Le Sénat adopte le projet de loi antiterroriste en première lecture
La mouture sénatoriale encadre et limite certaines mesures du texte, qui doit être examiné à l’Assemblée nationale en octobre.
Le Monde.fr avec AFP | 19.07.2017 à 01h22 • Mis à jour le 19.07.2017 à 08h34
Patrouille sur l’avenue des Champs-Elysées, à Paris le 14 juillet. KAMIL ZIHNIOGLU / AP
Le Sénat a adopté largement le projet controversé de loi antiterroriste qui doit remplacer, au 1er novembre, le régime exceptionnel de l’état d’urgence. Les sénateurs ont voté en première lecture en faveur de ce texte qui sera débattu à l’Assemblée nationale en octobre.
L’ensemble de la droite sénatoriale – Les Républicains (LR) et centriste –, majoritaire, mais aussi les sénateurs La République en marche (LRM) et ceux du Groupe du rassemblement démocratique et social (RDSE), à majorité PRG (Radicaux de gauche), soit 229 élus, ont voté pour ce texte ; 106 ont voté contre : les socialistes, les communistes et deux anciennes membres du groupe écologiste désormais disparu, Aline Archimbaud (Seine-Saint-Denis) et Esther Benbassa (Val-de-Marne).
Le Sénat a validé les modifications apportées au projet de loi par sa commission des lois en mettant en avant la défense des libertés publiques. Les sénateurs ont ainsi limité dans le temps, au 31 décembre 2021, l’application des dispositions permettant de prendre des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance et de procéder à des visites domiciliaires et à des saisies. Le projet de loi initial ne fixait pas de date limite.
De plus, ils ont prévu une évaluation annuelle de l’utilité de ces dispositions.
Mécanismes d’évaluation et d’encadrement
Ils ont également circonscrit l’usage des périmètres de protection aux abords de sites soumis au risque d’attaques terroristes. Ils ont aussi renforcé les garanties relatives à la vie privée, professionnelle et familiale des personnes contrôlées au sein de ces périmètres.
Le projet de loi pérennise par ailleurs le système de suivi des données des dossiers de passagers aériens (PNR) et autorise la création d’un nouveau traitement automatisé de données à caractère personnel pour les voyageurs de transports maritimes.
Il instaure un nouveau cadre légal de surveillance des communications hertziennes et élargit les possibilités de contrôle dans les zones frontalières.
En séance publique, le Sénat a proposé des mécanismes d’évaluation et d’encadrement des associations de prévention et de lutte contre la radicalisation, et autorisé les agents des services de sécurité de la SNCF et de la RATP à transmettre en temps réel les images captées par leurs caméras individuelles lorsque leur sécurité est menacée.
Le texte avait été dénoncé par plusieurs organisations, dont Amnesty International France, la Ligue des droits de l’homme ou le Syndicat de la magistrature (SM), mais aussi des personnalités comme le Défenseur des droits Jacques Toubon, la juriste Mireille Delmas-Marty et le commissaire européen aux droits de l’homme Nils Muiznieks.
« Société du soupçon permanent »
Une centaine de manifestants ont d’ailleurs défilé mardi devant le Sénat, à l’appel de plusieurs associations et syndicats, dont Droits devant, le DAL, le MRAP, ou l’Union syndicale solidaire, aux cris de « Etat d’urgence, Etat policier ! Nous ne lâcherons rien de nos libertés ».
Le numéro un du Parti communiste (PCF), le sénateur de Paris Pierre Laurent, avait annoncé qu’il allait « combattre le texte dans son ensemble ». Mais une question préalable de son groupe, dont l’adoption aurait entraîné le rejet de l’ensemble du texte en discussion, a été rejetée d’emblée.
Pour le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, la menace terroriste « est là, toujours prégnante ». « Nous voulons sortir de l’état d’urgence, mais nous ne pouvons le faire sans adapter notre dispositif de lutte contre le terrorisme », a-t-il dit. « La France ne peut se démunir contre le terrorisme, a approuvé François-Noël Buffet (LR, Rhône). Il fallait donc ce texte. »
« Vous arrivez à nous proposer une situation où on maintient l’état d’exception sans être dans l’état d’exception. Tout cela n’est pas crédible », a critiqué Jacques Bigot (PS, Bas-Rhin).
« Avec ce projet de loi, la société qu’on nous propose de construire n’est même pas une start-up, mais une société du soupçon permanent, laissée entre les mains des pouvoirs administratifs, où le préfet et le ministre de l’intérieur peuvent remplacer désormais les juges », a encore reproché Esther Benbassa.
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