La Russie met son veto à une résolution de l’ONU condamnant l’attaque chimique en Syrie
Sans surprise, Moscou s’est opposé au texte. Vladimir Poutine a, quant à lui, reçu au Kremlin le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson.
Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 12.04.2017 à 18h10 • Mis à jour le 13.04.2017 à 8h17
Alors qu’à Moscou, le président russe Vladimir Poutine recevait durant près de deux heures le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, dans un climat tendu sur fond de crise syrienne, la Russie a opposé son veto à une résolution du Conseil de sécurité afin de protéger le régime de Damas, mercredi 12 avril. C’est la huitième fois depuis le début de la guerre en 2011 que Moscou bloque toute action de l’ONU contre son allié syrien.
Le projet de résolution présenté par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France demandait une enquête internationale et la coopération de Damas sur l’attaque chimique de Khan Cheikhoun, imputée au régime de Bachar Al-Assad.
La résolution devait apporter le soutien de la communauté internationale aux enquêteurs de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). Le texte exigeait notamment que les autorités syriennes fournissent les détails des activités militaires de son armée le jour de l’attaque, ainsi que les noms des commandants des escadrons aériens, et donnent un accès aux bases aériennes. Parmi les quinze membres du Conseil, la Bolivie a également voté contre le texte, dix se sont prononcés pour et trois se sont abstenus (Chine, Kazakhstan, Ethiopie).
« La Russie a choisi le mauvais camp »
Le président de la République française, François Hollande, a estimé que Moscou avait pris « une lourde responsabilité » en opposant son veto. « Cette décision est incompréhensible et injustifiable. Elle offre au régime syrien une caution dans son obstination meurtrière et prolonge le martyre de la population », a dénoncé, de son côté dans un communiqué le Quai d’Orsay. Et le ministre des affaires étrangères d’appeler « la communauté internationale à faire face à ses responsabilités et à prendre les décisions qui s’imposent pour mettre un terme, à travers une solution politique, à la tragédie syrienne ».
Son homologue britannique, Boris Johnson, s’est lui dit « consterné » : « La Russie a choisi le mauvais camp », a-t-il déclaré.
Avant le vote, l’ambassadrice américaine aux Nations unies, Nikki Haley, avait déclaré que les Etats-Unis étaient « prêts à contribuer à mettre fin à ce conflit ». L’envoyé spécial de l’ONU en Syrie, Staffan de Mistura, exhortait pour sa part Washington et Moscou à s’entendre.
« Il est temps de mettre fin à cette guerre civile brutale, de vaincre les terroristes et de permettre aux réfugiés de revenir chez eux », a déclaré Donald Trump lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche au côté du secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. « Nous devons travailler ensemble pour résoudre la catastrophe qui a lieu actuellement », a-t-il ajouté. Auparavant, dans la journée, le président américain avait traité son homologue syrien Bachar Al-Assad de « boucher » et d’« animal ».
« Relations au plus bas »
Dans ce contexte, lors de sa visite à Moscou, le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, n’a pu que reconnaître « un niveau de confiance bas » entre les Etats-Unis et la Russie. Un peu auparavant, M. Poutine avait déclaré à une chaîne d’informations : « On peut dire que le degré de confiance dans nos relations de travail, notamment dans le domaine militaire, ne s’est pas amélioré mais qu’au contraire il s’est dégradé ».
« A l’heure actuelle, nous ne nous entendons pas du tout avec la Russie », a aussi reconnu M. Trump, à Washington, parlant même d’une « relation peut-être au plus bas (niveau) de tous les temps ». Les deux pays sont lancés ces derniers jours dans une guerre des mots au sujet de l’attaque chimique et après la volte-face du président américain, qui a ordonné le premier bombardement contre l’armée syrienne depuis le début du conflit, il y a six ans.
La visite de M. Tillerson, la première d’un haut responsable de la nouvelle administration, devait servir à jeter les bases de la « normalisation » des relations entre les deux pays promise lors de sa campagne électorale américaine. Mais les derniers événements ont provoqué un nouveau regain de tensions et éclipsé tous les autres dossiers. Le président russe et le secrétaire d’Etat n’ont pu qu’exposer leurs divergences sur le dossier syrien, et notamment le sort du président Bachar Al-Assad.
Au début de son entretien avec le secrétaire d’Etat, le ministre des affaires étrangères russe a dit vouloir comprendre « les intentions réelles » des Etats-Unis, afin d’éviter une « récidive » de la frappe américaine en Syrie et de travailler à la création d’un « front commun contre le terrorisme ».
M. Tillerson a de son côté dit souhaiter un échange « ouvert, franc et sincère », destiné à « davantage clarifier les objectifs et intérêts communs » et les « nettes différences » dans l’approche des deux pays sur les principaux dossiers. Sergueï Lavrov a assuré que M. Poutine était prêt à rétablir l’accord de prévention des incidents aériens avec les Etats-Unis, « à condition que [le] but commun soit la lutte contre le terrorisme ».
Sur l’attaque chimique, Moscou maintient sa position
Le président russe avait répété, mardi, qu’il ne voyait aucun élément prouvant la responsabilité de Damas dans l’attaque chimique, estimant qu’il fallait regarder du côté des rebelles et que l’armée syrienne ne disposait plus d’armes chimiques depuis le démantèlement de son arsenal sous supervision internationale. Les tests britanniques réalisés sur des échantillons du site de l’attaque chimique présumée ont conclu à l’usage de gaz sarin ou d’un agent neurotoxique similaire, a annoncé mercredi l’ambassadeur du Royaume-Uni à l’ONU.
Sur le terrain, un accord pour évacuer quatre villes syriennes assiégées a commencé à être appliqué. Au total, 30 000 personnes sont concernées dans deux localités aux mains du régime dans la province d’Idlib (nord-ouest) et deux enclaves rebelles dans la province de Damas.
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