Chevaux mutilés. Ce que l’on sait des attaques qui se multiplient en France
Des mutilations, parfois mortelles, sont perpétrées contre des équidés ces derniers mois un peu partout en France. Le phénomène a connu une accélération depuis le mois d’août, créant la psychose chez les propriétaires de chevaux. Les autorités enquêtent mais la tâche est compliquée, face à la pluralité des attaques.
Oreilles coupées, mutilations d’organes génitaux et autres lacérations : les équidés sont la cible d’attaques en France ces derniers mois. Le phénomène s’est intensifié depuis le mois d’août, provoquant la psychose chez les propriétaires de chevaux et mettant en alerte les enquêteurs. Les autorités tentent de résoudre ce mystère. Qui veut la peau de ces animaux ? Et pourquoi ? Ouest-France fait le point sur ce que l’on sait.
Des dizaines de cas recensés depuis février à travers le pays
Difficile de connaître le nombre précis de ces attaques face à « la pluralité des auteurs et des modes opératoires », pour reprendre les mots du colonel Hubert Percie du Sert, coordinateur de la sous-direction de la police judiciaire de la gendarmerie . « Il y a une vingtaine de cas d’oreilles coupées, mais il y a aussi d’autres faits, des mutilations d’organes génitaux, des lacérations avec des objets tranchants », expliquait-il, mercredi 2 septembre, à l’Agence France-Presse (AFP).
L’une des premières attaques de cette inquiétante série remonte au 12 février. Ce jour-là, un des chevaux du lycée agricole de Château-Salins, en Moselle, a été retrouvé mort et mutilé, avec l’une de ses oreilles coupées, au petit matin. « Il s’agit d’un acte de malveillance complètement délirant », avait réagi le directeur du lycée dans le quotidien Le Républicain Lorrain . Depuis, des mutilations ont été recensées dans une dizaine de départements, majoritairement dans la moitié nord du pays.
« Les agressions d’animaux ne sont pas nouvelles, mais elles étaient plutôt isolées jusqu’à présent. On a, de notre côté, le souvenir d’un cas en 2014. Mais on note bien une recrudescence cette année, depuis février-mars, en France », constatait fin août, auprès de Ouest-France , Anne Josso, responsable de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires).
Des attaques d’une précision « chirurgicale »
Les propriétaires victimes sont nombreux à penser que ces actions sont l’œuvre d’individus familiers du comportement des équidés, pour parvenir à les approcher et les blesser, parfois mortellement, de la sorte.
Ils « savent ce qu’ils font et savent très bien le faire », estime Pauline Sarrazin, propriétaire d’une jument tuée en juin en Seine-Maritime et qui travaille en milieu hospitalier. Interrogée par Le Figaro, elle assure que la découpe des organes était « chirurgicale ». « Il faut savoir passer les clôtures, prendre un cheval du troupeau sans créer la panique, sans faire de bruit, savoir l’immobiliser », témoigne sur France info Lydie Cerisier, dont la ponette shetland est morte, l’oreille coupée, dans une écurie de la Somme en mai.
« Ils avaient une façon d’aborder l’animal en question, il y avait des bonnes connaissances », abonde Jérémie, propriétaire de chevaux à Pedernec, dans les Côtes-d’Armor, interviewé sur Europe 1 après une tentative d’attaque contre un de ses chevaux, mi-août. Il affirme avoir réussi à intervenir à temps face à deux agresseurs présumés. « C’était deux hommes. Je n’ai pas vu de visage, ils n’avaient pas d’accent. Ça s’est passé tellement vite. »
« On n’approche pas un cheval comme ça, et c’est encore plus difficile de les mettre à terre ! Il n’y a pas de doute que ce sont des connaisseurs », assure une enquêtrice bénévole à la Fondation Brigitte Bardot, citée fin août dans le journal Le Parisien .
« Les traces constatées sur les naseaux laissent présumer l’utilisation d’un tord-nez, accessoire demandant à son utilisateur des connaissances et des compétences dans le monde équestre pour le manipuler avec efficacité », pointait une note du Service central du renseignement territorial ; révélée en juillet par Le Parisien .
« Il y a manifestement un professionnalisme, des personnes qui agissent avec une certaine technicité », a souligné le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, lors d’un déplacement, le 28 août, dans un centre équestre de Saône-et-Loire touché par l’une des attaques.
