1.4.2 Les Lollards
La mort de Wiclef n’arrêta pas le zèle de ses disciples. La puissance de la doctrine qu’il avait enseignée se montra dans le nombre de ceux qui la reçurent. L’Angleterre, à un certain moment, sembla tout entière gagnée aux vues du réformateur. On trouvait partout des « Lollards », comme on les appelait ; dans les chaumières des paysans, comme dans les châteaux des nobles. Ils se sentaient tellement appuyés par le sentiment presque général de la nation qu’en l’année 1395, ils adressèrent une requête au parlement demandant qu’on abolît le célibat des prêtres, la transsubstantiation, les prières pour les morts, les offrandes faites aux images, la confession et plusieurs abus de l’Église romaine. Ils affichèrent leurs conclusions aux portes de Saint-Paul et de Westminster.
Le clergé romain s’émut de cette hardiesse. Arondel, archevêque d’York, et Braybrocke, évêque de Londres, demandèrent au roi Richard II d’intervenir. Celui-ci défendit au Parlement de discuter la requête des Wiclefites, et menaça de mort les principaux d’entre eux, s’ils persistaient à soutenir ces détestables doctrines. Peu de temps après, Richard fut détrôné par son cousin le duc de Lancaster et mourut en prison. Le duc de Lancaster monta sur le trône sous le nom de Henri IV. C’est lui dont le père avait été l’ami et le protecteur de Wiclef, et les Lollards espérèrent que le nouveau roi leur serait favorable. Ils furent cruellement déçus. Arondel, qui avait aidé Henri IV à s’emparer du trône, lui avait dit en le couronnant : « Pour consolider votre trône, gagnez le clergé et abandonnez les Lollards ». Le roi répondit : « Je serai le protecteur de l’Église ». Il le fit bientôt voir.
Jusqu’au commencement du quinzième siècle, il n’y avait eu en Angleterre aucune loi qui condamnât les hérétiques à être brûlés. Partout ailleurs le pouvoir civil avait abandonné sur ce point son droit au pouvoir spirituel, c’est-à-dire au clergé. Afin de prouver à l’archevêque sa sincérité, le roi rendit un édit ordonnant que tout hérétique impénitent serait brûlé vif pour épouvanter les autres. En même temps, les prêtres firent courir et répandirent partout des bruits de complots et de desseins dangereux formés par les Lollards. Le Parlement confirma l’édit en l’an 1400. Brûler les hérétiques devint ainsi chose légale en Angleterre. L’édit portait que la sentence serait exécutée « publiquement, en un lieu élevé, aux yeux du peuple ». Dès que le primat (*) et les évêques eurent ainsi liberté d’agir, ils se mirent activement à poursuivre leur œuvre de ténèbres.
(*) L’archevêque d’York était le premier et au-dessus de tous les prélats du royaume. De là son titre de primat.
Leur première victime fut un ministre pieux de Londres. Il enseignait ouvertement les doctrines prêchées par Wiclef, et avait osé dire : « Au lieu d’adorer la croix sur laquelle Christ a souffert, j’adore Christ qui a souffert sur elle ». Il avait comparu à Newbury. Là, par crainte des souffrances qu’il aurait à endurer, il s’était d’abord rétracté. Mis en liberté, il était retourné à Londres. Peu après il reprit courage, une nouvelle force lui fut donnée, et il se remit à annoncer ouvertement l’Évangile, et à protester contre les erreurs de Rome. Il fut de nouveau saisi, jeté en prison, et condamné au bûcher comme hérétique relaps. On le traîna à Saint-Paul ; là il fut dégradé de la prêtrise, puis l’archevêque le remit à la bonté du grand maréchal du royaume, car il est défendu à l’Église de verser le sang. La bonté du grand maréchal ne lui manqua pas ; il fut brûlé, et glorifia Christ dans sa mort. Quelle hypocrisie des chefs religieux ! Croyaient-ils vraiment disculper l’Église de verser le sang tout en le faisant répandre par la main de ceux qu’elle s’assujettissait ?
Le second martyr était un simple artisan, nomme John Badby. Il était accusé d’avoir nié la transsubstantiation. Il fut conduit à Londres pour y être jugé. Outre les deux archevêques d’York et de Canterbury, il y avait comme juges plusieurs évêques et le duc d’York, chancelier du royaume. Arondel se donna beaucoup de peine pour convaincre Badby que le pain consacré devenait véritablement le corps de Christ. Les réponses de l’accusé furent claires et simples, et montrèrent un grand courage et une fermeté inébranlable. « Si réellement », dit-il « chaque hostie, après que le prêtre l’a consacrée, est le corps du Seigneur, il y a donc plus de 20000 dieux en Angleterre. Je crois en un seul Dieu tout puissant ».
