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 Fidel Castro, l’intransigeant père de la révolution cubaine, meurt à 90 ans

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MessageSujet: Fidel Castro, l’intransigeant père de la révolution cubaine, meurt à 90 ans   Fidel Castro, l’intransigeant père de la révolution cubaine, meurt à 90 ans Icon_minipostedVen 25 Nov 2016, 10:50 pm

Le Lider Maximo est mort, vendredi soir, à La Havane. Figure de la gauche mondiale, « Fidel » a été toute sa vie politique un dirigeant habité par l’anti-impérialisme.

LE MONDE | 26.11.2016 à 06h47 • Mis à jour le 26.11.2016 à 10h11 |

Entré au « Monde » en 1952, Marcel Niedergang (1922-2001) a été grand reporter en Amérique latine. Ce texte, écrit peu avant sa mort et mis à jour, raconte un Fidel Castro déterminé, habité par l’anti-impérialisme. Le père de la révolution cubaine est décédé vendredi 25 novembre, à La Havane.

A Cuba, Fidel Castro a été, pendant presque cinq décennies de pouvoir absolu – le plus long règne de l’histoire contemporaine –, la « parole qui oriente ». Comment juger sereinement un oracle qui s’ingénia tant à brouiller les pistes ? Il a toujours été attentif à protéger ses vraies motivations, personnelles et politiques, tout en étalant complaisamment en public, devant ses intimes ou les hôtes étrangers, ses passions, ses curiosités innombrables, voire ses petites manies : la lecture, le sport, les recettes de cuisine ou les méthodes d’élevage, il était l’éclectisme poussé au paroxysme. Il avait un avis définitif sur presque tout et aimait tenter de l’imposer aux autres.

Etre le premier, le meilleur, le plus ferme. « Fidel a toujours raison », disait Celia Sanchez, la compagne très affectionnée dans le maquis de la sierra Maestra, gouvernante efficace, puis secrétaire du gouvernement qui, plus qu’aucun autre de l’entourage du monarque Fidel, a tenté d’ordonner l’emploi du temps débridé du Lider Maximo. « Chef suprême » : ce titre résumait la totalité des pouvoirs politiques et militaires qu’ il a exercés sans partage et si longtemps.

On sait tout de ce qui importait le moins. De ses performances à la pêche sous-marine, sport préféré qu’il pratiquait à Cayo Piedra, un îlot préservé dans la baie de Guantanamo, où il recevait parfois ses hôtes de marque. Du record de coupe de la canne à sucre établi en un seul jour par Fidel, à la fin des années 1960, lorsqu’il s’agissait d’inciter les macheteros à se surpasser : anecdotes largement reproduites par la presse cubaine à la dévotion du numéro un, depuis son arrivée à La Havane, en janvier 1959, jusqu’à la fin.

Médias « aux ordres »

De façon peu convaincante, Fidel n’a cessé de critiquer ces médias « aux ordres », de réclamer formellement une presse plus audacieuse… En vain, bien sûr. A moins que ce décalage étonnant entre les injonctions du commandant en chef et des médias immuablement monocordes n’ait illustré ce goût profond pour l’ambiguïté de Fidel.
Castro était un disciple et admirateur de José Marti, héros des guerres d’indépendance, qui recommandait de dissimuler le plus longtemps possible le coup que l’on voulait porter. Un « conspirateur dans l’âme », selon Tad Szulc, journaliste du New York Times, reçu plusieurs mois à Cuba et autorisé exceptionnellement à consulter les archives du gouvernement pour rédiger une biographie du Lider Maximo. « Un maître dans l’art de se dissimuler aux yeux des autres », ajoutait-il. Entre Machiavel et Marx.

En politique, comme dans l’action, dans la lutte armée à Cuba comme à l’extérieur – en Angola, en Ethiopie, en Amérique latine –, Fidel s’est efforcé de dissimuler ses intentions et ses objectifs. Il est souvent parvenu à transformer un échec militaire en victoire politique. Quel meilleur exemple, dès le début, que l’assaut manqué lamentablement contre la caserne Moncada, le 26juillet 1953 ? Ou que le débarquement raté du Granma – « un naufrage », disait Ernesto Che Guevara – sur la côte orientale de Cuba, en décembre1956 ?

