Marine Le Pen se pose en victime et menace les magistrats
Laurent de Boissieu, le 27/02/2017 à 16h51
Élue à la présidence de la République, la présidente du FN remettrait en cause les fonctionnaires qui auraient participé aux attaques antidémocratiques dont elle s’estime la victime.
Lors de sa réunion publique à Nantes, dimanche 26 février 2017, Marine Le Pen a défendu sa vision de l’État en menaçant les fonctionnaires qui seraient, selon elle, complices d’un « État dévoyé qui bafoue tous les principes essentiels de la démocratie et du fonctionnement de la démocratie ».
De quoi le FN est-il soupçonné ?
Le FN est mis en cause dans deux affaires. D’une part, un financement illégal de la campagne des élections législatives de 2012. Le parti d’extrême droite est soupçonné d’avoir contraint ses candidats à acheter des kits de campagne à une société, Riwal, dirigée par des proches de Marine Le Pen et à les financer en contractant un prêt auprès de Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen.
D’autre part, un financement illégal du FN. La pratique, autrefois répandue, serait la même que celle qui a abouti à la condamnation d’Alain Juppé en 2004 : une personne embauchée et payée par une institution (hier la mairie de Paris, aujourd’hui le Parlement européen), travaille en réalité pour un parti (hier le RPR, aujourd’hui le FN).
Un élu local niçois, Gaël Nofri, affirme en outre avoir travaillé pour la campagne de Marine Le Pen lors de la précédente présidentielle, entre septembre 2011 et mai 2012, tout en ayant été rétroactivement et fictivement salarié par un cabinet d’expertise comptable. Issu de la droite souverainiste, l’intéressé a été élu conseiller municipal sur la liste du Rassemblement Bleu Marine, avant de scissionner puis de rallier la majorité de Christian Estrosi (LR). Il dénonce aujourd’hui « un système de corruption généralisé au FN ».
Qu’a déclaré Marine Le Pen ?
La ligne de défense du FN consiste classiquement à dénoncer des manœuvres politiques destinées à déstabiliser sa candidature à l’élection présidentielle.
« Je veux dire publiquement ici aux fonctionnaires à qui un personnel politique aux abois demande d’utiliser les pouvoirs d’État pour surveiller les opposants ou organiser à leur encontre des persécutions, des coups tordus ou des cabales d’État, de se garder de participer à de telles dérives, a-t-elle lancé devant ses soutiens. Dans quelques semaines, ce pouvoir politique qui n’a plus rien à perdre ni de comptes à rendre aura été balayé par l’élection. Mais ces fonctionnaires, eux, devront assumer le poids de ces méthodes illégales – car elles sont totalement illégales. Et ils mettent en jeu leur propre responsabilité ».
Bref, Marine Le Pen menace : élue à l’Élysée, elle mettra en cause les fonctionnaires – notamment les magistrats – qui auraient, à ses yeux, participé aux attaques antidémocratiques dont elle s’estime victime.
Quelle est la vision de la justice de Marine Le Pen ?
Dans son long discours de Nantes consacré à la défense de l’État-nation, la présidente du FN a par ailleurs exposé sa vision de la justice.
« L’État de droit est le contraire du gouvernement des juges, qui constitue une dérive antidémocratique, oligarchique, à l’image des Parlements de l’ancien régime qui ont empêché les réformes et conduit à la Révolution, a-t-elle poursuivi. La justice est une autorité, pas un pouvoir. Les magistrats sont là pour appliquer la loi, pas pour l’inventer, pas pour contrecarrer la volonté du peuple, pas pour se substituer au législateur. Une fonction publique ne peut pas autoriser son titulaire à usurper un pouvoir. Si un magistrat souhaite changer la loi parce qu’elle ne lui conviendrait pas, c’est simple : il se met en congé et se présente aux élections ».
De fait, dans la Constitution française, il est question d’une « autorité judiciaire » (titre VIII) et non d’un « pouvoir judiciaire » – alors que l’on parle du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Pour certains constitutionnalistes, cette différence sémantique ne change rien au fond, et il existe bien en France un véritable pouvoir judiciaire. Pour d’autres, en revanche, il n’existe pas de pouvoir judiciaire, mais une autorité judiciaire incarnée par le parquet, qui dépend hiérarchiquement de l’exécutif, un pouvoir étant en démocratie forcément légitimé par l’élection.
Quoi qu’il en soit, cela ne change bien entendu rien au travail que mène la justice sur les affaires mettant en cause le FN.
Laurent de Boissieu
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