Methernita
Association spirituelle ou entreprise plutôt lucrative ?
(BULLES, 1er trimestre 1992)
L'association indépendante Methernita (nom créé de toutes pièces) a été fondée le 24 janvier 1960 à Moosbuhl-Linden, dans le canton de Berne, en Suisse alémanique, par Paul Baumann, né le 30 novembre 1917 dans une pauvre famille paysanne, adhérant à un groupe laïc et anticlérical fondé lui-même en 1913 par Fritz Berger.
Paul Baumann est épileptique, à demi analphabète, mis en tutelle, loué, déclaré inapte au service militaire suisse, mais il se révèle par ailleurs bricoleur doué, plein de ruse et d'imagination, doté d'une sensualité effrénée. Ses premiers sympathisants remarquent ses connaissances en hypnose, télépathie et psychose collective...
Paul Baumann s'est marié en 1954 avec Véréna Baumgarten, de Linden, dont il a eu un fils en 1959. En 1953, il avait rencontré D. Wolfer qui sera l'une de ses premières victimes et quittera la secte vingt ans plus tard. Celui-ci en dénoncera alors la nocivité lors du procès intenté à Paul Baumann pour attentat aux mœurs sur des mineures de douze ans. Baumann faisait lui-même leur toilette sous le prétexte de les " laver spirituellement " ce qui lui valut 566 jours de détention.
Une initiation en trois étapes
Une affaire qui marche
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Une initiation en trois étapes
Si Methernita se prétend fondée au nom de Dieu tout-puissant et basée - sur la vérité éternelle des Saintes Écritures - et une certaine fraternité divine, il n'en reste pas moins que son enseignement est fait d'ésotérisme chrétien, bouddhiste, hindouiste mixé avec la bioénergie et divers autres concepts.
Leitmotiv : l'enfer. Il est partout sauf à Methernita, dernier des paradis terrestres. C'est pourquoi la famille qui manifeste son désaccord est considérée comme satanique. Un grand-père qui n'appartient pas à Methernita ne peut pas embrasser son petit-fils de cinq ans parce qu'il lui " pompe son énergie " !
Methernita enseigne que l'adepte doit franchir trois échelons avant d'atteindre le " nirvana " :
Premier cercle : l'adepte vit à l'extérieur, signe un engagement, paie une cotisation pouvant aller jusqu'à 4.000 francs suisses, reçoit une médaille dorée recouverte de signes que le porteur ne peut expliquer et qu'il ne doit ni montrer ni laisser toucher. Il est obligé chaque année d'effectuer au minimum trois séjours à Methernita et de faire du prosélytisme. C'est grâce à ceux du premier cercle que le nombre des adeptes est en constante progression.
Deuxième cercle : il comprend les adeptes qui vivent sur place. Ils sont la cheville ouvrière des nombreuses entreprises de Methernita. Ils sont nourris, logés, payés 50 FS (soit environ 200 FF) par mois, quel que soit leur degré d'aptitude. Ces personnes n'ont aucun contact avec l'extérieur, pas même avec les gens du village de Linden. Les seules visites qu'ils reçoivent sont celles des adeptes du premier cercle qui viennent effectuer leur séjour obligatoire mais le silence étant de rigueur, ils ne peuvent converser plus de trois minutes avec un compagnon.
Les repas, frugaux, les jeux des enfants, tout est silencieux. On pourrait se croire revenu au temps du cinéma muet en regardant une partie de ballon à Methernita !
Lorsqu'on parle à Methernita, c'est par le biais de la télévision. En fait, on n'y reçoit pas les programmes officiels : Paul Baumann et Gilbert Guerne, son adjoint français qui enseigne la spiritualité aux nouveaux adeptes, diffusent leur propre programme en allemand.
Methernita possède en propre un hôpital dans lequel médecins et chirurgiens français viennent exercer, une école, une maison de retraite, une maison de cure, un camp de vacances... et fabrique son électricité.
Il est absolument interdit de parler sexe, de fumer, de boire de l'alcool, de poursuivre des plaisirs mondains, de lire les journaux, d'écouter la radio, de participer à des compétitions sportives, etc.
Le repliement sur soi-même est imposé par les " commandements suprêmes ", les lois de la secte. Le groupe devient la vraie famille de l'adepte.
Troisième cercle : il comprend les initiés qui seuls ont le droit de se rendre au " temple " et qui assujettissent les adeptes de manière confessionnelle.
Une affaire qui marche
Malgré la condamnation de Baumann, Methernita est une affaire qui marche grâce à un ex-pharmacien français, Gilbert Guerne, radié du tableau de la section G de l'ordre national des pharmaciens depuis le 29 septembre 1977. La communauté de Methernita contrôle des entreprises en Suisse dans le canton d'Appenzell, en Autriche, en Italie, aux USA. On peut notamment citer l'hôtel de cure Mayolina Park , à Beatenberg, où Gilbert Guerne propose de faire prendre conscience des problèmes de santé par des films, séminaires et conversations individuelles... Le recrutement en France se fait essentiellement par le bouche à oreille et par un réseau bien organisé de médecins et de professionnels du paramédical.
Cette note documentaire a été établie par l'ADFI de Lyon.