Un apocryphe de l’apôtre Paul est toujours digne d’intérêt. Le texte apporte une lumière nouvelle sur un document curieux, peu étudié jusqu’à présent, mais sur lequel des travaux tout récents viennent d’attirer l’attention des théologiens et des orientalistes. Il s’agit de la troisième Epître de saint Paul aux Corinthiens, ou plutôt de la correspondance apocryphe des Corinthiens et de saint Paul, — car il y a deux lettres, une des Corinthiens à saint Paul et la réponse de saint Paul aux Corinthiens, dans une traduction arménienne. Ce texte n’existant qu’en arménien, et n’ayant jamais été mentionné par les écrivains ecclésiastiques grecs et latins, on inclinait à y voir une production du christianisme oriental, un écrit primitivement rédigé en langue syriaque pour combattre quelque hérésie syrienne ou mésopotamienne. La découverte d’une version latine fort ancienne, faite évidemment sur un texte grec, est de nature à changer de tout aux toutes les conditions du problème. Aussi nous hâtons-nous de découvrir ce texte. L’intelligence de la version latine sera facilitée par une traduction du texte arménien, mieux conservé que le latin.
I
La correspondance des Corinthiens avec saint Paul se trouve dans presque tous les exemplaires manuscrits de la Bible arménienne, dans le plus grand nombre à la fin des quatorze épîtres de Paul, dans quelques-uns immédiatement après la seconde épître aux Corinthiens. C’est cette dernière place qu’elle occupe dans la traduction arménienne des commentaires de saint Ephrem sur le Nouveau Testament. Si l’authenticité de cette partie des commentaires d’Ephrem peut donner lieu à discussion, en revanche il n’est guère contestable que le texte de 3 Corinthiens qui y est partiellement reproduit paraît plus ancien que celui des manuscrits bibliques. on n’a relevé jusqu’à présent aucune citation de ce document dans les écrits syriaques et fort peu dans la littérature arménienne. Mékhithar d’Aïrivank, chroniqueur arménien de la fin du treizième siècle, inséra dans son ouvrage une sorte de Canon biblique d’après Jean le Diacre, qui vivait à la fin du onzième siècle. Les livres du Nouveau Testament y sont rangés dans l’ordre suivant: QUATRE ÉVANGÉLISTES: Jean, Matthieu, Marc, Luc. Actes des Apôtres. EPITRES CATHOLIQUES: Jacques ; 1 et 2 Pierre; 1, 2 et 3 Jean; Jude. Apocalypse. [EPITRES DE SAINT PAUL:] 1 et 2 Thessalonique, 1, 2 et 3 Corinthiens, Romains, Hébreux, 1 Timothée, Tite, Calcites, Ephésiens, Philémon, Colossiens, Philippiens, 2 Timothée. Immédiatement après, le même chroniqueur indique un autre ordre pour les épîtres de Paul << suivant une liste trouvée par Clément >> Romains, 1, 2 et 3 Corinthiens, Galates, Ephésiens, Philippiens, Colossiens, 1 et 2 Thessaloniciens, Hébreux, 1 et 2 Timothée, Tite, Philémon, Voici donc deux listes de livres canoniques, où cette apocryphe figure au même titre et à côté des deux épîtres authentiques. Ce fait suffit à montrer de quel crédit il jouissait à une certaine époque dans l’Eglise arménienne.
Il ne fut connu et cité pour la première fois en Europe que vers le milieu du dix-septième siècle. Le célèbre archevêque Usher (Usserius) fait mention, en 1644, d’un manuscrit arménien copié à Smyrne et contenant, avec une traduction italienne, la correspondance de saint Paul et des Corinthiens. Ce manuscrit, ayant passé sur le continent, devint la propriété de . Masson, qui publia les deux lettres en latin dans le dixième volume de l’Histoire critique de la république des lettres. L’année suivante, en 1715, David Wilkins en donna la première édition arménienne avec une version latine qui fut révisée ou plutôt refaite en 1716 par La Croze. Ces deux traductions de Wilkins et de La Croze, réimprimées par Fabricius dans la troisième partie de son Cottes apocryphus Novi Testamenti, forment certainement le texte le plus répandu de cette apocryphe, et de nos jours encore, en 1856, l’auteur des apocryphes a cru satisfaire aux besoins de ses lecteurs en mettant en français le latin de la version de Wilkins, la plus imparfaite des deux. Il n’existe pas, à priori, d’autre traduction en langue française.
a suivre