Située sur un affluent de l'Euphrate, Harrâ était une des plus importantes cités de la Djezireh. Le site en était antique: on y a découvert des stèles, en caractères cunéiformes, du dernier roi babylonien Nabonide (Vème siècle avt. J-C). Au milieu du sixième siècle, le "paganisme" était encore majoritaire ans un certain nombre de cités ou de cantons de Haute-Mésopotamie. C'était le cas de Harrân, en dépit d'une solide implantation chrétienne de type monastique depuis le quatrième siècle. Sans doute était-ce encore la situation au temps de la conquête arabe. La littérature hagiographique syriaque nous parle aussi d'un Siméon des Olivers, évêque monophysite de Harrân en 700 qui travaillait à convertir les Manichéens, les Païens et les Juifs de la cité et de ses environs.
Selon le géographe Yaqût, "Harrân était le lieu ou étaient établis les Sabéens: il s'agit des Harraniens dont parlent les auteurs d'ouvrages sur les religions et les sectes". On s'est beaucoup interrogé sur les Sabéens de Harrân, dont certains chercheurs estiment qu'on doit les distinguer des Sabéens mentionnés dans le Coran (2:62 et 5:69) dans une liste d'origine incertaine. On a vu dans les Harraniens soit une secte gnostique, soit plutôt les représentants, non pas tant d'une véritable école philosophique de métier que d'un courant intellectuel utilisant les philosophes, en particulier Platon.
Au dixième siècle, le géographe Masûdî disait avoir "vu à Harrân, sur le marteau de la porte du lieu de réunion des Sabéens, une inscription en caractères syriaques, tirée de Platon qui dit: "Celui qui connaît sa nature devient dieu"".
Les Sabéens seront dans la civilisation de l'islam classique des représentants et des propagateurs des traditions médicales antiques. Ils sont également connus comme d'importants prosélytes de leur doctrine, jusqu'à ce que des auteurs musulmans en confèrent le sens étymologique à sabéen et en cohérence avec cette appellation donnée aux premiers Musulmans par les Mecquois (vu au post précédent). Pour illustrer cela, prenons l'exemple d'Umar alors calife avait renforcé cette tradition en transférant d'Alexandrie à Harrân une école de médecine.Marwan II, dernier calife omeyyade en fera sa capitale.
L'un des plus célèbres sabéens de cette citée, Thâbit Ibn Qurra sera célèbre comme mathématicien et astronom et traduira en arabe bon nombre de manuscrits grecs.