Bonjour,
Pour nous changer les idées, permettez-moi quelques bavardages autour d’une lecture du dimanche.
Loin de moi l’ambition de vous enseigner !
Aussi veuillez pardonner mon audace de vouloir partager avec vous quelques remarques et autres réflexions qui, bien que personnelles, m’ont surprise.
À charge pour vous de mettre tout ça en perspective.
Une première remarque purement technique sur le texte : à ma connaissance, il n’y a pas de différence significative entre les diverses Traditions textuelles. Deuxième remarque, dans l'Église Orthodoxe, la lecture de la péricope de Zachée inaugure le temps de l'attente pascale, il marque la fin du temps ordinaire.
TOB
1 Entré dans Jéricho, Jésus traversait la ville.2 Survint un homme appelé Zachée ; c’était un chef des collecteurs d’impôts et il était riche.3 Il cherchait à voir qui était Jésus, et il ne pouvait y parvenir à cause de la foule, parce qu’il était de petite taille.4 Il courut en avant et monta sur un sycomore afin de voir Jésus qui allait passer par là.5 Quand Jésus arriva à cet endroit, levant les yeux, il lui dit : « Zachée, descends vite : il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison. »6 Vite Zachée descendit et l’accueillit tout joyeux.7 Voyant cela, tous murmuraient ; ils disaient : « C’est chez un pécheur qu’il est allé loger. »8 Mais Zachée, s’avançant, dit au Seigneur : « Eh bien ! Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens et, si j’ai fait tort à quelqu’un, je lui rends le quadruple. »9 Alors Jésus dit à son propos : « Aujourd’hui, le salut est venu pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham.10 En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
Ce pourrait être une scène de comédie.
Le vilain riche "collabo", collecteur d’impôt pour le compte de l’occupant romain, essaie de voir Jésus et se conduit de façon cocasse.
C’est même un "archi-collecteur" d’impôts, ce n’est pas rien puisque c’est la seule occurrence de ce niveau de responsabilité dans le Nouveau Testament.
On l’imagine, petit et ridicule, à d’abord s’agiter, impuissant derrière la foule compacte, très compacte on le sait, qui entoure Jésus.
Puis, ce notable richement vêtu abandonne toute dignité, et il se met à courir pour dépasser la cohue
Et le voilà qui grimpe à un arbre comme le font les enfants et les chèvres.
Seulement, nous, nous n’avons pas le cœur à rire car nous savons que nous sommes à Jéricho, le point le plus bas de la terre habitée, et nous suivons Jésus dans sa lente et résolue montée vers le Golgotha.
Ce voyage est solennel, Jésus a choisi de passer par la route du Jourdain au lieu de traverser la Samarie.
Ce détour n’est pas pour rien, aucune offrande pour le Temple ne peut transiter par les terres impures de Samarie.
À Jéricho, se succèdent deux épisodes qui ont pour point commun la foule et l’impossibilité de voir le Seigneur.
D’abord, c’est la foule qui révèle le Seigneur à l’aveugle.
Puis c’est la foule qui cache le Seigneur à Zachée.
D’abord, l’aveugle voit l’invisible et préfigure par son cri « Fils de David, aie pitié de moi ! » l’entrée triomphale du Seigneur dans Jérusalem. Le seigneur demande à l’aveugle ce qu’il veut et par une simple parole, le Seigneur lui donne la vue.
Puis, celui qui a des yeux pour voir ne voit pas.
On ne sait rien de ses motivations, est-il mu par la curiosité ? par la foi ? par sa conscience professionnelle de péager qui l'oblige à surveiller les allées et les venues ?
On l’ignore puisque, lui, Zachée, ne demandera rien.
Bien que Zachée n’ait rien demandé, tout porte à croire qu'il va se retrouver transformé, guéri, converti par une simple parole le Seigneur «Hâte-toi de descendre; car il faut que je demeure aujourd’hui dans ta maison.»
«Il faut» ? Est-ce que c’est Jésus qui a besoin de Zachée ou bien le contraire ?
Est-ce Jésus qui demande, comme Il a pu le faire à la Samaritaine, ou bien est-ce Zachée qui demande ou qui s'offre ?
C'est seulement par son attitude insolite qu'il se manifeste au Seigneur.
Avec Zachée, on est loin des scrupules du Centenier qui se trouvait indigne d’accueillir Jésus «Seigneur, ne te donne pas cette peine, car je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit.» Zachée ne voit aucun inconvénient à recevoir Jésus.
Non seulement il est ravi de recevoir le Maître mais lorsque la foule murmure, ce n’est pas Jésus qui parle mais c’est le publicain honni, Zachée, qui témoigne de son repentir : la moitié de ses biens aux pauvres, ce doit être considérable, qui de nous peut en faire autant ?
Il est clair que cela doit couper le souffle à la contestation !
Mais ce faisant, Zachée se charge-t-il de défendre la réputation de notre Seigneur ?
Dans le Très Saint Évangile, il n'est pas fréquent que le Christ trouve un avocat face à ses détracteurs.
Même les plus proches disciples n’ont guère eu l’occasion de briller dans ce rôle.
Est-ce que cette inversion des rôles est insignifiante et/ou fortuite ?
Il est possible que Jésus se soit tu poliment pour laisser Zachée s’exprimer mais il n’est pas anodin de remarquer que l’inversion des rôles a commencé plus tôt quand le Seigneur a levé les yeux pour regarder au dessus de Lui un pécheur suspendu au bois.
D’habitude, quand le Seigneur lève les yeux c’est pour s’adresser au Père.
Cette fois le Seigneur S'est mis plus bas que le pécheur !
J'imagine que le coeur de Zachée a failli exploser quand il s'est rendu compte que le Seigneur déviait de Sa route pour venir à ses pieds !
Pour unifier plus étroitement tout cet épisode autour de Jéricho, il y a encore l’emploi à quatre reprises du verbe grec «anablepo», qui signifie tantôt «recouvrer la vue» quand il s’agit de l’aveugle et tantôt «lever les yeux» quand il s’agit de notre Seigneur.
Ainsi, à son entrée dans la ville, nous avons vu Jésus acclamé au cri de « Fils de David » et à la sortie de la ville nous le retrouvons levant les yeux sur un homme décrié suspendu au bois d’un arbre.
Quand nous aurons rappelé que Zachée est une transcription littérale d’un mot hébreu qui signifie "pur", "innocent"… comment ne pas ressentir une curieuse impression d’anticipation ?
Je m’abandonne à ces résonances sans pouvoir davantage les interpréter. Et sans oser.
Avant de mettre un terme à mon bavardage, je me dois de signaler ou de rappeler ou...
... simplement de souligner l’emploi du neutre dans la phrase de conclusion de notre doux Seigneur et Sauveur Jésus-Christ :
Chercher et Sauver CE qui est perdu, et non pas CEUX qui sont perdus, ni CELUI qui est perdu.
Non…
Le Seigneur a dit « CE », c'est-à-dire toutes les choses, tous les êtres, tout ce qui a souffert de la chute.
"En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu"
Tout CE ?
Cordialement
votre soeur
Pauline