«Analyse erronée» du gouvernement français sur les migrants
Dans une lettre adressée au président français Emmanuel Macron, le Secours Catholique-Caritas France et la Fédération de l'Entraide Protestante critiquent «un renoncement sans précédent aux valeurs et aux traditions humanistes de la République» en matière de politique d'immigration.
Joris Bolomey
Dans une lettre commune, la présidente du Secours Catholique-Caritas France, Véronique Fayet, et le président de la Fédération de l'Entraide Protestante, Jean-Michel Hitter, interpellent le président de la République française, Emmanuel Macron, sur les récents choix du gouvernement en matière de politique d'immigration. «La lutte contre la précarité et pour le respect de la dignité des plus pauvres est incompatible avec l’exclusion et le déni de droits d’une partie d’entre eux» écrivent-ils dans le document publié ce 18 décembre, Journée internationale des migrants. Une «vision binaire», «simpliste», «une analyse erronée», «un renoncement sans précédent aux valeurs et aux traditions humanistes de la République». Les termes de la missive sont à la mesure des inquiétudes des associations.
Des brigades mobiles pour faire respecter le règlement de Dublin
Elles sont nombreuses à dénoncer un durcissement des conditions d’accueil des migrants sur le territoire français suite à la publication de plusieurs circulaires sur l’immigration et l’asile, notamment celle publiée le 12 décembre dernier qui autorise des brigades mobiles de la police à intervenir directement dans les centres d’urgence où les personnes les plus vulnérables sont accueillies. Ces équipes, qui viennent de commencer leurs missions précise l’AFP, sont composées de membres de l'Ofii (Office français d'immigration et d'intégration), de la préfecture de région avec, à Paris, des agents de la Préfecture de police, ainsi que du GIP-HIS (groupement d'intérêt public «habitat et interventions sociales»).
L'idée des brigades mobiles est d’expulser les déboutés du droit d'asile et les «dublinés», ces réfugiés enregistrés dans un autre pays européen lors de leur entrée sur le continent et auprès duquel ils doivent présenter leur demande d’asile conformément au règlement Dublin II, pour faire de la place dans les centres d'hébergement. «La poursuite aveugle de la mise en œuvre du ‘règlement Dublin’ est un déni des faits. Par sa construction irréfléchie en 1990, dépassée, ce règlement génère des inégalités criantes entre les Etats européens quant à leurs responsabilités», estiment dans la lettre Véronique Fayet et Jean-Michel Hitter.
Les associations fustigent également le passage de 45 à 90 jours pour la durée maximale de détention des étrangers en attente d’expulsion, et l’allongement de la durée légale de retenue administrative pour vérification du droit de séjour, qui passerait de 16 à 24 heures.
Face à ce qu’elles considèrent comme une atteinte aux droits fondamentaux, les associations ont saisi lundi le défenseur des droits Jacques Toubon. Dans une interview accordée à France Inter, l'ancien garde des Sceaux de Jacques Chirac prévient que cette réforme, qui est «un changement complet de notre politique», risque d’entraîner une «condamnation de la cour européenne des droits de l'homme».
Les associations demandent une large concertation
Les associations rejettent la méthode «inédite» (du gouvernement) : «jamais, sur un sujet aussi sensible, une telle réforme n’avait été aussi avancée dans son contenu sans qu’à aucun moment le gouvernement ne se soucie d’ouvrir une réelle concertation avec les acteurs de la société civile».
Selon les ong, «l’intérêt général justifie qu’une parole de vérité soit assumée clairement». Elles incitent le président de la République «à surseoir à toute réforme de cette nature, et à engager enfin la large concertation que nous attendons depuis des mois et à laquelle vous n’avez pas jusqu’à maintenant souhaité donner suite.»
http://www.vaticannews.va/fr/monde/news/2017-12/des-associations-pointent--l-analyse-erronee--du-gouvernement-fr.html