Un citoyen romain nommé Saul
Juif, né citoyen romain à Tarse, en Cilicie, dans les premières années de l'ère chrétienne, Saul (ou Shaul), qui choisira plus tard le nom de Paul, est élevé à Jérusalem dans l'exacte observance de la loi hébraïque et dans l'étude des Saintes Écritures. Il y suit notamment l'enseignement du célèbre rabbin Gamaliel.
Les témoignages présentent Saul comme un homme de petite taille, chauve, et doué d'une remarquable énergie.
La conversion de saint Paul
Chargé par l'autorité romaine au nom du sanhédrin de réduire les communautés chrétiennes d'Asie Mineure, il se rendait à Damas lorsque le Christ lui apparut, le questionnant ainsi : «Saul, pourquoi me persécutes-tu ?» Ebloui, il reste pendant trois jours sans pouvoir recouvrer la vue. Les Actes des Apôtres racontent que Jésus, dans une vision, dépêcha alors auprès de lui un chrétien du nom d'Ananias qui le guérit immédiatement. Cet épisode du chemin de Damas sera décisif pour Saul : débarrassé de sa cécité symbolique, il a l'impression que des écailles lui sont tombées des yeux ; il se fait aussitôt baptiser puis gagne Damas pour annoncer dans les synagogues que Jésus est bien le «fils de Dieu».
Persécuté à son tour par les juifs, il doit quitter clandestinement la ville en 39, dissimulé dans un panier que ses amis feront descendre le long du rempart. Il se rend alors à Antioche et à Jérusalem, où il entre en contact avec Pierre et les autres apôtres.
Entre 43 après J.-C., date de son arrivée à Antioche, avant son départ pour la première mission, et 63, date de sa libération de la prison romaine (qui est le dernier événement connu de sa vie), Paul passe beaucoup de temps sur les routes (Asie Mineure, Chypre, Grèce et Italie), avec quelques haltes importantes. Il abandonnera à Chypre le nom juif de Saul pour celui de Paul.
La prédication de Paul
De l'hiver 50 à l'été 52 (au cours de son deuxième voyage), il s'attarde dix-huit mois à Corinthe, exerçant son métier de fabricant de tentes chez un couple de juifs convertis à Jésus, Priscille et Aquila, qui avaient été chassés de Rome par un décret de Claude (49-50). Tout en travaillant en semaine, Paul enseigne la Parole : «Chaque sabbat, il prenait la parole à la synagogue et tâchait de convaincre Juifs et Grecs» (Apôtres, XVIII, 4).
En fait, sa tentative passionnée d'enseigner l'Évangile à tous sera toujours beaucoup mieux acceptée par les païens (d'où son titre d'apôtre des Gentils) que par les différentes communautés juives, pourtant mieux préparées à comprendre une doctrine assez proche de la loi mosaïque.
Recueillant partout un grand succès (mais se faisant en même temps des ennemis acharnés), Paul fonde plusieurs Églises autour du Bassin méditerranéen.
Lors du Concile des apôtres qui se tient à Jérusalem vers l'an 50, il infléchit les destinées du christianisme en faisant prévaloir l'idée qu'il est possible de catéchiser les païens sans recourir aux pratiques de la loi hébraïque. Ainsi, lors de ses derniers voyages, engage-t-il les prosélytes à se soucier davantage de l'esprit que de la lettre de la nouvelle «voie».
La captivité
La fin de la vie de saint Paul est fertile en aventures. Vers 54-57, l'apôtre s'établit pour un peu plus de deux ans à Éphèse, d'où il sera chassé par la fameuse émeute des orfèvres qui l'accusaient de faire baisser le marché des statuettes de la déesse Artémis (Apôtres, XIX, 23). De 58 à 60, Paul est immobilisé à Césarée, où il est jeté en prison (Apôtres, XXIV, 27). Lorsqu'il revient à Jérusalem, le sanhédrin le fait comparaître afin de le juger et de le condamner. Faisant prévaloir sa citoyenneté romaine (seul un tribunal romain peut le juger), il est emprisonné à Jérusalem sur ordre du tribun romain.
