors président de la République. « Grâce à vous, la France découvre, ou redécouvre, un islam qui connaît et aime la vie, le désir, l’amour, la sexualité », avait déclaré M. Sarkozy.[/quote]
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MessageSujet: Re: Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort   Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières », est mort Icon_minipostedSam 19 Nov 2016, 3:27 am

Le sexe et les religions


La veine amoureuse en islam


Malek Chebel - publié le 01/07/2009

[Archive] En hommage à notre ancien chroniqueur Malek Chebel, disparu le 12 novembre, nous republions un de ses textes. Inspirée de l'amour de Dieu, l'exaltation des sentiments prime, dans le monde musulman, sur celle des sens : si le rapport à la jouissance est bien une des constantes de la parole prophétique et de la littérature ancienne, les plaisirs de la chair ont été progressivement récusés par les docteurs de la loi.
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La question du plaisir et de la jouissance en islam est stratégique à plus d'un titre. Elle est l'argument principal de l'harmonie au sein du couple. Elle structure les rapports de celui-ci avec la famille, le clan et la société tout entière. Elle est enfin un indice d'appréciation du « bonheur » au sein de l'islam, ou au moins de sa représentation, sans compter qu'elle est l'une des constantes de la parole prophétique. Le Coran évoque sans fard la question de la sexualité dans plus de 82 versets. La sexualité comme thème distinct est nommée dans les sourates suivantes : II, 187, 222 ; IV, 15-16, 21 ; V, 3 ; XV, 68. Quant aux sous-thèmes, ils sont extrêmement variés et forment une sorte de nomenclature sexuelle, un programme, avec son périmètre du possible (le permis, halal) et ses empêchements dogmatiques (haram). Voici les plus saillants : la nudité du couple adamique, la chasteté pré-maritale, la continence, beauté, séduction et luxure, la tentation et son antidote, la retenue, le mariage et son extrapolation, la polygamie, l'adultère, la débauche, la fornication, la répudiation, la jalousie, la place des eunuques, la froideur sexuelle, la flagellation du couple adultère, l'interdit de l'homosexualité (en relation avec l'histoire de Loth), la sodomie, le voilement des femmes, la projection fantasmatique des houris et des épouses du Paradis. Plusieurs dizaines de versets sont consacrées au régime matrimonial, au comportement idéal de la femme au sein de la famille, au rôle des enfants et le respect qu'ils doivent aux aînés. En islam, toute sexualité hors mariage est proscrite, tant pour les femmes que pour les hommes. Une évidence saute aux yeux : le périmètre idéal de la sexualité est une constante du Livre sacré et traverse le corpus du hadith du Prophète, en sachant que Mohammed (570-632) demeure in fine le meilleur exégète du Coran. Plusieurs indices objectifs montrent que la veine amoureuse s'est harmonieusement développée en terre arabe, avant, pendant et après l'avènement de l'islam. De fait, ce sont les poèmes courtois de l'antéislam qui nous alertent sur la sincérité d'une pléiade d'auteurs ayant chanté l'absence de la bien-aimée, et le miel des retrouvailles dans le faux de la dune. Au cours de la prédication, le Prophète en personne innove dans ce domaine, en réaffirmant haut et fort tout le bien qu'il pense des femmes, ce qui apparaît très distinctement dans L'Authentique (le Sahih) d'Al-Boukhari (810-870), un ouvrage de compilation qui fait foi. Par ailleurs, un grand nombre de règles aujourd'hui observées dans le domaine des relations amoureuses remontent à cet islam premier. Peu de temps après la prédication, commence l'ère des législateurs (fûqaha) et leur cortège d'édits (fetwas), de plus en plus restrictifs et contraignants. Mais peut-on vraiment enfermer le désir, lorsque toutes les raisons et déraisons de l'être humain poussent à l'idolâtrer ? Le corps et ses appétits sexuels, la beauté et ses ensorcellements, l'esprit et son subtil vagabondage, la société et ses propres exigences, et la famille dans cela, qui cherche à canaliser la libido des jeunes pousses...