Castro s’est avancé masqué pendant la guérilla et dès son entrée en héros à La Havane, triomphant de la dictature de Fulgencio Batista. « La révolution cubaine est une démocratie humaniste », disait-il lors de son voyage de vainqueur aux Etats- Unis, en avril 1959. Il a attendu deux ans pour se proclamer marxiste-léniniste et plus encore pour créer, du jour au lendemain, un « nouveau » Parti communiste cubain, dont le comité central de cent membres – tous anciens compagnons de guérilla dans la sierra Maestra, le massif montagneux du sud de l’île – a été composé par ses soins.

Puis, il a lâché des semi-confidences, des allusions qui embrouillaient plus qu’elles n’explicitaient. « J’étais presque communiste » avant de prendre le pouvoir, a-t-il ensuite assuré. Szulc a affirmé que Castro avait, dès son arrivée au pouvoir, mis en place un gouvernement « parallèle » secret, qu’il avait signé un pacte, également secret, avec les vieux communistes du Parti socialiste populaire et rencontré, dès l’automne 1959, un émissaire soviétique. Le même auteur, pourtant, a conclu que Castro avait « mis le grappin » sur les communistes cubains, et non l’inverse.

Rares tentatives de rébellion écrasées

Castro les a rapidement noyés dans le flot des fidélistes, a écrasé les rares tentatives de rébellion des communistes orthodoxes prosoviétiques. Il a combattu durement les partis communistes d’Amérique latine rétifs à ses instructions ; il a contrôlé et dirigé les autres, jouant des rivalités, accueillant à Cuba des bataillons de militants latino-américains pour les entraîner à la guérilla et les endoctriner.
Pendant un quart de siècle, un débat a opposé les partisans de la thèse d’un Castro poussé dans les bras de l’Union soviétique par les erreurs et l’agressivité des Etats-Unis et les avocats d’un Castro décidé, dès le début, à instaurer un régime socialiste à Cuba. Aucune réponse définitive n’a été apportée à cette question fondamentale. Par nécessité ou stratégie, Castro a en tout cas troqué une dépendance aux Etats-Unis pour une autre sujétion, sourcilleuse mais encore plus rigoureuse, à l’URSS.

Avec Moscou, Castro a noué une alliance indispensable à la survie de sa révolution. Alliance inégale, bien qu’il ait sans cesse réaffirmé sa « souveraineté ». Il a reçu des Soviétiques, dès 1960, une aide économique et militaire très importante, progressivement jugée trop lourde par Moscou. Elle a fini par être réduite à la fin des années 1980, lorsque l’URSS de Mikhaïl Gorbatchev dut, elle-même, affronter une crise économique dévastatrice. Cette aide a néanmoins permis à Cuba de devenir une puissance militaire, d’obtenir des résultats positifs dans les domaines de la santé et de l’éducation et de maintenir un temps à flot une économie nationale en crise permanente.
Autre certitude : après 1968 et son discours justifiant l’intervention militaire du pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie, La Havane a épousé toutes les orientations de la politique étrangère soviétique. Et pourtant la personnalité de Fidel était d’une telle complexité que certains n’ont jamais exclu l’hypothèse d’un nouveau changement de cap, si ce revirement pouvait « tourner à l’avantage de Cuba, de la révolution ou à son propre avantage ». Et ce, bien qu’il ait – avec une obstination tournant, sur la fin, à la répétition stérile – dénoncé l’« impérialisme américain » et l’embargo décrété par Washington en 1960 comme la seule cause de toutes les faiblesses du régime.

Coléreux, brouillon, désordonné

Une volonté de fer, une exceptionnelle capacité de travail, une mémoire prodigieuse, un talent oratoire de premier ordre, sans oublier l’intelligence et le courage physique : on a répété à satiété ses qualités. L’homme était aussi très coléreux, brouillon, désordonné, roublard et retors. Mais presque tous ceux qui l’ont approché ont été séduits par ce colosse barbu, dont le fils, Fidelito, occupa des fonctions importantes à la Commission nationale de l’énergie atomique, et qui a eu par ailleurs plusieurs enfants naturels.

Comment dissocier Castro de la révolution cubaine ? Un modèle plutôt décevant. Les tentatives d’industrialisation ont tourné court ; le « Tout pour le sucre » de la récolte de 1970 a désarticulé l’appareil de production. L’austérité, toujours plus d’austérité. Année après année, la libreta (« carnet de rationnement ») à perpétuité, le marché noir, l’absence de libertés, la surveillance tatillonne des comités de défense de la révolution (CDR), des milliers de détenus politiques, des morts en prison.