Badby ne voulant pas se rétracter, fut condamné à être brûlé. Au moment où le bourreau mettait le feu au bûcher, le prince de Galles, héritier de la couronne, vint à passer. Peut-être n’était-ce pas sans l’intention de voir ce spectacle extraordinaire. Quoi qu’il en soit, il fut frappé de voir le martyr paisible et tout à fait impassible, attaché au poteau, tandis que le bourreau attisait le feu. Les flammes s’approchaient du prétendu hérétique, déjà elles avaient atteint ses pieds, et l’on entendit le mot « grâce » sortir de ses lèvres. Le prince, supposant qu’il implorait la grâce de la part de son juge, ordonna d’écarter le feu. « Veux-tu abandonner ton hérésie », demanda-t-il, « et te soumettre à la foi de la sainte mère Église ? Si tu le fais, tu auras une pension annuelle sur la cassette royale ». Mais Badby resta inébranlable. Il n’avait pas fait appel à la grâce des hommes, mais s’était recommandé à la grâce de Dieu. Irrité par la constance de ce chrétien, le prince commanda qu’il fût rejeté dans les flammes, et le courageux martyr y trouva bientôt la fin de ses souffrances.
Encouragé par l’appui que le roi lui prêtait, le clergé rédigea une suite d’articles que l’on nomme la constitution d’Arondel. Ils défendaient, sous les peines les plus sévères, la lecture de la Bible et des livres de Wiclef, et appelaient le pape non un simple homme, mais un vrai Dieu sur la terre. La persécution sévit alors dans toute l’Angleterre. Il y avait dans le palais archiépiscopal une prison que l’on nommait la tour des Lollards. Elle fut bientôt remplie de prétendus hérétiques. Un grand nombre de ces martyrs souffrirent la torture destinée à leur faire abjurer leur foi, avant d’être livrés à une mort cruelle. Plusieurs gravèrent sur les murailles de leur prison l’expression de leurs douleurs et de l’espérance qui les soutenait. On y lit encore ces mots tracés par l’un d’eux : « Jésus, amor meus » (Jésus, mon amour) ; témoignage touchant de la foi qui l’animait, rendu à l’objet suprême de ses affections.
Le roi Henri V avait succédé à son père. C’est lui qui avait été témoin du supplice de Badby, mais la constance jusqu’à la mort du martyr n’avait eu aucun effet sur son cœur. La persécution continua à sévir contre les Lollards. Ce ne fut pas seulement contre les petits, mais des personnes d’un rang élevé furent aussi frappées. Parmi elles, l’une des plus illustres fut sir John Oldcastle qui, par son mariage avec Lady Cobham, était devenu Lord Cobham. Il avait été un vaillant guerrier, s’était distingué dans maints combats, et avait été un favori du roi Henri IV. Il avait aussi suivi le prince de Galles dans sa vie de dissipation et de péché. Mais la grâce de Dieu l’avait saisi, nous ignorons à quelle époque de sa vie. Nous savons seulement qu’il devint l’ami et le disciple de Wiclef, et fut zélé pour répandre les doctrines que celui-ci enseignait. Après la mort de Wiclef, il resta dévoué aux Lollards. De même qu’il avait servi son roi par son courage dans les combats, de même il se montra plein de hardiesse pour le service de Christ et de ses disciples. En tant que lord, il avait un siège au Parlement. Là il ne cacha point sa foi et son opposition à Rome ; il alla même jusqu’à dire : « Il serait bon pour l’Angleterre que la juridiction du pape s’arrêtât à Calais, et ne passât pas la mer ». Paroles bien hardies à prononcer dans un tel lieu et dans un tel temps.
Cobham faisait faire de nombreuses copies des écrits de Wiclef, et les remettait aux « pauvres prêtres » qu’il recevait dans son château, afin qu’ils les répandissent partout où ils iraient prêcher l’Évangile. Lui-même assistait à leurs prédications, revêtu de son armure, la main sur son épée, et prêt à les défendre contre quiconque viendrait les troubler. Tant que le roi Henri IV vécut, il ne permit pas aux prélats de s’attaquer à son ancien favori. Il en fut autrement après sa mort.
