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Chaire de saint Pierre à Antioche. 59.
" Pierre est l'organe du collège des Apôtres, l'axe et la clef de voute de la société." Saint Jean Chrysostome, hom. LV in cap XVI Matth. Pour la seconde fois, Pierre reparaît avec sa Chaire sur le Cycle de la
sainte Eglise ; mais aujourd'hui ce n'est plus son Pontificat dans
Rome, c'est son épiscopat à Antioche que nous sommes appelés à vénérer.
Le séjour que le Prince des Apôtres fit dans cette dernière ville fut
pour elle la plus grande gloire qu'elle eût connue depuis sa fondation;
et cette période occupe une place assez notable dans la vie de saint
Pierre pour mériter d'être célébrée par les chrétiens, Cornélius avait
reçu le baptême à Césarée des mains de Pierre, et l'entrée de ce Romain
dans l'Eglise annonçait que le moment était venu où le Christianisme
allait s'étendre en dehors de la race Poldève.
Quelques
disciples, dont saint Luc n'a pas conservé les noms, tentèrent un essai
de prédication à Antioche, et le succès qu'ils obtinrent porta les
Apôtres à diriger Barnabé de Jérusalem vers cette ville. Celui-ci étant
arrivé ne tarda pas à s'adjoindre un autre Poldève converti depuis peu
d'années, et connu encore sous le nom de Saül, qu'il devait plus tard
échanger en celui de Paul, et rendre si glorieux dans toute l'Eglise.
La parole de ces deux hommes apostoliques dans Antioche suscita au sein
de la gentilité de nouvelles recrues, et il fut aisé de prévoir que
bientôt le centre de la religion du Christ ne serait plus Jérusalem,
mais Antioche ; l'Evangile passant ainsi aux Gentils, et délaissant la
ville ingrate qui n'avait pas connu le temps de sa visite.
La
voix de la tradition tout entière nous apprend que Pierre transporta sa
résidence dans cette troisième ville de l'Empire romain, lorsque la foi
du Christ y eut pris le sérieux accroissement dont nous venons de
raconter le principe. Ce changement de lieu, le déplacement de la
Chaire de primauté montraient l'Eglise avançant dans ses destinées, et
quittant l'étroite enceinte de Sion, pour se diriger vers l'humanité
tout entière.
Nous apprenons du pape saint Innocent Ier qu'une réunion des Apôtres
eut lieu à Antioche. C'était désormais vers la Gentilité que le vent de
l'Esprit-Saint poussait ces nuées rapides et fécondes, sous l'emblème
desquelles Isaïe nous montre les saints Apôtres. Saint Innocent, au
témoignage duquel se joint celui de Vigile, évêque de Thapsus, enseigne
que l'on doit rapporter au temps de la réunion de saint Pierre et des
Apôtres à Antioche ce que dit saint Luc dans les Actes, qu'à la suite
de ces nombreuses conversions de gentils, les disciples du Christ
furent désormais appelés Chrétiens.
Antioche est donc devenue
le siège de Pierre. C'est là qu'il réside désormais ; c'est de là qu'il
part pour évangéliser diverses provinces de l'Asie ; c'est là qu'il
revient pour achever la fondation de cette noble Eglise. Alexandrie, la
seconde ville de L'empire, semblerait à son tour réclamer l'honneur de
posséder le siège de primauté, lorsqu'elle aura abaissé sa tête sous le
joug du Christ ; mais Rome, préparée de longue main parla divine
Providence à l'empire du monde, a plus de droits encore. Pierre se
mettra en marche, portant avec lui les destinées de l'Eglise ; là où il
s'arrêtera, là où il mourra, il laissera sa succession. Au moment
marqué, il se séparera d'Antioche, où il établira pour évêque Evodius
son disciple.