Un langage riche et précis
L'un des indices de cet épanouissement est le langage amoureux, celui de la langue arabe, qui demeure aux yeux des musulmans la langue du sacré par excellence. Et ce répertoire est impressionnant par sa richesse et sa précision : une centaine de mots pour dire « Je t'aime », et plus encore pour exprimer la conquête amoureuse, la passion, le désir, le plaisir sexuel, l'acte de chair et la libération qui s'ensuit. Ainsi, le mot tahayyûj, qui signifie « être excité, éprouver une forte inclinaison pour quelqu'un, le vouloir charnellement ». En langue arabe, le mot est évocateur au point de vue de la sémantique, mais aussi dans sa phonétique, car c'est de mer en furie dont il s'agit, comme si le désir qui vient par vagues s'amasse à la surface du corps avant d'exploser. Un autre mot, ghûlma, soit la base biologique du désir, son substrat organique, son instinct (ghariza). Aussi, l'expression hâjat ghûlmatûhu signifie tout simplement que sa passion charnelle déborde. Pour montrer cette diversité, voici une dizaine d'autres termes employés par les amants, tout autant que les juges, les théologiens et les écrivains : 'ichq, pour désigner la passion amoureuse ; la chahwa, son interface biologique, l'instinct sexuel ; al-hûbb, l'amour, avec toutes ses variantes, dont al-hûbb al-ûdhri, l'amour chaste ou amour courtois, mais aussi hawa, mahibba et mawadda, amours aux accents spirituels, y compris ceux que l'on éprouve pour Dieu. Le plaisir, les agaceries amoureuses et la satisfaction sont appelés ladha, moula'aba et tamattû'. La faute sexuelle est dite zina, elle est valable aussi bien pour les hommes que pour les femmes. La femme est dite mûtabarrija, lorsqu'elle manifeste une trop grande liberté de mœurs. Le mot 'awra, littéralement « aveugle », désigne les organes sexuels. La discrétion voudrait qu'on les cache au hammam, c'est le kachf al-'awra. L'amour homosexuel est dit al-hûbb al-lûthi, tandis que la lesbienne est identifiée de manière imprécise (et plutôt négativement) par le mot de sihaq, mûsahaqa.

« Badinage » et « courtoisies »
L'art de la conversation et la connivence entre deux êtres sont évoqués dans un traité de Ibn Hayyan at-Tawhidi (Xe siècle), intitulé Al-Imta' wal-mû'anassa (De la délectation et de la (belle) compagnie). Il y est notamment question de « badinage sexuel, de courtoisies amoureuses, de douceur ». Les mêmes items sont traités par un nombre significatif de grammairiens, de poètes, de prosateurs et d'amoureux assez régulièrement éconduits. Ils ont pour noms Ibn Dawûd (868-910), auteur du Livre de la rose (Kitab az-zahra), qui pourrait être la première codification de l'amour courtois ; Ibn Hazm (993-1064), avec son Collier de la colombe (Tawq al-hamama), un récit de psychologie amoureuse ; le poète andalou Ibn Zaydûn (1003-1071) et même le chroniqueur avisé de Bagdad aux premiers temps des Abbassides, Al-Jahiz (776-868 ou 869). Celui-ci n'a pas cessé de décrire le comportement des buveurs de vin, des prostituées, des esclaves chanteuses, des mignons et des débauchés. Plus tard, en une deuxième vague, ce sont les mystiques et autres érudits, les « théologiens de l'amour », qui reprendront le flambeau de la vénération amoureuse, en produisant des traités extrêmement élaborés sur l'amour de Dieu et son_avatar humain, la passion. Ces mystiques ont pour noms Al-Jounayd, Ad-Daylami, Chibli, Sarradj, Rûmi, Ghazali, Ibn al-Jawziya et Ibn'Arabi (1165-1241), auteur de ces vers : « Quand je sus que l'amour était inestimable, sans que pourtant j'eusse d'emprise sur lui. Jusqu'au terme de ma vie, je m'épris à jamais de l'amour de l'amour [hûbb al-hûbb] ! »

Le bien-vivre en terre d'Allah
Enfin, une troisième vague, plus affranchie encore que les deux premières, s'est lancée dans la littérature érotique et amoureuse, parfois très crue. Plusieurs grands maîtres ont marqué les trois siècles les plus « chauds » de l'islam, à savoir les XIVe, XVe et XVIe siècles. Deux d'entre eux nous ont laissé des opuscules puissamment charpentés et libres (et libertins) de bout en bout. Si le plus connu est Chaykh An-Nafzaoui (XVe siècle), l'auteur du Jardin parfumé, il en est un autre que peu de gens connaissent, car il n'est pas encore traduit en français, c'est Ibn Foulayta (XIVe siècle), auteur d'une sorte de Kama Soutra arabe, intitulé Le Guide de l'éveillé pour la fréquentation du bien-aimé. La constante coranique s'est transformée au fil du temps en une nécessité de fait, et pour avoir cumulé tant de réflexions et tant de récits, la sexualité est devenue un article majeur du bien-vivre dans les terres d'Allah. Pourtant, quatorze siècles plus tard, et alors même que tous nos classiques arabes (dont certains, comme Les Mille et une nuits, sont devenus universels) rendent compte de la faconde avec laquelle les Arabes anciens ont abordé ces thèmes, la question de la jouissance sexuelle en islam est de nouveau très problématique. Que s'est-il passé depuis pour qu'on en arrive à l'affaissement d'aujourd'hui, avec des atrocités sans nom, comme l'excision qui progresse encore en Égypte et au Soudan, ou l'engraissement des Mauritaniennes avant leur mariage arrangé, ou encore la servitude sexuelle des épouses (en Afghanistan, récemment), le mariage de vieillards pédophiles avec des fillettes à peine nubiles (toujours à la frontière du Pakistan et de l'Afghanistan) et la vénalité de certaines unions, conçues dans le seul but d'élargir le cheptel féminin des grandes maisons ? Faut-il seulement se rappeler que dans De l'amour, paru en 1822, Stendhal écrivait encore : « C'est sous la tente noirâtre de l'Arabe-Bédouin qu'il faut chercher le modèle et la patrie du véritable amour. Là comme ailleurs, la solitude et un beau climat ont fait naître la plus noble des passions du cœur humain... » ? Et de poursuivre son analyse dithyrambique sur plusieurs pages, en faisant remarquer que dans ces contrées éloignées, bien que sèches et arides, il y avait encore des jeunes qui mourraient d'amour, ou plus exactement qui préservaient leur chasteté, quitte à mourir de consomption pour la bien-aimée, sans jamais la toucher, car cela reviendrait à l'offenser aux yeux de sa société.