Le ras-le-bol d’une population privée de liberté s’est spectaculairement exprimé en avril 1980 : 125 000Cubains choisissent alors l’exode, soudain autorisé, vers les Etats-Unis. C’est l’atteinte la plus grave portée au prestige de Fidel depuis 1959. Autre coup dur, l’intervention américaine à la Grenade, en 1983, la reddition et la capture de centaines de travailleurs cubains : des « volontaires » pour la construction d’un aéroport, mais armés.

Adulé ou haï

Le prestige du castrisme a pu s’effondrer, sauf dans les milieux de la gauche latino-américaine, incapables, pour la plupart, d’analyser les causes et les conséquences de l’effondrement des régimes communistes en Europe de l’Est. La cote de Fidel est longtemps demeurée inchangée. Il a été adulé ou haï. Pendant un demi-siècle, il est resté une personnalité de poids sur la scène internationale, en dépit d’une situation interne qu’il qualifiait lui-même, dès 1986, d’« anarchique » et d’une politique étrangère interventionniste.

La taille alourdie, malgré un régime rigoureux, suivi après la suppression radicale de ses fameux cigares en 1985, la barbe blanchie, il a trouvé un interlocuteur privilégié en Hugo Chavez, président du Venezuela depuis 1999. Castro a donné à Cuba une importance hors de proportion avec sa taille et sa population. Il s’est inséré avec un aplomb phénoménal dans les querelles entre superpuissances, jouant de leurs rivalités. Il a connu ou affronté onze présidents américains, fréquenté presque autant de premiers secrétaires du Parti communiste de l’URSS. Mais il était plus à l’aise dans la tempête que dans la détente, plus fort pendant la guerre froide qu’à l’heure de la perestroïka.

Doyen des chefs d’Etat d’Amérique latine, il s’était fait, comme d’autres dirigeants de moindre envergure, le chantre de l’unification du sous-continent. « L’unité, l’unité, disait Bolivar, ou l’anarchie vous dévorera. » Un cri repris par Castro, qui développa sa réflexion sur le thème de la dette extérieure du tiers-monde. Le Cubain devint, pour un temps, « une conscience planétaire », note Jean-Pierre Clerc dans son Fidel de Cuba (Ramsay, 1988). Vers la fin, il ne réclamait plus la mort violente du pécheur capitaliste. Fidel faisait même profession, parfois, de vouloir sauver le capitalisme d’une « explosion sociale révolutionnaire », tout en réaffirmant qu’« un jour tous les pays du monde seront socialistes ».

« L’Histoire m’absoudra », affirmait Castro après l’affaire de la Moncada. L’Histoire jugera l’homme Fidel et sa révolution entachée de terribles violations des droits de l’homme, éclaboussée par les révélations sur les trafics en tout genre – à commencer par la drogue – décidés par Fidel lui-même pour regarnir les caisses vides de son régime. L’un des miracles de cette existence jamais en repos est qu’il ait si souvent échappé à la mort. Peu de dirigeants sur la planète ont pris autant de risques, se sont engagés sans réserve dans des aventures militaires scabreuses, ont été la cible de commandos au service d’opposants ou de la puissante CIA.

baraka
La baraka. La chance l’a toujours accompagné, comme elle a accompagné un autre Galicien, le dictateur espagnol Francisco Franco, qui a toujours considéré avec une sympathie agissante ce fils d’émigrés gallegos, malgré l’éloignement de leurs idéologies. Fidel, né le 13 août 1926 à Biran, dans l’est de Cuba, a toujours revendiqué avec hauteur son ascendance espagnole. Au point de prétendre avoir le droit de vote aux premières élections démocratiques de juillet1977 en Espagne.

La désastreuse opération commando contre la Moncada ? « C’était une folie, une erreur tactique que je ne commettrais pas aujourd’hui », nous a déclaré Castro, bien plus tard. La chance, déjà. En fuite, Fidel est épargné par un lieutenant de l’armée qui pourchasse les insurgés survivants, un colosse noir nommé Sarria, qui a confié à Robert Merle : « On ne tue pas les idées. » Une chance insolente qui ne l’abandonna jamais, alors qu’il fut la cible de plusieurs dizaines de tentatives d’assassinat organisées par les services secrets américains. Aucun dirigeant, il est vrai, n’a été pendant si longtemps plus clandestin que Fidel. Pas de domicile fixe ou presque pendant plus de cinquante ans : autre record.