Au bout de deux ans (la loi romaine interdisant la détention plus de deux ans sans procès), le sanhédrin demande une nouvelle comparution de Paul, qui refuse de se présenter. Celui-ci en appelle à César : cela signifie qu'un tribunal composé de proches de l'empereur le jugera. Pour cela, il se rend par mer de Palestine à Rome (c'est au cours de ce voyage qu'il est sauvé miraculeusement d'un naufrage).
De 61 à 63, en résidence surveillée à Rome, il bénéficie d'un statut suffisamment souple pour poursuivre sa prédication. Cet épisode est évoqué à la fin du livre des Actes : «Paul vécut ainsi deux années entières à ses frais et il recevait tous ceux qui venaient le trouver, proclamant le règne de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ avec une entière assurance et sans entrave» (Apôtres, XXVIII, 30).
Puis, il est finalement libéré. La fin de sa vie relève des textes apocryphes qui ont donné plusieurs versions : incarcéré à nouveau par les autorités impériales en 66, sous le règne de Néron, il aurait été finalement décapité (probablement en 67), à l'emplacement de l'actuelle basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs, à Rome (pour d'autres sur la route d'Ostie) ; il aurait effectué un voyage en Espagne avant de revenir à Rome où il fut décapité.
L'apôtre des Gentils
L'apport de saint Paul au christianisme reste très discuté, faute surtout de documents précis.
Les épîtres
Les seuls textes que nous ayons de lui sont des épîtres adressées aux différentes communautés chrétiennes qu'il avait eu l'occasion de visiter (aux Romains, aux Corinthiens, aux Galates, aux Ephésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, aux Thessaloniciens, aux Hébreux, dont l'attribution reste incertaine) ou à certains de ses disciples (à Timothée, à Tite, à Philémon). Ces documents, inclus dans le Nouveau Testament, sont loin de constituer un exposé doctrinal complet. Ils n'en ont pas moins suscité sur le plan de la doctrine des interprétations très diverses. Alors que certains exégètes mettent l'accent sur la référence à la tradition que laissent transparaître nombre de ces textes, d'autres au contraire accusent l'apôtre d'avoir travesti le christianisme originel en le déviant vers un rigorisme moralisateur que les confessions protestantes reprendront à leur compte à partir du XVIe siècle. Il est probable que les épîtres qui ont été conservées ne révèlent pas tout l'enseignement ni toute la pensée de l'infatigable missionnaire.
Le théologien
Si Paul prêche presque constamment la vertu et cherche à insinuer dans l'esprit des néophytes une certaine hantise du péché, il faut penser qu'il s'adresse souvent à de nouveaux baptisés encore marqués par le paganisme. Mais on se tromperait fort si l'on ne voyait dans ses écrits qu'un exposé de morale terrestre. Saint Paul montre en effet à plus d'un titre une nette prédilection pour les thèmes eschatologiques, cherchant à suggérer par-delà l'ordre temporel un autre ordre symbolisé par la figure énigmatique de Mathusalem qu'il emprunte à l'Ancien Testament, ces deux ordres devant se rejoindre et se fondre à la fin des temps.
Théologien autant qu'homme d'action, saint Paul cherche en fait à rendre présente aux catéchumènes la figure du Christ ressuscité. La foi libère l'homme des prescriptions de la loi juive ainsi que de toute autre contrainte extérieure, et lui fait connaître la «glorieuse liberté des enfants de Dieu». Seul le réel amour a force de loi.
L'apôtre insistera d'ailleurs surtout sur l'éternité du Christ, affirmant constamment l'union dans sa personne de la divinité et de l'humanité. Chaque baptisé participe à cet aspect divin : l'Église représente un corps dont le Christ est la tête et auquel se rattachent étroitement tous les membres ; c'est la vie même que Jésus communique aux fidèles, les libérant de la soumission à la mort et au péché. Même si certains des membres font encore le mal (malgré leur «bonne volonté») et fuient le bien qu'ils désirent pourtant, ils seront lentement transformés par ce nouvel esprit qui les habite. Le vieil homme fait place à un homme nouveau qui s'identifie au Christ ressuscité : à travers ce dernier, suivant saint Paul, les hommes parviennent ainsi véritablement, et pour l'éternité, à la condition de fils de Dieu.