« Je suis là, je te parle, mais je ne t’écoute pas.
Comme c’est difficile maintenant de trouver ce moment dont pourtant j’ai tant besoin !
Autrefois, il n’y a pas si longtemps, je le trouvai aisément. Tout était simple alors, du moins pour te trouver. Je sais toujours où te chercher, je sais comment faire pour entamer ce dialogue sublime avec toi. J’emploie le mot sublime, il est approprié, je le sais. Je ne pourrais jamais l’expliquer, je ne peux que le vivre, ce moment ou enfin je t’écoute. C’est simple pourtant, il suffit que je cesse de parler, de gémir, de m’épancher sur moi-même. Il suffit que je te laisse entrer, me dire ce que je ne veux pas entendre.
« Entrer », non ce n’est pas le bon mot, tu es toujours là, je le sais. Mais si souvent, bien trop d’ailleurs, je ne t’écoute plus. Je te parle de tout, je te prends à témoin. Et je me plains... Je me plains de tout, de mon quotidien, de la vie, de la société, et même de toi.
Comment j’ose ? Parce que j’ose tout. J’ai compris ton amour et j’en profite. Je n’ai même pas honte de moi. Beaucoup penseraient que je le devrais, mais je n’y arrive pas. J’ai tellement confiance en ton amour, même si je ne comprends pas tout.
A vrai dire, cela dépend des jours, cela dépend aussi et surtout de moi.
Soit j’écoute, soit, je n’écoute pas. Comme un enfant borné qui connaît l’amour de son père et qui l’utilise, moi aussi, je suis comme cela. Mon esprit comme mon coeur est fermé. Tu cherches à m’entraîner vers ta réalité. Je m’accroche ici bas et refuse d’avancer, comme un âne buté. Je te montre ma vie.
Je te crie « regarde, ça ne va pas ! Pourquoi ne fais-tu rien ! » L’étau de mon coeur ne se desserre pas. Est ce moi qui refuse ?
Combien de fois j’oublie ce que tu m’as appris ! Combien de fois je te crie que c’est trop difficile, que tes lois sont trop dures ! Et tu me réponds que ce ne sont pas tes lois mais les nôtres. Toi, tu n’as qu’une seule loi que nous ne comprenons pas parce qu’elle est trop absolue.
Lentement l’étau se desserre et mon coeur se libère et ta parole résonne enfin au fond de moi. Je suis calmée, je commence enfin à écouter, même si la rébellion n’est jamais bien loin. Enfant rebelle qui hurle à l’injustice, enfant qui ne comprend pas. Je te cherche et tu m’apaise. Enfin je ressens un peu ta paix, même si ce rétrécissement de mon âme continue à se faire sentir, diffus en moi.
Peu à peu, tu prends le dessus et tu me ramènes là où je devrais toujours être.
Quelle est cette impression qui s’insinue en moi ! Si je t’écoute, si je me laisse enfin aller, je sais ce que tu vas me demander. Tu attends toujours la même chose de moi et c’est ce qui me retient. Tu m’expliques. J’entends ce que je savais déjà, ce que j’ai toujours su. Tu me racontes l’éternelle vérité. Comme à chaque fois, je suis émerveillée. Et je retombe quand même dans le piège que pourtant je connais.
Mais ce dialogue avec toi me ramène sans cesse à toi. Je te cherche à nouveau. J’ai tant de choses à te demander, des petites, quotidiennes, mesquines et des grandes, de si grandes que ma petitesse m’effraie. Et pourtant j’ose.
Quelle audace ! Mais tu souris, je le sais, je le sens ! En moi, comme en chaque être humain, il y a ta grandeur dont je peux disposer.
«Insolence » diront certains. Non, « confiance », tu m’as appris à t’aimer
Ce ne fut pas facile. Je ne connaissais de toi que ce que l’on m’avait dit. Toi, celui dont il fallait craindre la colère. Celui au nom de qui tant d’hommes s’entretuaient. Celui qui ne faisait rien quand un enfant mourrait. Celui qui savait tout ce que je faisais et qui me punirait.
Enfin, c’est ainsi que je te voyais. Depuis quand je te connais ? Depuis toujours, mais je l’ignorai encore il n’y a pas si longtemps ! Quand dans ma prière, je t’atteins enfin, je te reconnais à l’écho que tes paroles font surgir de mon coeur. Alors je sais que c’est toi. Je ne suis plus qu’un maillon de l’éternelle vérité. Je puise à pleines mains, à plein coeur, je m’emplis de ton amour.
Ces moments là ne durent pas, la vie les rattrape très vite, les rends dérisoires et si loin de notre quotidien. Ils sont une force que je néglige bien trop souvent. Est-ce à cause de cela que j’écris ? Même si la vie m’absorbe au point que je ne vois plus rien de toi, mes textes sont là. Je les relis et à chaque fois je t’aperçois. Je ne veux pas dire que je te vois, je n’en ai pas le droit, cela n’appartient qu’a toi. Trop, avant moi, ont utilisé ton nom.
Je sais que dans mes écrits je suis toujours là. Si toi tu ne peux te tromper, ce n’est pas mon cas; cela restera ma seule humilité dans mon amour pour toi. Ne jamais dire « je sais » et te laisser parler. Tu peux te servir de moi , mais je peux me tromper. Ce serait trop grave. Cela reste un dialogue entre toi et moi.
Ma prière est trop souvent un monologue, elle ne devient belle que lorsqu’on entend ta voix. Moi je suis pauvre, tu es ma richesse. Tu mets la beauté que l’on entrevoit.
Je prie n’importe quand, n’importe comment. Est ce vraiment une prière ?
Dans les jours où rien ne va au point que je ne trouve plus, il m’arrive souvent de ne faire que répéter des mots que j’ai appris. Je les répète, essayant d’y mettre tout mon coeur qui est ailleurs, essayant de penser vraiment ces paroles si souvent répétées et depuis si longtemps. Il m’arrive d’en perdre le fil, perdue dans mes pensées terrestres, si loin de toi. Alors, je me force, je m’oblige à rester dans ce texte que je récite, à le répéter dans l’espoir de me rapprocher de toi. Je n’y arrive pas toujours.
Pourquoi est ce plutôt dans la joie que je te sens présent ?
Dans la tristesse, je te cherche comme un aveugle tâte les murs qui l’entourent. Je t’appelle de toutes mes forces et je te raconte tout. Je laisse s’écouler ce flot d’amertume, je vide mon sac...
Et si je n’entends pas tes réponses, je sais que toi tu m’as écouté. Je sais aussi que je ne t’apprends rien, que tu es avec moi à chaque seconde de ma vie, alors que je m’éloigne sans cesse de toi. Ma prière en ce cas est demande, impérative, implorante. Je cogne de toutes mes forces sur ta porte ouverte, je n’entends rien de ce que tu me dis. Rien ne me semble plus important que ma détresse. Je ne vois plus demain, j’ai la vue courte Je te hurle que je souffre, que l’on m’a fait du mal. Tu me réponds toujours la même chose :
- « pardonne »
Je hurle que je ne peux pas, que c’est trop difficile. Tu réponds à nouveau :
- « pardonne et tu seras délivrée de ta souffrance ».
Cela, je le sais, tu me l’as appris. Mais je ne veux pas et je m’accroche à ma rancœur :
- « Je n’y arrive pas. Ne me demande pas ça, c’est trop tôt ! »
Tu me réponds encore :
- « pardonne et je ferai le reste ».
Je le sais. Une fois que j’aurai pardonnée, ma douleur s’envolera et il n’en restera plus que le souvenir