Amnistié, exilé au Mexique en 1955, il trouve des subsides aux Etats-Unis, rencontre Ernesto Che Guevara et se lie d’amitié avec lui. Après son débarquement près de la sierra Maestra, en 1957, on le croit mort ; il prépare son entrée en apothéose à La Havane, salué par l’opinion américaine. Le charme est rompu quelques jours plus tard par les exécutions de policiers de Batista, jugés en direct à la télévision. La période héroïque s’achève. Débute celle des crises, intérieures et extérieures.

Dès 1960, Washington commence à manifester son hostilité. John F. Kennedy donne son feu vert en avril 1961 à un débarquement d’anticastristes dans la baie des Cochons. L’opération tourne au désastre complet. Castro se proclame marxiste-léniniste. La dramatique « crise des fusées » de l’automne 1962 est une suite logique de cette mésaventure américaine. Elle a mis le monde au bord de la guerre nucléaire. On sait avec certitude aujourd’hui, d’après les Mémoires de Nikita Khrouchtchev, que Castro n’avait pas hésité à envisager froidement la troisième guerre mondiale, si c’était le prix à payer pour tenir tête aux Etats-Unis. Cet aveuglement avait stupéfié et irrité le dirigeant soviétique lui-même. « Nous avons le droit de penser par nous-mêmes » : cette formule des débuts, Castro la reprendra en 1988, pour justifier son refus de s’aligner sur la perestroïka lancée en URSS par Gorbatchev.

« Le parti est immortel »

Et après lui ? « Il n’y a pas lieu de s’inquiéter, a-t-il affirmé en 1985. Après Fidel, il y aura des quantités de gens qui vaudront davantage que Fidel. Les hommes meurent. Le parti est immortel. » Pourtant, la débâcle des régimes communistes a frappé Cuba de plein fouet. La question insistante qui se posait dans toutes les chancelleries, à partir de 1986, était : combien de temps Castro pourra-t-il tenir, seul contre tous sur la scène extérieure et entouré d’adulateurs à l’intérieur ?

Certes, il n’a jamais eu de statues sur les places de l’île. Mais le Castro vieillissant a exercé un pouvoir absolu, un contrôle de tous les rouages. La mégalomanie était inévitable. « Je suis la révolution », disait Fidel en 1991. Et de continuer à proclamer ce slogan nihiliste : « Le socialisme ou la mort ! » A quoi les opposants irrévérencieux ajoutaient sur les murs de La Havane : « Quelle différence ? » Fidel a assumé avec donquichottisme ce rôle déplaisant du cancre obstiné de la perestroïka. Il s’est conduit comme le pire des dirigeants staliniens dans l’affaire Ochoa, ce général couvert de lauriers en Angola, accusé par le gouvernement de « trafic de drogue », condamné à mort et fusillé le 13 juillet 1989. La comédie sinistre des procès de Moscou, transplantée aux Caraïbes.
En août 1991, Fidel crut, l’espace de deux jours, que le sort allait lui être de nouveau favorable. Le coup d’Etat manqué des « conservateurs » du Kremlin fit reculer quelque temps le spectre de la fin de l’aide soviétique à l’économie cubaine aux abois. Puis Castro resta seul, face à une administration américaine déterminée à le laisser, dans la meilleure des hypothèses, « pourrir dans son coin », selon l’expression qu’utilisa le président George Bush père.

Mais Castro n’a voulu renoncer à aucun de ses principes, même s’il a dû accepter d’ouvrir le pays au tourisme – y compris sexuel – dans une tentative désespérée de faire entrer des devises. Le protecteur soviétique une fois disparu, qui aurait imaginé que Fidel parviendrait encore à maintenir, pendant plus de vingt ans, un pouvoir absolu sur son île ?