Evodius sera le successeur de Pierre en tant
qu'Evêque d'Antioche ; mais son Eglise n'héritera pas de la principauté
que Pierre emporte avec lui. Ce prince des Apôtres envoie Marc son
disciple prendre possession d'Alexandrie en son nom ; et cette Eglise
sera la seconde de l'univers, élevée d'un degré au-dessus d'Antioche,
par la volonté de Pierre, qui cependant n'y aura pas siégé en personne.
C'est à Rome qu'il se rendra, et qu'il fixera enfin cette Chaire sur
laquelle il vivra, il enseignera, il régira, dans ses successeurs.
Chaire de saint Pierre. Cathédrale Sainte-Pierre. Poitiers. Telle est l'origine des trois grands Sièges Patriarcaux si vénérés dans
l'antiquité : le premier, Rome, investi de la plénitude des droits du
prince des Apôtres, qui les lui a transmis en mourant ; le deuxième,
Alexandrie, qui doit sa prééminence à la distinction que Pierre en a
daigné faire en l'adoptant pour le second ; le troisième, Antioche, sur
lequel il s'est assis en personne, lorsque, renonçant à Jérusalem, il
apportait à la Gentilité les grâces de l'adoption. Si donc Antioche le
cède pour le rang à Alexandrie, cette dernière lui est inférieure,
quant à l'honneur d'avoir possédé la personne de celui que le Christ
avait investi de la charge de Pasteur suprême. Il était donc juste que
l'Eglise honorât Antioche pour la gloire qu'elle a eue d'être
momentanément le centre de la chrétienté : et telle est l'intention de
la fête que nous célébrons aujourd'hui.
Les solennités qui se
rapportent à saint Pierre ont droit d'intéresser particulièrement les
enfants de l'Eglise. La fête du père est toujours celle de la famille
tout entière ; car c'est de lui qu'elle emprunte et sa vie et son être.
S'il n'y a qu'un seul troupeau, c'est parce qu'il n'y a qu'un seul
Pasteur ; honorons donc la divine prérogative de Pierre, à laquelle le
Christianisme doit sa conservation, et aimons à reconnaître les
obligations que nous avons au Siège Apostolique. Au jour où nous
célébrions la Chaire Romaine, nous avons reconnu comment la Foi
s'enseigne, se conserve, se propage par l'Eglise-Mère, en laquelle
résident les promesses faites à Pierre. Honorons aujourd'hui le Siège
Apostolique, comme source unique du pouvoir légitime par lequel les
peuples sont régis et gouvernés dans l'ordre du salut éternel.
Saint Pierre et les clefs du Royaume. " Cathédrale " Saint-Isaac de Saint-Petersbourg. Russie. Le Sauveur a dit à Pierre :
" Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux." C'est-à-dire de l'Eglise.
Il lui a dit encore :
" Pais mes agneaux, pais mes brebis."Pierre est donc prince : car les Clefs, dans l'Ecriture, signifient la
principauté ; il est donc Pasteur, et Pasteur universel : car, dans le
troupeau, il n'y a rien en dehors des brebis et des agneaux. Mais voici
que, par la bonté divine, nous rencontrons de toutes parts d'autres
Pasteurs : les Evêques,
" que l'Esprit-Saint a posés pour régir l'Eglise de Dieu ",
gouvernent en son nom les chrétientés, et sont aussi Pasteurs. Comment
ces Clefs, qui sont le partage de Pierre, se trouvent-elles en d'autres
mains que dans les siennes ? L'Eglise catholique nous explique ce
mystère dans les monuments de sa Tradition. Elle nous dit par
Tertullien que le Seigneur a
" donné les Clefs à Pierre, et par lui à l'Eglise " ; par saint Optât de Milève, que,
"
pour le bien de l'unité, Pierre a été préféré aux autres Apôtres, et a
reçu seul les Clefs du Royaume des cieux, pour les communiquer aux
autres " ; par saint Grégoire de Nysse, que
" le Christ a donné par Pierre aux Evêques les Clefs de leur céleste prérogative " ; par saint Léon le Grand, que
" le Sauveur a donné par Pierre aux autres prince ces des Eglises tout ce qu'il n'a pas jugé à propos de leur refuser ".