Chasteté, honneur et rigidité
Or, toutes les notions dont il est question ici - chasteté, amour, honneur - sont les ingrédients d'une culture chevaleresque qui a prospéré sans retenue avant l'arrivée de l'islam. Depuis, on le sait, cette culture est certes observée par quelques raffinés qui ne croient plus à la nécessité de se battre pour imposer leurs choix, et encore moins aller contre la gouvernance rigide de la société actuelle. Monde arabe et islam, tradition et modernité : telle est la dualité dans laquelle il faut camper le récit amoureux ou, pour le dire autrement, il s'agit bien d'amour et de sentiment amoureux, et non pas forcément de sexualité, car elle semble aujourd'hui bien plus carencée que par le passé. En l'état, le monde musulman présente les deux facettes : celle des pères fouettards d'Iran, d'Afghanistan et d'Arabie, puisque l'édifice de leur « contrainte légitime » n'existe que par la chasse qu'ils mènent à la jouissance individuelle et à tout plaisir de la chair. De l'autre, un monde de jouisseurs impénitents, doux et amers à la fois, qui préfèrent se cacher ou s'exiler pour donner libre cours à leurs passions.

Un champ de l'imaginaire exigu
Cet autre monde est plus intimiste, plus secret. Il est celui que décrivent les écrivains voyageurs du XVIIIe siècle, en particulier les Français. Ils n'y ont vu malheureusement que l'écume des choses, une transmutation, ce qui explique les conséquences inattendues de leurs narrations : un Orient trop violemment sexuel et répondant aux qualificatifs peu flatteurs de lupanar géant, harem pour courtisanes soumises ou salon de beauté privatif où l'on cultive mollesse et oisiveté. Toujours, la même dualité, la même ligne de démarcation entre deux sociétés antinomiques qui se font face. La seconde est libérale et minoritaire. Elle prône la séparation du politique et du religieux, le droit au plaisir, la liberté de choix, notamment le choix d'épouser tel ou tel, le choix de divorcer, etc. La première est plus conservatrice, avec un champ de l'imaginaire par trop exigu. C'est cette seconde société qui a le vent en poupe aujourd'hui, raison pour laquelle toute attitude non-conforme est condamnée d'avance, réprimée, tandis que son auteur est vertement tancé, voire persécuté. Faut-il conclure ? En observant le matériau réuni depuis une vingtaine d'années par une pléiade d'auteurs venus d'horizons divers, on se rend compte des différentes strates qui organisent de manière invisible, voire clandestine, l'ensemble des émois. La femme éprouve le besoin de s'émanciper du carcan familial, mais n'a pas l'énergie suffisante pour sauter dans l'inconnu. Si dans les années 1970, les femmes pouvaient encore espérer un sursaut en leur faveur, notamment en matière de choix sexuels, la crispation actuelle caractérisée par l'islamisme politique et son pendant culturel, le fondamentaliste, a rayé d'un seul trait toutes leurs attentes. De son côté, l'homme veut bien encore consacrer quelques bougies en l'honneur de son dieu Éros, mais à condition que cela reste dans la stricte intimité de son couple et sans trop de fantaisie. Du coup, l'ensemble du corps social éprouve le malaise que les individus ressassent pour eux-mêmes. La sexualité est certes une belle promesse, mais les tabous ne tardent jamais à vouloir l'étouffer. De la jouissance effrénée des esprits les plus fins, on se retrouve avec une explosion sans précédent de mariages arrangés et sans joie, avec une surveillance accrue et un souci obsessionnel de la pureté morale qui, comme chacun sait, n'existe nulle part dans le monde...
Malek Chebel

Anthropologue des religions, spécialiste de l'islam. Il est l'auteur d'une nouvelle traduction du Coran (Fayard, 2009) et du Dictionnaire encyclopédique du Coran (Fayard, 2009).
POUR ALLER PLUS LOIN

• Les Traditions islamiques, Al-Boukhari, (Adrien Maisonneuve, 1984).
• Le Livre des bons usages en matière de mariage, Ghazali (Adrien Maisonneuve, 1989).
• Encyclopédie de l'amour en islam (Payot, 1995), Le Kama Sutra arabe (Pauvert, 2006), Malek Chebel.
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