Marcel Niedergang
Journaliste au Monde

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/international/article/2016/11/26/fidel-castro-cinquante-ans-d-intransigeance_5038436_3210.html#xSOEev4xjUsOWm2g.99


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MessageSujet: Re: Fidel Castro, l’intransigeant père de la révolution cubaine, meurt à 90 ans   Fidel Castro, l’intransigeant père de la révolution cubaine, meurt à 90 ans Icon_minipostedSam 26 Nov 2016, 7:29 am

Mort de Fidel Castro, triste caudillo des tropiques

Les funérailles du père de la Révolution cubaine Fidel Castro, décédé dans la nuit de vendredi à samedi à l’âge de 90 ans, auront lieu le 4 décembre à Santiago de Cuba (sud). Durant cette semaine d'hommages à Cuba, une procession avec les cendres de l'ex-président cubain traversera le pays pendant quatre jours.

Né en 1926, le « commandant en chef » a incarné près de soixante ans de l’histoire de son pays.

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Le père de la Révolution cubaine Fidel Castro est décédé vendredi soir 26 novembre à La Havane à l’âge de 90 ans, a annoncé son frère Raul, qui lui a succédé au pouvoir en 2006.

Personnage atypique par excellence, Fidel Castro, a tenu le sort de Cuba entre ses mains pendant plus d’un demi-siècle. Dernier dirigeant communiste du monde occidental, il détenait le record mondial de longévité au pouvoir, laissant loin derrière lui la plupart des hommes forts de la planète du siècle dernier – Mao (vingt-sept ans), Tito et Franco (trente-cinq ans) ou même Salazar (trente-sept ans) –, jusqu’à une intervention chirurgicale qui l’a poussé à céder le pouvoir à son frère Raul en 2006. Lequel a rétabli il y a peu les relations diplomatiques avec l’ennemi de toujours : les États-Unis.
Mais, pour Fidel Castro, douze présidents américains n’y auront rien fait : retranché dans une île-bunker si proche des côtes américaines (140 kilomètres), Fidel Castro a continué de narguer, défier et invectiver Washington avec la même fièvre que le jeune conquérant de 33 ans qui, en janvier 1959, fit une entrée triomphale à La Havane, avant d’imposer sa loi révolutionnaire à trois générations de Cubains. Le « commandant en chef », comme il a été surnommé dès son retour à Cuba, a passé plus d’un demi-siècle à la tête de la plus grande île des Caraïbes, peuplée aujourd’hui de 11 millions d’habitants.

Navire cubain

Charismatique, doté d’un physique imposant, faisant figure de patriarche bienveillant pour son peuple mais aussi pour tout le continent sud-américain, Fidel Castro a tenu la barre du navire cubain contre vents et marées, avec une obstination frisant l’obsession.

Ce fils d’émigré espagnol, élevé chez les jésuites, a réussi le tour de force de faire d’une île de 6 millions d’habitants en 1959 un symbole révolutionnaire international, adulée par l’intelligentsia de gauche mondiale, en la propulsant au cœur de la guerre froide. Au moins deux générations du XXe siècle se souviennent de la semaine du 22 au 28 octobre 1962, quand l’apocalypse nucléaire imminente avait pour épicentre Cuba. Satellite privilégié de l’Union soviétique dès 1961, Cuba a accueilli les fusées à têtes nucléaires envoyées par Nikita Khrouchtchev et pointées vers les États-Unis.
Embargo total décrété à Washington

C’est à ce moment que l’histoire cubaine se fige face aux États-Unis. Les missiles ont été retirés et Washington s’est engagé à ne pas utiliser la force pour renverser le trublion révolutionnaire installé à sa porte. Un an auparavant, en 1961, la CIA avait signé son plus retentissant fiasco en faisant débarquer dans la baie des Cochons 1 400 anticastristes qui, après soixante-douze heures de combat, avaient dû rendre les armes, assurant ainsi à Castro un triomphe de légende sur « l’impérialisme ».

Un embargo total était décrété à Washington contre Cuba.

Le bras de fer contre les États-Unis venait de commencer. Épine dorsale de l’idéologie castriste, bien plus encore que le marxisme ou le socialisme, l’antiaméricanisme allait tenir lieu de ciment révolutionnaire nationaliste.