Un portrait-robot diffusé après un cas dans l’Yonne
Dans la nuit du 25 au 26 août, Nicolas Demajean, président du Ranch de l’espoir, un refuge situé à Villefranche-Saint-Phal (Yonne), a été réveillé par des cris d’animaux avant de remarquer la présence de deux intrus dont il s’est rapidement rapproché. L’un d’eux lui a alors entaillé l’avant-bras gauche avec une serpette, avant que les agresseurs prennent la fuite. Deux poneys ont néanmoins été lacérés à l’arme blanche, l’un sur 50 cm, l’autre sur 25 cm, ainsi qu’un cheval de selle, avec une balafre de 20 cm, selon Nicolas Demajean.
Il a pu établir un portrait-robot d’un des deux agresseurs, âgés entre 40 et 50 ans. Mais si l’on « parvient à l’identifier », cela « ne signifiera pas que nous aurons résolu le mystère », a déjà prévenu le colonel Percie du Sert. « Il s’agira seulement d’un cas », insiste-t-il.
Les enquêteurs étudient toutes les pistes, notamment celle d’un rite satanique
Lors de son déplacement sur le sujet en Saône-et-Loire, le ministre de l’Agriculture a promis « la mobilisation de tous les services pour justice passe ». Concrètement, chacun des faits donne lieu à une étude approfondie (constatation par un vétérinaire, autopsie, analyses…) afin de recueillir le maximum d’indices.
Au niveau national, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) « coordonne » le suivi des enquêtes pour en analyser les éléments, a expliqué le colonel Percie du Sert. « Tous les éléments de procédure sont réunis au service central du renseignement criminel », a-t-il précisé. Après la Fédération française d’équitation, la Coordination rurale a par ailleurs annoncé qu’elle rejoignait les nombreuses associations se portant partie civile dans chacune des enquêtes lancées.
Tout est envisagé sur les motivations des auteurs : un challenge sur internet, des dérives sectaires, la haine des équidés, des rites sataniques… Fin août, Le Parisien rappelait que des phénomènes de mutilations de bétail étaient récurrents dans les années 1970 et 1980 aux États-Unis et au Royaume-Uni. Sans que des explications précises n’émergent.
Le mode opératoire était souvent similaire. « Les yeux, les oreilles, les mamelles, l’anus et les organes génitaux sont excisés ou évidés d’une précision chirurgicale », décrit le journal, citant le travail de l’historien américain Michael J. Goleman, publié en 2011 dans la revue Agricultural History Society . « Les zones autour des animaux mutilés ne montraient pas de traces de pas ou de pneus, et les restes de chair que laissent habituellement les charognards étaient souvent absents », relevait à l’époque l’historien.
« Compte tenu de l’attrait médiatique, ces blessures peuvent maintenant être commises par mimétisme », a tempéré Anne Josso, de la Miviludes. Cette mission, en charge de l’observation et de l’analyse du phénomène sectaire et qui apporte son concours, n’a pas mis en évidence de rite satanique, mais, selon le colonel Percie du Sert, « ce n’est pas pour autant écarté ».
Les propriétaires d’équidés s’organisent pour protéger leurs animaux
Une campagne de prévention et d’information est menée auprès des propriétaires de chevaux. De quoi rendre « plus compliquée » la répétition de ces attaques, assure le colonel Percie du Sert. Les propriétaires sont invités par exemple à s’équiper de « caméras de chasse », à aller plus souvent voir leurs animaux dans les prés, à leur enlever leur licol et à signaler auprès des gendarmes tous les faits.
Sur le terrain, certains éleveurs s’organisent pour faire des rondes, comme dans les Côtes-d’Armor. On se serre les coudes et on s’entraide aussi via les réseaux sociaux. Sur Facebook, le groupe « Justice pour nos chevaux », lancé fin juin par Pauline Sarrazin compte près de 20 000 membres, qui partagent leur témoignage et leur expérience.
Cette initiative « vise à regrouper les propriétaires victimes et inviter le milieu équin à la vigilance », explique à 20 minutes la propriétaire, dont la jument a été tuée en juin. Avant d’ajouter : « L’objectif, c’est que les personnes qui ont perdu un cheval ou un âne dans des circonstances similaires puissent entrer en contact. Il faut coincer ceux qui assassinent nos chevaux "
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