décembre 2011
Témoins de Jéhovah et gouvernement : suite, mais pas fin
L’affaire aurait pu trouver son épilogue le 31 décembre. Il suffisait qu'à cette date, les deux parties aient trouvé un accord pour mettre fin au contentieux vieux de quinze ans qui oppose le gouvernement français à l’association des Témoins de Jéhovah. Fin juin, la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait en effet condamné la France pour violation de la liberté religieuse dans un dossier de redressement fiscal effectué auprès de l'association des Témoins de Jéhovah ; et avait demandé aux parties de parvenir à un accord, dans un délai qui expirait fin décembre, ou de leur soumettre de nouvelles observations lui permettant de parvenir à une "satisfaction équitable".
Selon les Témoins de Jéhovah, aucun accord n’a été trouvé et il reviendra donc à la CEDH de trancher. Le ministère des affaires étrangères, qui suit ce dossier pour le gouvernement, ne souhaite ni confirmer ni infirmer l’absence d’accord, avant d’avoir remis ses observations à la cour. L’avocat des TJ, Philippe Goni, juge pour sa part que « cette impasse sur l’indemnisation constitue un baroud d’honneur malsain » de la part du gouvernement.
Le contentieux devant la CEDH portait sur la question de savoir si les offrandes –dons manuels- devaient ou non bénéficier de l'exonération fiscale qui prévaut pour les dons et legs faits aux associations cultuelles. Après la publication du rapport parlementaire sur les sectes en 1995-reconnu depuis sans fondement juridique-, l'association avait fait l'objet de contrôles fiscaux, qui avaient débouché sur une taxation de ses dons manuels.
Après des années de procédure judiciaire, la cour européenne a reconnu dans son arrêt que l'article du code général des impôts, invoqué par le gouvernement français pour la taxation, n'était ni assez « précis » ni assez « prévisible ». Sans reconnaître de pratique discriminatoire à l'encontre des TJ, la cour a toutefois admis qu'il y a eu « ingérence dans le droit de l'association requérante à la liberté de religion » dans la mesure où les dons taxés « constituaient la source essentielle de son financement ».
La somme réclamée par le fisc s'élève aujourd'hui, avec les pénalités, à 57,5 millions d'euros. Lors du contrôle fiscal, le gouvernement avait par ailleurs saisi plus de 4,5 millions d’euros. Au vu des nouvelles observations que vont apporter les deux parties, la cour européenne devrait donc décider de l'annulation, ou non, du redressement fiscal, et de la restitution, ou non, des sommes saisies, augmentées des intérêts. La réponse pourrait prendre plusieurs mois.