Offensive turque en Syrie: Comment l’Occident s’est fait le conseiller du chaos
FIGAROVOX/TRIBUNE - Le président turc a lancé une offensive contre les Kurdes en Syrie. Les puissances occidentales doivent prendre conscience de leur responsabilité, estime le président de SOS Chrétiens d’Orient Charles de Meyer qui rappelle les soutiens contradictoires apportés à des camps voués inéluctablement à l’affrontement.
Par Charles De Meyer
Publié le 11 octobre 2019 à 12:34, mis à jour le 11 octobre 2019 à 12:34
Les bombes turques pleuvent en Syrie. Et le monde s’enflamme devant cette initiative qui met en danger toutes les minorités du nord-est de la Syrie. Comment ne pas partager cette inquiétude? La Turquie a largement contribué à la radicalisation de la poche dite d’Idlib, infestée de factions islamistes, et à de nombreux mouvements guerriers dans le pays. SOS Chrétiens d’Orient a pu recueillir des témoignages dès les débuts de la guerre civile syrienne faisant part de suspicions d’assauts turcs contre des villages chrétiens. Ainsi de celui de Kessab, au nord-ouest de la Syrie. Mais on nous répondait: «complotisme», «propagande de Bachar al-Assad», «islamophobie».
Aujourd’hui toute la communauté internationale dénonce leur opération « Source de Paix ».
La réalité était toute autre. La Turquie, membre de l’OTAN, était notre premier partenaire régional et les chancelleries diffusaient des consignes d’amitié avec la Turquie. Aujourd’hui toute la communauté internationale dénonce leur opération «Source de Paix».
On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. La sagesse française avait les armes nécessaires pour se prémunir des exagérations américaines au Proche-Orient, et tout spécialement en Syrie. Las, Laurent Fabius alla plus loin que les néoconservateurs les plus échevelés du Pentagone, et François Hollande reprocha à Barack Obama d’avoir bloqué l’affrètement du porte-avions Charles de Gaulle vers le Levant.
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Nous avons l’échec et le déshonneur. Les Français de papiers devenus djihadistes ont transité par les aéroports turcs. Les Français du gouvernement ont soutenu le kaléidoscope des islamismes sur le terrain, avant de s’allier à la milice kurde YPG, qui n’est autre que la branche syrienne du PKK (lui-même classé comme mouvement terroriste comme l’a répété Jean-Yves Le Drian le 24 janvier 2018), installant une situation inextricable où l’OTAN soutenait de facto deux camps promis à l’affrontement.
Les chrétiens sont particulièrement exposés à cette invasion tant qu’Erdogan entretient à leur encontre une politique vexatoire sur son propre sol, notamment dans le Turabdin, dans le sud-est du pays, et soutient les persécutions commises par ses affidés.
Tous les boutefeux de la région ont reçu des subsides et des soutiens moraux de l’Occident.
Le père Saliba, syriaque orthodoxe, nous a fait part des souffrances des chrétiens habitants de Qamishli, comme celui de cette famille dont la maison a été touchée hier par un obus turc, laissant les parents dans un état critique et deux enfants portés disparus. Le quartier d’Albsherieh pleure ses victimes et prie pour ceux qui sont actuellement à l’hôpital. Le père Saliba a terminé sa transmission d’affirmation par ses mots: «nous resterons chez nous et nous n’irons nulle part».
La situation ne peut donc être résumée à un affrontement entre les Kurdes et les Turcs. D’abord parce que les milices kurdes ont opéré de véritables campagnes d’épuration ethnique dans cette région, exilant les tribus arabes et les minorités chrétiennes. Ensuite parce que la seule réponse de droit international viable serait un retour au respect de la souveraineté de la Syrie sur la totalité de son territoire, retour empêché par les positions occidentales contre le pouvoir en place. Enfin, parce que la Turquie nous place dans une situation intenable: elle est notre alliée dans l’OTAN et mène la guerre contre un groupement largement issu du PKK, organisation classée comme terroriste par les États-Unis et l’Union Européenne, mais dont la branche syrienne est soutenue par les mêmes Occidentaux
En somme, tous les boutefeux de la région ont reçu des subsides et des soutiens moraux de l’Occident, déterminé à exercer un changement de régime en Syrie, sans égard quant aux conséquences humaines qu’aurait cette décision. Les chrétiens de la Jezireh en payent le prix fort, les Kurdes aussi, et toutes les autres minorités avec eux.
Ceux qui ont conseillé ce chaos serinent toujours leur expertise, acquise dans les salons dorés des capitales arabes.
Nous avons la honte et le déshonneur, mais ceux qui ont conseillé ce chaos serinent toujours leur expertise, acquise dans les salons dorés des capitales arabes, loin, très loin, de la vallée du Khabour, où une trentaine de villages chrétiens voient les néo-Ottomans emprunter les routes de Mardin qui furent déjà celles du génocide que les Jeunes Turcs infligèrent aux chrétiens de leur pays. Les chrétiens aux bêtes décrit cette horreur. Prions et agissons pour que nous ne portions pas l’infâme responsabilité de nouveaux massacres.
SOS chrétiens d’Orient, forte de la présence de ses équipes dans tout le pays, s’engage à porter secours aux populations victimes collatérales de ces nouveaux affrontements, et contraintes de fuir leurs maisons.
https://www.lefigaro.fr/vox/monde/offensive-turque-en-syrie-comment-l-occident-s-est-fait-le-conseiller-du-chaos-20191011