Le couvent Notre-Dame de la Délivrande, situé à Saint-Martin d'Hères (Isère), a reçu le Prix Sésame 2024 de la Fondation du Patrimoine qui récompense les initiatives d'usages compatibles avec les édifices religieux.
Occupé par des Dominicaines missionnaires qui s'apprêtaient à le quitter faute de moyens pour l'entretenir, le bâtiment accueillera désormais une association d'aide aux victimes de violences intrafamiliales nouvellement fondée.
Nouvel usage pour une nouvelle vie : le couvent Notre-Dame de la Délivrande, situé à Saint-Martin d’Hères (Isère), va accueillir dans ses locaux l’association l’Étoile du Berger, spécialisée dans l’assistance aux personnes victimes de violences intrafamiliales. Cette initiative a reçu le 19 juin par le prix Sésame 2024 de la Fondation du Patrimoine, qui récompense les initiatives originales de sauvegarde du patrimoine religieux en France. Pour la congrégation des Dominicaines missionnaires de Notre-Dame de la Délivrande, ce partage de leur couvent est une véritable opération de sauvetage : seules cinq religieuses âgées de 60 à 80 ans continuent d’habiter ces murs dont l’entretien devenait un fardeau.
Alors que la communauté, dont la maison-mère est en Martinique, y vit depuis 1868, décision est prise, en 2017, de vendre le bâtiment afin de le quitter. “Nous faisions face à une forte baisse des effectifs au fil des années en l’absence de nouvelles vocations. La maison n’était plus remplie et notre champ de missions de plus en plus réduit”, raconte à Aleteia sœur Marie-Thérèse, la prieure générale. Mais six ans plus tard, aucun acquéreur à l’horizon. Jusqu’à septembre 2023, où l’association L’Étoile du Berger toque à la porte du couvent.
Empêcher la précarité
Son objectif : venir en aide aux personnes victimes de violences intrafamiliales et les aider à retrouver une vie normale. Sa fondatrice, Astrid Le Ménestrel, a elle-même souffert d’un mari violent. C’est après s’être relevée de ce parcours douloureux qu’elle a choisi de fonder L’Étoile du Berger, explique-t-elle à Aleteia. Issue d’une famille catholique, fille de diacre, elle se marie très jeune. “J’ai découvert trop tard que j’avais épousé quelqu’un de malade et de violent. Les médecins m’ont avertie que si je ne partais pas, mes quatre enfants en bas âge seraient placés”, se souvient-elle. Son entreprise liquidée, Astrid se retrouve sans aucune solution et passe par les hébergements d’urgence. Quelques mains tendues lui permettent finalement de se sortir de l’enfer. “Je suis passée à deux doigts de la rue. Je m’étais promis qu’une fois tirée d’affaire, je tendrai la main à mon tour”, témoigne-t-elle. “Après douze ans de reconstruction, j’ai décidé de quitter mon poste de DRH pour fonder cette association.”
Elle a immédiatement l’intuition d’un couvent pour accueillir son projet. Pour autant, l’association demeure aconfessionnelle : “Je veux pouvoir accueillir absolument tout le monde, sans distinction. J’ai la foi, mais nous n’imposerons rien à ceux qui viendront bénéficier de nos services.”
De son côté, sœur Marie-Thérèse souligne la dimension providentielle de cet arrangement. “Nous avions tellement prié pour savoir quoi faire ! Ce projet rejoint pleinement notre charisme, qui est celui de l’éducation et du service du pauvre.
Il permettra une cohabitation sereine et respectera notre vie à la fois active et contemplative”, souligne la mère supérieure.
Des travaux à venir
La tâche est lourde, et surtout ambitieuse. L’association mettra en place un parcours de reconstruction dans tous les domaines : parentalité, scolarité des enfants, recherche d’un logement, emploi, formation aux phénomènes d’emprise… le tout grâce à des juristes, spécialistes en insertion professionnelle, thérapeutes et médecins. Elle accueillera un public qui n’a pas encore passé le seuil de précarité autorisant l’allocation d’aides d’État. Grâce aux fonds levés par l’entreprise, qui ne recevra que très peu de financements publics, ainsi qu’au prix Sésame d’une valeur de 20.000 euros, les religieuses et l’association vont pouvoir restaurer dès le mois de septembre.
Dix religieuses rejoindront le couvent de la Délivrande, ce qui était inenvisageable il y a encore quelques mois faute de travaux possibles. Celles-ci seront affectées au soutien spirituel de ceux qui le souhaiteront, notamment les catholiques. “Pour eux, c’est la double peine, car il existe un véritable tabou sur les violences intrafamiliales et le départ du foyer”, relève Astrid Le Ménestrel. “Je veux que ce soit un refuge pour eux aussi, afin qu’ils ne se sentent pas jugés et puissent être accompagnés si besoin dans les demandes de nullité de mariage.”
Au total, 140 adultes et 280 enfants devraient être accueillis pour la première année. “On voudrait tripler cet objectif d’ici trois ans, ce qui nous ferait occuper toute l’aile ouest du couvent.” L’association ouvrira ses portes le 24 décembre, veille de Noël où les bergers aperçurent l’étoile les conduisant au Sauveur.
Aleteia