Henri V, qui, avant d’être roi, avait mené une folle vie de dissipation et de péché, devint, en montant sur le trône, zélé pour l’Église. Arondel et les évêques auraient bien voulu emprisonner ou brûler tous les prédicateurs, mais ils pensèrent qu’ils arriveraient plus aisément à leurs fins en faisant taire ou jeter en prison, sinon mettre à mort, leur protecteur, lord Cobham. Ils virent le moment propice. Ils accusèrent Cobham de tenir et de répandre plusieurs hérésies, et demandèrent au roi de le faire comparaître devant lui. Le roi leur répondit qu’il essayerait de persuader Cobham de renoncer à ses nouvelles opinions. Il le fit donc venir et l’exhorta à se soumettre à la sainte Mère l’Église. Cobham répondit : « Je suis toujours prêt, très excellent prince, à vous obéir, d’autant plus que je vous reconnais pour un roi chrétien et un ministre de Dieu. Après Dieu, je vous dois une entière obéissance et je m’y soumets. Mais pour ce qui est du pape et de son clergé, je ne leur dois en vérité ni hommage, ni service, parce que je sais par les Écritures que le pape est le grand Antichrist, l’adversaire déclaré de Dieu, et l’abomination placée dans le lieu saint » (*).
(*) En réalité, si l’esprit de l’Antichrist est bien là à l’œuvre, depuis le temps des apôtres, l’Antichrist est un personnage encore futur.
Ce discours hardi déplut au roi ; il ne voulut plus intervenir en faveur de son ancien ami, et les évêques purent agir à leur guise. Arondel somma Cobham de comparaître devant lui le 2 septembre, afin de répondre aux accusations d’hérésie portées contre lui. Agissant d’après sa déclaration qu’il ne devait ni hommage, ni service, au pape et à ses subordonnés, il ne tint aucun compte de la citation de l’orgueilleux prélat. Arondel la fit afficher aux portes du château de Cowling qu’habitait Cobham, et à celles de la cathédrale de Rochester. Les amis et les vassaux de Cobham les déchirèrent aussitôt. Arondel avait une autre arme ; il excommunia le courageux gentilhomme. Ceux qui savaient ce que comportait la grande excommunication pouvaient bien être effrayés de l’acte audacieux du fier champion de Rome.
Sans se laisser abattre, ni décourager, lord Cobham écrivit une confession de sa foi sur le modèle de ce que l’on nomme le symbole des apôtres, mais exprimée essentiellement en paroles de l’Écriture sainte. Il la porta au roi, le suppliant de l’examiner. Henri ne voulut pas même la regarder. « Je ne recevrai pas cet écrit », dit-il, « remettez-le à vos juges ». Ces juges, c’étaient l’archevêque et ceux qui l’assistaient. Le roi, poussé par eux, envoya un de ses officiers pour se saisir du vieux guerrier. Si c’eût été un envoyé du clergé la question se serait décidée par les armes, selon la coutume de ces temps ; mais la sommation venait du roi, à qui Cobham se sentait tenu d’obéir. Il suivit l’officier et fut incarcéré à la Tour de Londres. Le 23 septembre, il fut amené dans l’église de Saint-Paul devant l’archevêque et les évêques de Londres et de Winchester, et d’autres ecclésiastiques. L’archevêque lui offrit l’absolution, s’il voulait se soumettre et confesser ses erreurs. Cobham répliqua en lisant un exposé de sa foi dont il présenta une copie à Arondel. Mais celui-ci avec irritation s’écria : « Il faut croire ce que la sainte Église de Rome enseigne, sans exiger l’autorité de Christ ». — « Croyez, croyez ! » lui criaient les prêtres ». — « Je suis prêt », dit Cobham, « à croire tout ce que Dieu veut que je croie ; mais je ne croirai jamais que le pape ait le droit d’enseigner ce qui est en opposition avec les Saintes Écritures ».
Il fut reconduit à la Tour, et la cour s’ajourna au lundi suivant. Cette fois, elle se réunit dans le couvent des Dominicains. Une foule de prêtres, de moines, de chanoines, d’ecclésiastiques, de vendeurs d’indulgences, s’y trouvait rassemblée et accueillit le prisonnier par un torrent d’injures. On lui offrit de nouveau l’absolution, à condition qu’il s’humiliât et confessât ses hérésies. « Non, vraiment », répondit-il ; « car je ne vous ai jamais offensés ». Puis accusant avec véhémence le pape et les princes de l’Église, il s’écria : « Votre domination est le poison de l’Église ! » — « Qu’entendez-vous par ce poison ? » demanda Arondel. — « Vos possessions et vos honneurs… Considérez ceci, vous tous qui êtes présents ici. Christ était doux et miséricordieux ; le pape est un tyran et un orgueilleux. Rome est le nid de l’Antichrist, et de ce nid sortent ses enfants ».