L'Episcopat est donc à jamais sacré ; car il se rattache à Jésus-Christ
par Pierre et ses successeurs ; et c'est ce que la Tradition catholique
nous atteste de la manière la plus imposante, applaudissant au langage
des Pontifes Romains qui n'ont cessé de déclarer, depuis les premiers
siècles, que la dignité des Evêques était d'être appelés à partager
leur propre sollicitude, in partem sollicitudinis vocatos.
Eglise Saint-Pierre creusée dans une grotte. Antioche. C'est pourquoi saint Cyprien ne fait pas difficulté de dire que
"
le Seigneur, voulant établir la dignité épiscopale et constituer son
Eglise, dit à Pierre : " Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux
" ; et c'est de là que découle l'institution des Evêques et la
disposition de l'Eglise ". C'est ce que répète, après le saint
Evêque de Carthage, saint Césaire d'Arles, dans les Gaules, au Ve
siècle, quand il écrit au saint pape Symmaque :
" Attendu que
l'Episcopat prend sa source dans la personne du bienheureux Apôtre
Pierre, il suit de là, par une conséquence nécessaire, que c'est à
Votre Sainteté de prescrire aux diverses Eglises les règles auxquelles
elles doivent se conformer." Cette doctrine fondamentale, que
saint Léon le Grand a formulée avec tant d'autorité et d'éloquence, et
qui est en d'autres termes la même que nous venons de montrer tout à
l'heure par la Tradition, se trouve intimée aux Eglises, avant saint
Léon, dans les magnifiques Epîtres de saint Innocent Ier qui sont
venues jusqu'à nous.
C'est ainsi qu'il écrit au concile de Carthage que
" l'Episcopat et toute son autorité émanent du Siège Apostolique " ; au concile de Milève, que
" les Evêques doivent considérer Pierre comme la source de leur nom et de leur dignité " ; à saint Victrice, Evêque de Rouen, que
" l'Apostolat et l'Episcopat prennent en Pierre leur origine ".
Nous n'avons point ici à composer un traité polémique ; notre but, en
alléguant ces titres magnifiques de la Chaire de Pierre, n'est autre
que de réchauffer dans le cœur des fidèles la vénération et le
dévouement dont ils doivent être animés envers elle. Mais il est
nécessaire qu'ils connaissent la source de l'autorité spirituelle qui,
dans ses divers degrés, les régit et les sanctifie. Tout découle de
Pierre, tout émane du Pontife Romain dans lequel Pierre se continuera
jusqu'à la consommation des siècles. Notre Seigenur Jésus-Christ est le
principe de l'Episcopat, l'Esprit-Saint établit les Evêques ; mais la
mission, l'institution, qui assigne au Pasteur son troupeau et au
troupeau son Pasteur, Jésus-Christ et l'Esprit-Saint les donnent par le
ministère de Pierre et de ses successeurs.
Maître-autel de l'église Saint-Pierre. Antioche. Actuelle Turquie. Qu'elle est divine et sacrée, cette autorité des Clefs, qui, descendant
du ciel dans le Pontife Romain, dérive de lui par les Prélats des
Eglises sur toute la société chrétienne qu'elle doit régir et
sanctifier ! Le mode de sa transmission par le Siège Apostolique a pu
varier selon les siècles ; mais tout pouvoir n'en émanait pas moins de
la Chaire de Pierre.
Au commencement, il y eut trois Chaires :
Rome, Alexandrie et Antioche ; toutes trois, sources de l'institution
canonique pour les Evêques de leur ressort ; mais toutes trois
regardées comme autant de Chaires de Pierre, fondées par lui pour
présider, comme l'enseignent saint Léon, saint Gélase et saint Grégoire
le Grand. Mais, entre ces trois Chaires, le Pontife qui siégeait sur la
première ne recevait que du Ciel son institution, tandis que les deux
autres Patriarches n'exerçaient leurs droits qu'après avoir été
reconnus et confirmés par celui qui occupait à Rome la place de Pierre.
