L’hypertrophie du "Moi"
Au rang des amputations urgentes à pratiquer en nous pour entrer dans le Royaume de Dieu, celle du "Moi" possède la priorité la plus haute ! Elle résume à elle seule la liste des organes à retrancher qu’établit Jésus . Le "Moi", quand il s’accroît exagérément, devient une tumeur qui menace spirituellement aussi sûrement que toute tumeur maligne du corps engage le processus vital.
Orgueil, convoitise, jalousie jouent les catalyseurs en focalisant sur lui-même celui qui s’y adonne. L’autre est perçu comme un concurrent, un adversaire, une menace. Il n’est plus alors question d’agir au nom d’un Autre mais d’ouvrir son propre fond de commerce. Le "Moi" hypertrophié supprime le "Nous", la volonté d’accepter l’autre dans sa différence et d’œuvrer avec lui pour la plus grande gloire de Celui qui conjugue à merveille le "Moi" et le "Nous".
Jésus nous appelle chacun par notre nom tout en nous maintenant solidaires, membres d’un même corps, citoyens d’un même peuple. Le dénominateur commun, l’unique Essentiel qui nous maintient dans la vérité est le Christ lui-même. Tout le reste n’est que contingences et modalités et c’est ainsi que « celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »
En conférant à l’œcuménisme et au dialogue interreligieux une place centrale dans l’Eglise, le Concile Vatican II nous a ouverts à cette conception de la vérité liée au "Nous", à l’idée que l’on ne peut avoir raison qu’à plusieurs.
En conjuguant le sacerdoce baptismal au sacerdoce ministériel, il a rappelé que l’Esprit Saint est à l’œuvre chez tous les baptisés et même au-delà, que chaque baptisé est appelé à prendre sa place dans l’Eglise dans la coresponsabilité différenciée avec les diacres, les prêtres et les évêques. L’œuvre que nous avons à réaliser est souvent de l’ordre du laisser-faire dans le discernement. Il s’agit de susciter et d’encourager les initiatives inspirées par l’Esprit Saint afin que l’Eglise soit belle de sa diversité.
Le combat contre l’hypertrophie du "Moi" est un combat permanent tant l’homme excelle naturellement dans l’art de l’anathème et de la condamnation de la différence, tant il se sent concurrencé et menacé par les autres, tant la violence semble souvent la solution facile pour lui. Le "Moi" hypertrophié crée des zones de frottement et d’affrontement autour de soi, des angles aigus et acérés qui sont autant d’occasions de conflits. C’est seulement le contact des autres, dans la patience nécessaire pour laisser le temps faire son œuvre, qui permet d’arrondir les angles, comme des cailloux bousculés et ballotés dans un torrent finissent par devenir tout ronds. C’est seulement le contact de l’Autre qui nous permet, dans la prière et le dépouillement, de réduire nos exigences à cet unique Essentiel et à relativiser tout le reste. « Dieu seul suffit ! » nous crient les plus grands saints… Le secret du bonheur commence peut-être par ne pas se rendre malheureux et rendre les autres malheureux pour ce qui n’en vaut pas la peine, pour ce qui est de l’ordre de la contingence et pas de l’Essentiel…
Source : AD-ORARE (groupe d'Adoration)