Alors eut lieu une scène étrange et des plus touchantes. Cobham ayant recouvré son calme, se jeta à genoux sur les dalles, et levant ses mains vers le ciel, il dit : « Je me confesse à Toi, ô mon Dieu, Dieu vivant et éternel ! Je reconnais que, dans ma fragile jeunesse, je t’ai très gravement offensé par l’orgueil, la colère, l’intempérance et l’impureté. Dans ma colère, j’ai blessé plusieurs hommes, et j’ai commis beaucoup d’horribles péchés. C’est pourquoi, ô Seigneur ! j’implore ta miséricorde ». Puis se relevant, le visage baigné de larmes, il se tourna vers les assistants et dit : « Ainsi, bonnes gens, pour avoir violé la loi de Dieu, ces hommes ne m’ont jamais maudit ; mais maintenant à cause de leurs propres lois et de leurs traditions, ils me traitent, et d’autres avec moi, de la manière la plus cruelle ».
Lorsque la cour se fut remise de l’émotion causée par cette scène, elle examina le noble témoin de Christ touchant sa foi et sur les quatre points qui formaient le fond de l’accusation portée contre lui. Le premier concernait la présence réelle de Christ dans l’eucharistie. Cobham s’en tint aux Écritures, tandis que ses adversaires en appelaient aux décisions de l’Église.
« Que pensez-vous de la sainte Église ? » lui demanda Arondel.
« La sainte Église », répliqua Cobham, « est l’ensemble de tous ceux qui seront sauvés et dont Christ est le Chef ».
« Que dites-vous du pape ? » demanda un des docteurs.
« Lui et vous tous ensemble », répondit Cobham, « vous composez le grand Antichrist. Le pape est la tête ; vous, les évêques, les prêtres et les prélats et les moines, vous formez le corps, et les moines mendiants sont la queue, car ils cachent par leurs sophismes la méchanceté de tous ».
L’évêque de Londres dit : « Vous savez bien que Christ est mort sur une croix matérielle ».
« Oui », dit Cobham, « et je sais aussi que notre salut n’est pas venu par cette croix matérielle, mais par Celui-là seul qui est mort sur cette croix. Et je sais que le bienheureux saint Paul ne se glorifiait en aucune autre croix que dans les souffrances et la mort de Christ ».
L’habile primat espérait encore arriver à convaincre par ses sophismes et ceux des prêtres le vieux chevalier ; mais tous ses efforts furent vains. « Je ne puis croire autrement que ce que j’ai dit ; faites de moi ce que vous voudrez », dit Cobham.
Comme la nuit approchait, l’archevêque se leva et dit que l’accusé devait se soumettre à l’Église, ou que la loi aurait son cours. Le visage tout en larmes, Cobham dit encore : « Je ne puis autrement. Je ne désire pas votre absolution. C’est du pardon de Dieu que j’ai besoin ».
Alors tous se levèrent et se découvrirent, et le primat lut à haute voix la sentence de mort. Lorsqu’il eut terminé, le courageux chevalier dit : « C’est bien ; vous pouvez tuer mon corps, mais vous n’avez aucun pouvoir sur mon âme. J’en appelle à la grâce de mon Dieu éternel ». Il s’agenouilla encore une fois et pria pour ses ennemis. Il fut condamné à être brûlé comme hérétique, et ramené à la Tour. Cinquante jours de délai furent accordés avant l’exécution du jugement. Dans l’intervalle ses ennemis ne restèrent pas inactifs. Les lois iniques de l’Église et de l’État avaient mis leurs victimes entre leurs mains, que pouvaient-ils désirer de plus ? Ils tenaient à leur faire abjurer leurs soi-disant erreurs. Mais comme Cobham ne le voulait ni ne le pouvait, ils le firent pour lui, et par une fausseté aussi méchante qu’abominable, ils prétendirent qu’il avait rétracté ses hérésies et rendu hommage à Jean XXIII, l’un des trois papes rivaux, et un homme exécrable s’il en fût. Mais peu de personnes crurent à leur mensonge.
Cependant, avec l’aide de quelques amis et la connivence du gouverneur de la Tour, Cobham réussit à s’échapper et se réfugia dans le pays de Galles. Les Lollards n’avaient nullement été découragés par la captivité de Cobham. Ils avaient continué à répandre leurs doctrines avec le plus grand zèle. Mais les prêtres exaspérés, voulant arrêter leurs progrès et mettre un terme à « la contagion de leur enseignement », comme ils disaient, firent courir le bruit de complots et d’un soulèvement général des Lollards. « Lord Cobham », disaient-ils, « est leur chef, et leur but est de détrôner le roi, de tuer la famille royale, de renverser le gouvernement de détruire toutes les cathédrales et de confisquer les biens de l’Église ».
