RD-Congo, l’archevêque de Kinshasa tonne contre la répression policièreLucie Sarr , le 03/01/2018 à 17h27
Mis à jour le 03/01/2018 à 17h28
En RD-Congo, dimanche 31 décembre, une marche organisée par le Comité laïc de coordination du diocèse de Kinshasa (CLC) a été réprimée par les forces sécurité, faisant une dizaine de morts.
Mardi 2 janvier, le nonce apostolique en RD-Congo, Mgr Luis Mariano Montemayor, et l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, ont réagi à travers des communiqués de presse.
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Le cardinal Laurent Monsengwo , archevêque de Kinshasa, en 2015. / Corinne Simon/Ciric
Trois jours après la répression brutale de la marche pacifique du Comité laïc de coordination (CLC) par les forces de l’ordre congolaises, de nombreuses réactions ont été enregistrées au sein de l’Église.Après la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), c’est au tour de la nonciature apostolique en RD-Congo et de l’archevêché de Kinshasa de se prononcer.
Publié le 2 janvier, un communiqué de la nonciature apostolique au Congo fait une mise au point sur la posture du nonce apostolique, Mgr Luis Mariano Montemayor et du Saint-Siège face aux événements du 31 décembre.
Dans ce communiqué, la nonciature reconnaît avoir été informée de la marche organisée par les laïcs de Kinshasa mais souligne que « cela ne signifie pas que l’initiative de ces fidèles laïcs ait été approuvée ou désapprouvée par le Saint-Siège. » Le communiqué ajoute qu’« on ne pouvait s’attendre à une quelconque réaction du Saint-Siège car il est de règle dans l’Église de respecter ce qui est de compétence des évêques diocésains. »
« Aucune approbation ou condamnation n’a été émise par le Saint-Siège »
Cette mise au point intervient alors que, depuis l’interdiction de la marche du CLC le 30 décembre, plusieurs médias congolais prêtaient au nonce apostolique, Mgr Luis Mariano Montemayor, des propos contre la marche des laïcs.
« Aucune approbation ou condamnation n’a été émise par le Saint-Siège, et il ne faudra aucunement en attendre dans le futur », a insisté la nonciature apostolique en RD-Congo qui ajoute : « la promotion de la justice sociale et de la défense des droits civils et politiques des citoyens fait intégralement partie de la doctrine sociale de l’Église ».
Le communiqué du 2 janvier estime, en outre, que « dans le cas de l’initiative promue par le CLC à Kinshasa, l’unique autorité ecclésiastique compétente pour juger de la conformité d’une telle initiative à la doctrine sociale de l’Église était l’archevêque de Kinshasa ».
La colère de l’archevêque de Kinshasa
Cité par le nonce apostolique comme seule autorité pouvant juger de la conformité ecclésiastique de la marche du CLC, le cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa, a rompu le silence mardi 2 janvier, dans un communiqué envoyé à plusieurs médias, lu et filmé et publié sur les réseaux sociaux. « Nous ne pouvons que dénoncer, condamner et stigmatiser les agissements de nos prétendus vaillants hommes en uniforme qui traduisent malheureusement, et ni plus ni moins, la barbarie », a affirmé l’archevêque de Kinshasa.
Le cardinal Monsengwo a cité la longue liste des exactions commises par les forces de sécurité congolaises le dimanche 31 décembre : « le fait d’empêcher les fidèles chrétiens d’entrer dans les églises pour participer à la messe suivant l’ordre reçu d’une certaine hiérarchie militaire ; le jet de gaz lacrymogène pendant la célébration eucharistique dans les différentes paroisses de Kinshasa ; le vol d’argent, d’appareils téléphoniques ; la poursuite, la fouille systématique des personnes et de leurs biens dans l’église et dans les rues ; l’entrée des militaires dans les cures de quelques paroisses sous prétexte de rechercher les semeurs des troubles ; les tueries, les tirs à balles réelles et à bout portant sur des chrétiens tenant en mains bibles, chapelets et crucifix ; les arrestations des prêtres et fidèles ».
« Que les médiocres dégagent »
Mgr Monsengwo a par ailleurs, dénoncé des «
mystifications présentées comme informations véridiques et fiables » par le pouvoir et souhaité que «
la vérité l’emporte sur le mensonge systémique », «
que les médiocres dégagent » pour que «
règnent la paix, la justice en RD-Congo ».
S’en prenant aux dirigeants congolais
« incapables de protéger la population, de garantir la paix, la justice, l’amour du peuple », le chef de l’Église de Kinshasa a estimé qu’on ne peut pas avoir confiance en des dirigeants «
qui bafouent la liberté religieuse du peuple », « fondement de toutes les libertés ».
De son côté, la Fédération internationale des chrétiens pour l’abolition de la torture (FIACAT) a protesté
« contre ces atteintes graves au droit de réunion pacifique, à la liberté d’expression, à la liberté de religion ». Elle
« recommande expressément une enquête internationale » pour établir
« les responsabilités » et
« éviter la répétitivité de ces violations ».
Mercredi 3 janvier, le gouvernement congolais a répliqué en prenant le contre-pied de ces commentaires. Il a
« félicité les forces de police et de sécurité qui, sur l’ensemble du territoire national, ont respecté le mot d’ordre de rigueur, de fermeté et de conformité au droit international humanitaire dans la gestion » des marches, a déclaré le porte-parole du gouvernement Lambert Mende lors d’une conférence de presse.
Lucie Sarr
https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Monde/RD-Congo-larcheveque-Kinshasa-tonne-contre-repression-policiere-2018-01-03-1200903359