Dans une biographie monumentale publiée il y a une dizaine d’années en France, le journaliste américain Tad Szulc révèle une dimension du personnage de Castro jusque-là inconnue : « Ce fut une de mes grandes découvertes au cours de mes recherches, raconte-t-il. Castro n’a jamais été marxiste-léniniste au sens, disons, religieux du terme. Durant sa jeunesse, il était de gauche, comme tous les étudiants latino-américains de l’époque. Mais c’était avant tout un homme pragmatique. C’est vers 1958, quand il était encore un guérillero luttant contre la dictature de Batista, qu’il a décidé de mettre en place un État socialiste dont l’URSS serait le banquier. (…) Derrière la façade d’un gouvernement de type démocratique-bourgeois, il avait créé un gouvernement fantôme qui prenait les orientations socialistes. À Cuba, une révolution ne pouvait se faire que contre les États-Unis et, comme il n’existait que deux sources de développement au monde à l’époque, Fidel n’avait pas grand choix. »

Epuration

Ainsi, à l’image du guérillero romantique et héroïque qui s’est imposée au monde au début des années 1960, véhiculée notamment par une bonne partie de l’intelligentsia française de gauche, s’est progressivement superposée l’image d’un personnage intolérant. Comme le dit encore Tad Szulc, « la complexité et les dimensions de la personnalité de Fidel Castro sont telles qu’il pourrait être à la fois l’idole d’une humanité indigente et le dictateur communiste tyrannique que voient en lui de nombreux Cubains ».

Il est pourtant surprenant de constater, avec le recul, combien le régime castriste est dès le début de nature répressive. Après la victoire, les tribunaux d’exception poursuivent les partisans de Batista ; cette première épuration aurait fait près de 600 victimes. La machine répressive s’installe en même temps que se consolide l’armée cubaine, toujours financée et formée par les alliés soviétiques.
Le moindre mouvement d’opposition, notamment parmi les paysans qui résistent à la collectivisation des terres, est durement réprimé. Tortures psychiques et physiques ne sont plus des secrets et, selon un rapport d’Amnesty International, il y aurait eu plus de 20 000 prisonniers politiques cubains en 1961.

Garder la main sur les affaires

Avec la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique, on ne donne pas cher des derniers leaders communistes. Mais Fidel Castro montre qu’il a la capacité de garder la main sur les affaires de son pays, même sans l’aide jusque-là indispensable de l’Union soviétique. C’est précisément à cette époque qu’éclate « l’affaire Ochoa », du nom du général cubain envoyé en Angola en 1975 et qui en rapporte le titre honorifique de « premier héros de la République de Cuba ».
Respecté et admiré, proche de Fidel, il sera accusé de tous les maux, comme un autre militaire, Tony de la Guardia, également très proche. Car, même intime de Fidel, lui-même complice de multiples trafics (drogue, diamants, dollars), on n’échappe pas à la « justice révolutionnaire qui commande tout ». Les dérives mafieuses du régime ne devaient être connues que par un cercle très restreint. Afin de préserver l’image du leader, il a donc fallu exécuter les « hommes de main ». Les illusions révolutionnaires de nombreux aficionados s’effondrent alors et laissent de plus en plus place à l’image d’un dictateur.

Explosion sociale

C’est pourtant à ce moment que Fidel décide de légaliser l’utilisation du dollar américain à Cuba et de se lancer dans l’industrie touristique à grande échelle, avec des investissements étrangers. Toutefois, durant ce qu’il a appelé « la période révolutionnaire spéciale en temps de paix », au début des années 1990, le peuple cubain souffre d’une pénurie alimentaire chronique.

Pour éviter une explosion sociale qui s’amorce en août 1994 à La Havane, Fidel Castro laisse partir les plus déterminés sur de petites embarcations de fortune vers les États-Unis. Durant cette « crise des balseros », plus de 40 000 Cubains quittent le pays en quelques mois. C’est également dans le même but que le leader cubain, élevé dans les meilleurs collèges jésuites de La Havane, invite le pape Jean-Paul II en janvier 1998. Ce dernier ne ménage pas le régime communiste mais Fidel accepte de payer ce prix pour ne pas s’isoler du reste du monde.

Désillusion

Finalement, le bilan global de Fidel Castro ne brille guère. Même les deux secteurs brandis comme des triomphes de la révolution, l’éducation et la santé, ne parviennent pas à compenser les catastrophes humaines. Certes, il a réussi à faire rêver d’un monde meilleur, à stimuler de nombreux leaders politiques latino-américains pour lutter contre les inégalités criantes dans leur pays, mais il n’a jamais eu les moyens matériels de les soutenir. La désillusion d’aujourd’hui est à la mesure des espoirs évoqués en paroles, mais jamais concrétisés.

