La Sidra de la semaine débute par le sujet de la vache rousse, ainsi que le processus qui l’accompagnait. Une personne qui était impure pour la raison qu’elle était entrée en contact avec un mort, ne pouvait redevenir pure que par l’aspersion avec les cendres de la vache rousse. C’est ainsi que la vache rousse pouvait purifier de la mort. Il faut essayer de comprendre pourquoi. D’autre part, la Thora introduit le sujet de la vache » rousse par le verset : « Voici le décret de la Thora ». Ainsi, la vache rousse est présentée comme une loi totalement irrationnelle, dépassant la logique humaine. Selon l’expression de Rachi : « J’ai émis un décret et tu n’as pas le droit de réfléchir à son sujet ». De fait, on a affaire à une loi où l’on ignore totalement la raison.
Mais d’un autre côté, Rachi propose une explication. Au nom de Rabbi Moché Hadarchane, il explique que la vache rousse vient réparer la faute du veau d’or. En effet, la mère, la vache, vient réparer la faute de son fils, le veau. Ainsi, nous nous trouvons face à un paradoxe. D’une part, la vache rousse est totalement irrationnelle, sans raison. Mais en même temps, on nous dit qu’elle vient pour expier la faute du veau d’or.
Comment concilier ces deux idées ? Pour comprendre cela, il nous faut expliquer le sujet de la faute du veau d’or. Comment les Juifs en sont arrivés à faire le veau d’or ? C’est qu’ils voulaient avoir une représentation de la divinité. Ils voulaient appréhender le divin et pouvoir le cerner. Ainsi leur faute provenait d’une certaine volonté de comprendre, qui découlait d’un peu d’orgueil. En effet, ils refusaient d’être mis à l’écart et pensaient qu’ils étaient aptes à saisir le divin. C’est pourquoi, ils ont conçu une idole qui, selon eux, pourrait satisfaire cette volonté d’appréhender D.. L’homme, poussé par son orgueil, refuse de se soumettre et exige : « Je veux comprendre ! » Telle était leur erreur.
D’ailleurs, cette erreur était aussi celle d’Adam, le premier homme. Le serpent les séduit en disant : « Vous serez comme des dieux si vous mangez de ce fruit ». L’homme doit savoir, doit intégrer la connaissance du bien et du mal et ne doit pas s’annuler face à la Volonté de D.. Voici en quoi consistait la faute d’Adam, semblable à celle du veau d’or. C’est pourquoi, D. nous donna la Mitsva de la vache rousse. Intrinsèquement, cette Mitsva est totalement et absolument irrationnelle. Elle n’a vraiment aucune explication rationnelle. Cependant, lorsque les Juifs la mettront néanmoins en pratique, par là même, ils montreront qu’ils accomplissent l’ordre de D. de façon aveugle, même sans comprendre. Or, une telle approche de soumission et d’humilité face à la Parole de D., pouvait contrebalancer l’approche ambitieuse des Juifs, désirant tout comprendre et rationaliser, qui les conduisit au veau d’or. C’est en cela que la vache rousse répare la faute du veau d’or. L’humilité et la soumission accompagnant le respect de la vache rousse peut réparer l’orgueil et la mise en valeur de soi qui accompagnait le veau d’or. De cette façon, la mère (la vache) pouvait nettoyer la faute du fils (le veau). D’ailleurs, c’est pour cela que la purification par la vache rousse était obtenue à partir de ses cendres. C’est que les cendres évoquent l’humilité, à l’instar d’Avraham qui affirma : « Je suis poussière et cendre ». Or, ce système là convient parfaitement pour purifier de l’impureté causée par la mort. En effet, rappelons-le, la mort est la conséquence directe de la faute d’Adam. De plus, nos Maîtres disent qu’au moment du don de la Thora, la mort disparut. Elle réapparut après la faute du veau d’or. De fait, la faute d’Adam et celle du veau d’or sont les causes de la mort. Or, comme nous l’avons expliqué, l’extrême humilité accompagnant la vache rousse était apte à réparer ces deux fautes dont le point commun était le manque de soumission. S’il en est ainsi, on comprend que l’impureté de la mort se trouve purifiée par les cendres de la vache rousse.
Malgré tout, nos Sages enseignent que les Juifs ne convenaient pas à faire la faute du veau d’or. Par rapport à leur niveau, ils n’auraient pas dû commettre cette faute. Ainsi, pourquoi ont-ils trébuché ? La Guemara explique que c’était pour enseigner la Techouva au public. En effet, après la faute, les Juifs firent Techouva (se repentirent) et D. accepta cette Techouva. De fait, dans les générations futures aussi, les Juifs qui auraient fauté pourront savoir que D. accepte la Techouva. Ainsi, les Juifs se souillèrent par cette faute pour que d’autres Juifs, par la suite, puissent se purifier par la Techouva. Cet aspect là se retrouve au niveau de la vache rousse, sensée réparée la faute du veau d’or. En effet, dans le processus de purification, c’était le Cohen qui aspergeait l’impur. Or, après cette aspersion, le Cohen devenait impur, et celui qui fut aspergé, celui qui était impur, devenait pur. De fait, on retrouve un paradoxe. Le pur devenait impur pour que l’impur puisse devenir pur. Cet aspect est exactement celui que l’on trouve par rapport à la faute du veau d ‘or que la vache rousse venait réparer. Enfin, rapportons une histoire que ramène le Talmud. Un certain non Juif, du nom de Dama Ben Netina a un jour reçu la visite des Sages, venus lui acheter une pierre précieuse pour le pectorale. Celui-ci refusa de le leur vendre, car son père dormait et la clé se trouvait sous son oreiller. Alors, les Sages augmentèrent considérablement le prix, mais il refusa toujours. Lorsque son père se réveilla, il accepta de le leur vendre, mais seulement au premier prix proposé, pour ne pas profiter du respect des parents. Pour le récompenser, D. fit naître dans son troupeau une vache rousse. Alors, les Sages vinrent chez lui la lui acheter. Ils l’achetèrent à un prix très élevé, celui que Dama avait « renoncé » pour le respect de son père. Mais on peut se demander pourquoi sa récompense pour le respect des parents se traduisit justement par l’obtention d’une vache rousse. En fait, le respect démesuré de Dama pour son père, éveilla une grande accusation au Ciel, à l’encontre des Juifs. En effet, il fut avéré qu’un simple non Juif respectait mieux son père que beaucoup de Juifs. Ils fut même prêt à renoncer à beaucoup d’argent. Pour faire taire ces accusations, D. fit naître une vache rousse dans son troupeau. Ainsi, les Sages viendraient l’acheter au prix fort. Ainsi, l’Eternel voulait prouver qu’il est vrai que le non Juif investissait beaucoup dans le respect des parents. Mais finalement, cette Mitsva est d’ordre rationnelle. Mais les Juifs sont prêts, eux aussi, à investir beaucoup d’argent. Seulement, eux le feraient même pour une Mitsva totalement irrationnelle, telle que la vache rousse. Ainsi, il fut possible de dissiper ces accusations. Dans la Thora, l’annonce de la Mitsva de la vache rousse n’est pas : « Voici le décret de la vache rousse », mais plutôt, « voici le décret de la Thora ». Cela pour montrer que le respect de toute la Thora doit être à l’image de celui de la vache rousse. Ainsi, il faut respecter toutes les Mitsvot avec fidélité et humilité, avec une confiance totale en D., et ne pas trop chercher à vouloir tout comprendre, car les Pensées de D. ne sont pas comme celles de l’homme.