À Nice, une cérémonie interreligieuse pour retrouver « le chemin de la vie »Coralie Bonnefoy, à Nice, le 14/07/2017 à 14h50
Dans les jardins de la Villa Masséna, à Nice (Alpes-Maritimes), 300 personnes ont communié vendredi 14 juillet le temps d’une célébration où se sont exprimés sept représentants religieux, un an jour pour jour après l’attentat qui a frappé la ville, faisant 86 morts.
Un moment fort, entre hommage aux victimes de l’attentat du 14 Juillet dernier et bouffées d’espérance.
Cérémonie interreligieuse dans les jardins de la Villa Masséna, Nice le 14 juillet 2017. / Ville de NiceDans le superbe jardin de la villa Masséna de Nice (Alpes Maritimes), que prolonge une Promenade des Anglais fermée à la circulation et singulièrement silencieuse, les familles des victimes arrivent par petites grappes.
Un an jour pour jour après l’attentat qui a fait 86 morts et plus de 450 blessés, le 14 juillet 2016, elles viennent assister au premier temps fort de cette journée de commémorations : une célébration interreligieuse organisée sous l’égide d’Alpes-Maritimes Fraternité. Elle a été voulue notamment par Christian Estrosi, maire LR de Nice, pour démontrer, dit-il, que « toutes les confessions peuvent apporter leur contribution à la cohésion, à l’écoute et au partage dans notre société. »
« La peine, la tristesse et les gémissements »
Devant la longue estrade blanche, 86 bougies sont allumées une à une. Tandis que quatre jeunes gens égrènent la longue liste des victimes. Leurs noms disent la diversité de leurs nationalités et de leurs cultures. En rangs serrés sur des chaises beiges, les familles s’étreignent. « Ce n’est pas l’événement qui est important, mais l’homme, derrière l’événement », souffle, ému, Boubekeur Bekri, vice-président du conseil régional du culte musulman.
Tour à tour, les représentants des cultes juif, bouddhiste, catholique, orthodoxe, apostolique arménien, musulman et protestant prennent la parole. « La route où je m’avance, on l’a semée d’embûches contre moi », entame Franck Teboul, grand rabbin régional, citant le psaume 142. Malgré la souffrance, il faut avancer et vivre, pourtant. Tel est le message que déroulent l’un après l’autre les différents ministres. En anglais, pour les proches des victimes non-francophones, le chanoine Philippe Asso, puise du réconfort dans la lecture de l’Évangile selon saint Jean : « Les disciples de JESUS voguaient sur les eaux sombres de l’épreuve et de la mort (…). JESUS leur dit : N’ayez pas peur ! »
« La peine, la tristesse et les gémissements » sont là, souligne néanmoins l’archiprêtre Michel Selinitiotakis, délégué pour le Sud-Est du Patriarcat orthodoxe de Constantinople. Sous les palmiers du jardin, une mère enlace sa fille en pleurs. Un tout petit garçon dessine assis dans l’herbe, avec une des nombreux bénévoles encadrant les victimes.
« Opérer le passage de la mort, de la souffrance, vers le chemin de la vie. »
Le recteur Boubekeur Bekri rappelle (sourate 107 du Coran) que « la justice est un sentiment inspiré par Dieu à tous les humains. Cette attitude s’oppose catégoriquement à l’adhésion aveugle aux thèses destructrices qui tendent à légaliser la barbarie. » À ses côtés, le pasteur Paolo Morlacchetti, représentant de l’Église protestante unie de Nice, lit un extrait du discours de Martin Luther King, prononcé le 28 août 1963 à Washington. « Ne cherchons pas à satisfaire notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine », prévient-il.
À l’issue de la célébration, Barbara, Allemande venue de Leipzig, dépose, comme les quelque 300 proches des victimes présents, une rose blanche devant le mémorial provisoire où apparaissent les 86 noms. Elle vient ensuite serrer longuement les mains du chanoine Philippe Asso. Une photo de sa fille, Saskia, enseignante allemande de 29 ans disparue le 14 juillet dernier, à la main, elle tremble d’émotion. « Ma fille est morte, mais elle n’est pas oubliée. Cette cérémonie est à la fois difficile et merveilleuse pour moi, glisse-t-elle. Désormais, ma fille est ici. »
Dans la fraîcheur du jardin, les différents représentants religieux proposent un accompagnement spirituel à ceux qui le souhaitent. Une écoute ; des mots de sympathie et d’espérance. Le chanoine Asso conclut : « Avec cette cérémonie, il s’agissait d’opérer le passage de la mort, de la souffrance, vers le chemin de la vie. »
Coralie Bonnefoy, à Nice
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