Capucine MODERATION
Date d'inscription : 12/12/2011 Messages : 7546 Pays : France R E L I G I O N : catholique
| Sujet: Le procès France Télécom fera-t-il évoluer le droit ? Dim 14 Juil 2019, 5:43 am | |
| Le procès France Télécom fera-t-il évoluer le droit ?Le procès France Télécom a pris fin, jeudi 11 juillet, après plus de quarante journées d’audience. Les dernières plaidoiries de la défense ont demandé au tribunal de ne pas céder à la tentation de créer une nouvelle infraction. Délibéré le 20 décembre.
- Béatrice Bouniol et Romane Ganneval,
- le 11/07/2019 à 17:43
Ainsi s’achève un procès hors norme. Depuis le 6 mai, France Télécom et sept de ses anciens dirigeants comparaissent pour harcèlement moral et complicité du même délit entre 2007 et 2010. Après deux mois et demi d’audience, la fatigue tend les visages et aiguise les mots. Mais le temps des débats houleux est à présent révolu.À la barre, les avocats se succèdent depuis le 2 juillet pour leur plaidoirie. Le parquet a rendu ses réquisitions, demandant les peines maximales selon la loi en vigueur au moment des faits – 75 000 € d’amende pour l’entreprise, 15 000 € et un an de prison pour Olivier Barberot, Louis-Pierre Wenès et Didier Lombard, respectivement ex-directeur des ressources humaines, ex-numéro 2 et ex-PDG. Et pour les autres prévenus, jugés pour complicité, 10 000 € et huit mois de prison. Une véritable « catharsis »C’est sur la défense des trois anciens dirigeants que se clôt l’audience. Une question occupe les esprits : le tribunal décidera-t-il de condamner les prévenus, reconnaissant que la politique de l’entreprise a dégradé les conditions de travail des salariés au point de porter atteinte à leur dignité et à leur santé mentale ? Autrement dit, retiendra-t-il l’accusation de harcèlement institutionnel qui, selon l’instruction, se mesure autant par ses effets que par son intentionnalité ?Pendant des semaines, les parties civiles et les témoins ont raconté les souffrances qui ont conduit dix-neuf salariés à se donner la mort et vingt autres à la dépression ou à des tentatives de suicide. Des témoignages éprouvants, portés pour la première fois devant un tribunal correctionnel. Une véritable « catharsis », saluée par Me François Esclatine, avocat de Didier Lombard, mais « qui doit s’arrêter au moment du délibéré ».« Des victimes, évidemment il y en a », avait déjà insisté Me Frédérique Baulieu, avocate de Louis-Pierre Wenès. Mais du harcèlement, non. Où sont les agissements répétés qui fondent une telle infraction ?, questionne la défense. Où est la relation de travail directe, qui en est une composante juridique essentielle ? Comment les plans Next et Act, déployés à partir de 2006, auraient-ils visé à déstabiliser les salariés, alors qu’ils devaient les accompagner dans les évolutions de leurs métiers ? La réussite de Next« Act est un pari sur l’humain », a même opposé Me Marie Danis, avocate d’Olivier Barberot. Celui de garder le personnel, de le former et de le faire évoluer en interne ou vers la fonction publique territoriale. Pour preuves, souligne la défense, l’augmentation du budget de formation, la création des espaces développement ou encore le maintien des effectifs dédiés aux ressources humaines à 3 %.Et un pari qui marche, a ajouté Me Bérénice de Warren pour la défense de Didier Lombard, explicitant ce que l’ancien dirigeant avait déjà formulé devant les juges : il n’a jamais constaté un mal-être général dans l’entreprise et la réussite de Next en fait pour lui la démonstration. « Si les agents avaient été déstabilisés, ils n’auraient pas pu réussir cette transformation », a répété l’avocate.L’ensemble de ces dispositifs imaginés par la direction, « ce n’est donc pas de l’habillage comme le soutient le parquet », a encore taclé Me Danis. Dès la première année, les demandes de formation augmentent, les mobilités vers la fonction publique également. Même chose pour les cellules d’écoute ou le dispositif écoutes salariés : 500 situations traitées, 30 000 réponses annuelles au questionnaire. La société n’a pas besoin « de boucs émissaires »Restent les alertes, celles des syndicats, du CHSCT, des médecins du travail ou encore du cabinet Technologia. « Comment peut-on qualifier les réactions des prévenus de « tardives » ? », réplique Me Maxime Cléry-Melun, avocat d’Olivier Barberot, soulignant « l’anachronisme » d’un tel grief. À l’époque, insiste la défense, le monde du travail comme le législateur prennent tout juste conscience des risques psychosociaux.Mais depuis, cette « révolution » a eu lieu, ont encore plaidé les avocats, la société n’a pas besoin d’une peine symbolique. Ou « de boucs émissaires », a appuyé Me Baulieu, fustigeant un « parquet militant » qui a oublié sa mission : « faire appliquer la loi votée par le parlement, et non une loi rêvée. » Le harcèlement institutionnel est-il une fiction juridique ou une jurisprudence pour éviter de tels drames ? C’est aussi ce que le tribunal doit à présent juger.--------------------Un long parcours juridiqueAvril 2010. Début de l’instruction à la suite d’une plainte déposée contre X par le syndicat SUD et un rapport de l’inspection du travail.Juillet 2012. Didier Lombard, Louis-Pierre Wenès, Olivier Barberot et France Télécom sont mis en examen.Fin 2014. Mise en examen de Jacques Moulin, Nathalie Boulanger, Brigitte Dumont et Guy-Patrick Cherouvrier à titre de complices.30 décembre 2014. Fin de l’instruction.4 octobre 2016. La Cour de cassation rejette les griefs « d’homicide involontaire » et de « mise en danger de la vie d’autrui ».12 juin 2018. Renvoi devant le tribunal correctionnel « pour harcèlement moral ».6 mai-11 juillet 2019. Procès devant la 31e chambre correctionnelle au tribunal de grande instance de Paris.https://www.la-croix.com/France/Justice/Le-proces-France-Telecom-fera-evoluer-droit-2019-07-11- |
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