Le roi s’émut à la pensée du danger prétendu qu’il courait, et rendit des lois encore plus sévères contre les malheureux confesseurs de Christ. Une grande réunion de prédication devait avoir lieu hors des portes de Londres. On la signala au roi comme un commencement d’exécution du complot. Il sortit en personne à la tête d’une armée contre cette foule désarmée d’hommes, de femmes et d’enfants, qui n’offrirent aucune résistance. Plusieurs furent taillés en pièces, d’autres furent faits prisonniers ; parmi eux sir Roger Ashton, un des fidèles compagnons de Wiclef, et vingt-huit autres qui furent exécutés comme traîtres. Quant à Cobham, on offrit mille marcs de récompense à qui le livrerait, vivant ou mort. Mais il était si grandement estimé que personne, durant les quatre années qu’il erra de lieu en lieu, ne mit les mains sur lui. À la fin, il fut trahi par Lord Pewis qui obtint le prix du sang du noble martyr.
On le ramena à la Tour, et il fut appelé à comparaître devant les Lords qui le condamnèrent à une mort cruelle comme coupable de trahison et d’hérésie. Il devait être brûlé à petit feu.
Le jour de l’exécution arriva. On le fit sortir de prison les mains liées derrière le dos. Une sainte joie brillait sur son visage. La sentence fut exécutée, accompagnée de toutes les marques possibles d’ignominie. On plaça sur une claie l’ancien favori du roi Henri IV, et on le traîna à travers les rues jusqu’à Saint-Gilles. Beaucoup de personnes de qualité se trouvaient là comme spectateurs, ainsi qu’une foule du peuple. Arrivé au lieu du supplice, Cobham s’agenouilla et pria encore pour ses persécuteurs. Puis il se tourna vers la foule et l’exhorta sérieusement à suivre les enseignements de la sainte parole de Dieu, et à se garder de ces faux docteurs dont la vie et la conduite étaient en si complète opposition avec Christ et son esprit.
Comme on lui offrait l’assistance d’un prêtre, il la refusa en disant : « C’est à Dieu seul, qui est présent maintenant comme toujours, que je veux confesser mes péchés ; c’est à Lui que je veux en demander le pardon ». Beaucoup des assistants fondaient en larmes, et prièrent avec lui et pour lui. En vain les prêtres affirmaient qu’il souffrait comme hérétique et ennemi de Dieu. Le peuple croyait Cobham plus que les prêtres.
Par un raffinement de cruauté, on l’avait suspendu par des chaînes attachées autour de son corps, au-dessus d’un feu qui brûlait lentement, afin que le supplice durât plus longtemps. « Rendez grâces à Dieu », furent les dernières paroles que l’on pût entendre sortir de la bouche du martyr dans ses souffrances indicibles. Enfin la mort y mit un terme, et l’esprit bienheureux du fidèle témoin alla près du Seigneur, en attendant le moment de la glorieuse résurrection.
« Ainsi », dit un chroniqueur, « est allé reposer le vaillant chevalier sir John Oldcastle, sous l’autel de Dieu, qui est Jésus Christ, avec la sainte compagnie de ceux qui, dans le royaume de patience, ont souffert une grande tribulation et la mort pour sa parole et son témoignage. Ils attendent auprès de Lui que leur nombre soit complet et la pleine rédemption des élus ».
Depuis ce temps les prisons de Londres regorgèrent de Wiclefites, qui furent livrés sans défense à la haine de leurs ennemis. « Qu’ils soient pendus pour offense au roi, et brûlés pour offense à Dieu », disaient les prêtres de Rome. Ceux qui échappaient à la prison et à la mort, étaient forcés de se réunir en secret. Mais Dieu se servit de cette victoire apparente de l’ennemi pour affaiblir dans les esprits d’un grand nombre la puissance et l’influence de la papauté, et pour frayer ainsi la voie à la Réformation dans le siècle suivant. La piété, la patience et la fermeté inébranlable des témoins de Jésus, faisaient une impression profonde sur les cœurs de plusieurs, tandis que la rage de persécution y semaient le mécontentement et le doute.
Henri Chicheley qui succéda à Arondel comme archevêque de Canterbury, le dépassa en zèle pour l’extermination des Lollards. Arondel semble avoir été frappé par un jugement de Dieu. Peu de temps après avoir prononcé la sentence de mort de Lord Cobham, il fut atteint d’une maladie incurable de la gorge qui le conduisit en peu de temps au tombeau.
Nous verrons plus loin comment d’autres témoins de Christ en Angleterre souffrirent pour son nom.