Mort de Mgr Bala au Cameroun : une nouvelle autopsie contredit la thèse de l’assassinatLoup Besmond de Senneville, le 05/07/2017 à 17h48
Selon le procureur en charge de l’enquête, des médecins légistes missionnés par Interpol ont examiné le corps de Mgr Bala, l’évêque assassiné en juin.
Le corps de l’évêque de Bafia, Mgr Jean-Marie Benoît Bala , a été retrouvé le 2 juin dans une rivière à environ 80 km de la capitale, Yaoundé.ZOOM
Mgr Jean-Marie Benoît Bala, l’évêque de Bafia, au Cameroun, a-t-il été assassiné ? La question a été relancée, le 4 juillet, par un communiqué du Procureur général près la Cour d’appel du Centre, au Cameroun, qui affirme que « la noyade est la cause la plus probable du décès de l’évêque ».
Selon la justice camerounaise, cette conclusion a été tirée par une équipe de médecins légistes missionnés par Interpol, qui ont examiné le corps à la fin juin. Deux médecins allemands, Michael Tsokos, directeur de l’institut de médecine légale de Berlin, et Mark Mulder, coordinateur de l’unité d’identification des victimes des catastrophes à Interpol sont arrivés au Cameroun le 29 juin et ont pratiqué une autopsie sur le corps de l’homme d’Église.
« Absence de toute trace de violence »
« Après examen approfondi, ils ont relevé l’absence de toutes traces de violences sur le corps du défunt » et ont également conclu que Mgr Bala était probablement mort par noyade.
Cette équipe internationale a été sollicitée par les autorités camerounaises, après l’examen du corps à deux reprises, le 2 juin et le 22 juin, par des « collèges de médecins locaux ».
Ces nouvelles conclusions des médecins d’Interpol contredisent radicalement la thèse qui était émise jusque-là concernant la mort de cet évêque, disparu dans la nuit du 30 au 31 mai, et dont le corps a été repêché le 2 juin à 7 km du pont du fleuve Sanaga à environ 80 km de Yaoundé, la capitale du Cameroun.
Mort « suspecte »
Dans sa voiture, un petit mot laissé sur les sièges arrière laissait entendre que l’évêque avait mis fin à ses jours. Une thèse presque immédiatement contredite par les proches de l’évêque et par l’Église catholique. Les autorités elles-mêmes avaient qualifié cette mort de « suspecte ».
Le 13 juin, la Conférence épiscopale camerounaise avait en effet publié une déclaration forte affirmant que Mgr Jean-Marie-Benoît Bala avait été « brutalement assassiné », mettant en cause des « forces obscures et diaboliques » visant l’Église catholique.
La déclaration des évêques exigeait que « toute la lumière soit faite sur les circonstances et les mobiles de l’assassinat de Mgr Jean-Marie-Benoît Bala, pour que les coupables soient nommément identifiés et livrés à la justice et jugés selon la loi ». Les évêques pressent l’État d’« assumer son devoir régalien de protection des vies humaines, et notamment celle des autorités ecclésiastiques ». L’Église demande aussi aux meurtriers de « s’engager dans une démarche de conversion urgente et radicale ».
Signe de défiance
Le communiqué du procureur général vient donc contredire cette version. Les éléments de l’autopsie des médecins d’Interpol sont d’autant plus troublants que les rapports précédents, qui avaient été rendus publics par la presse camerounaise, faisaient état de graves mutilations sur le corps du défunt.
Certains observateurs interprètent d’ores et déjà la publication de ces conclusions comme un signe de défiance du gouvernement à l’encontre de l’Église catholique. « L’Église se trouve placée devant une situation inédite, analyse un bon connaisseur de l’épiscopat dans ce pays d’Afrique centrale. Si les évêques ont affirmé que Mgr Bala a été brutalement assassiné, c’est qu’ils avaient des éléments probants en ce sens. Que vont-ils faire désormais ? »
L’enquête se poursuit
Certains proches de l’épiscopat soupçonnent ainsi les autorités d’avoir soumis à l’analyse des médecins d’Interpol un autre corps que celui de l’évêque. Mercredi 5 juillet à 14 h 30 TU, Mgr Samuel Kleda, archevêque de Yaoundé et président de l’épiscopat camerounais, n’avait pas répondu aux sollicitations d’Urbi & Orbi Africa.
La justice camerounaise s’est engagée à poursuivre l’enquête « en vue de déterminer les circonstances exactes de ce drame » et à en publier les conclusions, « le moment venu ».
Loup Besmond de Senneville
http://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Monde/Mort-Mgr-Bala-Cameroun-nouvelle-autopsie-contredit-these-lassassinat-2017-07-05-1200860662