Dorian Malovic

http://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Mort-Fidel-Castro-triste-caudillo-tropiques-2016-11-26-1200805989
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MessageSujet: Re: Fidel Castro, l’intransigeant père de la révolution cubaine, meurt à 90 ans   Fidel Castro, l’intransigeant père de la révolution cubaine, meurt à 90 ans Icon_minipostedDim 27 Nov 2016, 2:43 am

Les intellectuels français et la révolution castriste : de l'amour à la haine



Texte par Ségolène ALLEMANDOU

Fidel Castro suscite aujourd'hui des réactions hostiles dans le monde des intellectuels français. C'est sans oublier la fascination que le dirigeant cubain et la révolution ont suscité dans les années 1960 à Paris.

Quelle position adopter face à l'annonce du décès de Fidel Castro ? En France, il y a ceux qui saluent le héros de la révolution cubaine : "Fidel ! Fidel ! Mais qu'est-ce qui s'est passé avec Fidel ? Demain était une promesse. Fidel ! Fidel ! L'épée de Bolivar marche dans le ciel", a tweeté samedi 26 novembre Jean-Luc Mélenchon. Quand d'autres n'ont pas hésité à dénoncer les dérives dictatoriales du dirigeant cubain : "Une pensée à toutes les victimes du dictateur communiste", a réagi le maire d'extrême droite de . Robert Ménard. De son côté, le député du Gard Gilbert Collard, proche de Marine Le Pen, a évoqué "un assassin de moins".

Ces réactions vives et opposées reflètent la relation passionnelle que la France a entretenu avec le dirigeant cubain. Et notamment par le passé la gauche française. "Le monde intellectuel français s'est épris de Cuba dans les années 1960", commente Christophe Ventura, chercheur à l'Irir (Institut de relations internationales et stratégiques), spécialiste de l'Amérique latine.

Jean-Paul Sartre à La Havane
Quand, le 1er janvier 1959, Castro proclame le "début de la Révolution", il n'a pas encore évoqué son caractère marxiste. Marquée à gauche, elle représente un espoir formidable pour certains intellectuels, après la débâcle stalinienne. Les premières réformes, en faveur de l'éducation, de la santé et de la culture trouvent un écho auprès de Français qui rêvent alors d'une nouvelle société.

À l'époque, la révolution attire de nombreux artistes et intellectuels français, qui se pressent à La Havane. En pleine Guerre froide, l'acteur Gérard Philipe est l'un des premiers à serrer la main de Fidel Castro, en 1959, quelques mois après son installation à la tête du pays, au terme de deux ans de guérilla contre le régime de Fulgencio Batista. L'année suivante, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir s'affichent également dans les rues de La Havane. En 1963, la réalisatrice Agnès Varda se rend elle aussi sur place et réalise un documentaire, "Salut les Cubains".

"L'île représente alors le laboratoire d'un idéal pour les autres pays d'Amérique latine, mais aussi pour les intellectuels parisiens", poursuit Christophe Ventura. Et Fidel Castro incarne cette utopie. Pendant deux décennies, d'autres personnalités défilent à Cuba : le cofondateur de Médecins sans frontières Bernard Kouchner, le journaliste Claude Julien, les écrivains Michel Leiris, Marguerite Duras, Jorge Semprun ou l'éditeur François Maspero.

Même François Mitterrand, après sa défaite à l'élection présidentielle de 1974, vient reprendre des forces à Cuba. "À l'origine, ce n'était pas un amoureux du castrisme, il était plutôt prudent mais il a fini par voir en Fidel Castro un alter-ego", commente Chirstophe Ventura.

Sympathie des souverainistes
La révolution castriste a aussi fasciné une partie de la droite française pour ses positions antiaméricaines. Le général de Gaulle, Dominique de Villepin ou Nicolas Dupont-Aignan avaient un respect pour Castro le souverainiste. "Cuba et la France se sont toujours retrouvées sur les positions antisouverainistes", précise le chercheur.

Pourtant à l'époque, le régime castriste a déjà planté les limites de la liberté d'expression. Mais il faut attendre 1971 et l'arrestation du poète cubain Heberto Padilla pour mettre fin au mythe. Sartre écrit son indignation dans le journal Le Monde dans une lettre également signée par une soixantaine d'intellectuels. Fidel Castro a riposté en les qualifiant "d'agents de la CIA" et en leur interdisant "indéfiniment" d'entrer à Cuba. Pour une certaine partie des intellectuels, c'est la fin d'un mythe.
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