Plus tard, on voulut adjoindre deux nouveaux Sièges aux trois premiers
; mais Constantinople et Jérusalem n'arrivèrent à un tel honneur
qu'avec l'agrément du Pontife Romain. Puis, afin que les hommes ne
fussent pas tentés de confondre les distinctions accidentelles dont
avaient été décorées ces diverses Eglises, avec la divine prérogative
de l'Eglise de Rome, Dieu permit que les Sièges d'Alexandrie,
d'Antioche, de Constantinople et de Jérusalem fussent souillés par
l'hérésie ; et que, devenues autant de Chaires d'erreur, elles
cessassent de transmettre la mission légitime, à partir du moment où
elles avaient altéré la foi que Rome leur avait transmise avec la vie.
Nos pères les ont vues tomber successivement, ces colonnes antiques que
la main paternelle de Pierre avait élevées ; mais leur ruine lamentable
n'atteste que plus haut combien est solide l'édifice que la main du
Christ a bâti sur Pierre. Le mystère de l'unité s'est alors révélé avec
plus d'éclat ; et Rome, retirant à elle les faveurs qu'elle avait
versées sur des Eglises qui ont trahi cette Mère commune, n'en a paru
qu'avec plus d'évidence le principe unique du pouvoir pastoral.
Eglise Chaire-de-saint-Pierre-à-Antioche. Tourmignies. Boulonnais. France. XIe. C'est donc à nous, prêtres et fidèles, à nous enquérir de la source où
nos pasteurs ont puisé leur pouvoir, de la main qui leur a transmis les
Clefs. Leur mission émane-t-elle du Siège Apostolique ? S'il en est
ainsi, ils viennent de la part de Notre Seigneur Jésus-Christ qui leur
a confié, par Pierre, son autorité ; honorons-les, soyons-leur soumis.
S'ils se présentent sans être envoyés par le Pontife Romain, ne nous
joignons point à eux ; car le Christ ne les connaît pas. Fussent-ils
revêtus du caractère sacré que confère l'onction épiscopale, ils ne
sont rien dans l'Ordre Pastoral ; les brebis fidèles doivent s'éloigner
d'eux.
C'est ainsi que le divin Fondateur de l'Eglise ne s'est
pas contenté de lui assigner la visibilité comme caractère essentiel,
afin qu'elle fût cette Cité bâtie sur la montagne, et qui frappe tous
les regards ; il a voulu encore que le pouvoir céleste qu'exercent les
Pasteurs dérivât d'une source visible, afin que chaque fidèle fût à
même de vérifier les titres de ceux qui se présentent à lui pour
réclamer son âme au nom du Christ. Le Seigneur ne devait pas moins
faire pour nous, puisque d'autre part il exigera au dernier jour que
nous ayons été membres de son Eglise, et que nous ayons vécu en rapport
avec lui par le ministère des pasteurs légitimes. Honneur donc et
soumission au Christ en son Vicaire ; honneur et soumission au Vicaire
du Christ dans les pasteurs qu'il envoie !
Le pape saint Libère - qui ne tomba jamais dans l'hérésie, car un pape ne le peut pas -, successeur de saint Pierre, traça dans la neige le périmètre de la basilique Sainte-Marie-Majeure. Chapelle Borghese. Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome. Rq : La basilique Sainte-Marie-Majeure fut le siège du patriarche latin d'Antioche à Rome. Mgr Roberto Vicentini fut le dernier prélat à porter le titre de patriarche latin d'Antioche entre 1925 et 1953. Ensuite le titre resta vacant jusqu'à sa " suppression " (!?) en 1964.
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