Lc 12, 49-53
Jésus, cause de division entre les hommes
Jésus disait à ses disciples : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et comme il m'en coûte d'attendre qu'il soit accompli !
« Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »
HOMELIE
Comment Paul peut-il nous dire que nous sommes devenus « esclaves de Dieu » ? Ce terme n’est-il pas synonyme d’aliénation, de non disposition de soi ? A quelle conception de Dieu cette image ne risque-t-elle pas de conduire ?
En fait l’Apôtre joue sur l’opposition entre la situation du pécheur - dont la liberté est aliénée au point d’être réduit à l’état d’« esclave du péché » - et celle de l’homme régénéré, libéré du péché et de l’assujettissement à la loi, et vivant de la vie filiale dans l’Esprit. Pour souligner le contraste entre ces deux états, saint Paul emploie dans les deux versets le même terme - « esclave » - en ayant soin de différencier les fruits des deux esclavages : le premier conduit à la mort, le second à la sainteté. Autrement dit, le premier « maître » est homicide, le second est Source de vie nouvelle. Le premier nous ravit notre vie naturelle, le second nous donne part à sa propre vie divine - à condition de lui rester attachés par les liens d’un amour fidèle, à l’image de la fidélité de celui qui a livré sa vie pour nous arracher aux griffes de la mort.
Pour adoucir quelque peu ce vocable qui fait frémir, rappelons-nous ce que Saint Paul nous disait dans la lecture que nous avons entendue hier : « en vous mettant au service de quelqu’un pour lui obéir comme esclaves » ; c’est donc un choix libre et pas une contrainte subie. Le premier à avoir volontairement assumé la condition d’esclave, ce fut Jésus lui-même, comme l’Apôtre le précise aux Philippiens (Ph 2, 7) ; et il le fit pour nous libérer de l’esclavage mortifère du péché. Dans la droite ligne du sien, notre esclavage ne peut être qu’un esclavage d’amour, qui vise à ne pas perdre la grâce rédemptrice dont nous sommes bénéficiaires. Saint Ignace de Loyola n’hésite pas à remettre à Dieu sa liberté - devenant ainsi son « esclave » - pour être sûr de demeurer dans sa sainte volonté :
« Prenez, Seigneur, et recevez toute ma liberté,
Ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté,
Tout ce que j’ai et possède.
Vous me l’avez donné :
A vous, Seigneur, je le rends.
Tout est vôtre,
Disposez-en selon votre entière volonté.
Donnez-moi votre amour et votre grâce :
C’est assez pour moi. »
Père Joseph-Marie