La religion, loin de s’opposer à cette conservation de l’hier, vient ajouter son poids d’autorité à la tradition. Elle donne au pouvoir une valeur sacrée : elle enseigne que tout pouvoir vient de Dieu et non des hommes. Attenter à la tradition, c'est attenter à un ordre sacré, attenter à la personne du souverain est un blasphème. Le souverain traditionnel concentre sur sa personne le pouvoir politique auréolé du prestige du culte. Aux yeux des individus en société, il est beaucoup plus qu’un homme. Il incarne un pouvoir divin et c’est cette aura de pouvoir sacré qui le rend respectable. Et non pas la seule contrainte qu'il exerce. Le rapport du sujet au souverain est teinté d’une crainte superstitieuse, mais aussi d'un respect du sacré. On attribue au souverain des pouvoirs magiques, comme on les attribue aux prophètes religieux. La religion rassure les peuples, elle conforte les hiérarchies établies, elle le fait si bien qu'elle tend à faire de l’ordre établi un ordre sacré, qui ne saurait être changé sous peine de profanation. Comme dans les sociétés traditionnelles, la distinction entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel n’est pas faite, le souverain cumule en lui-même les deux pouvoirs. Il est regardé comme un chef et le représentant de Dieu sur terre. La tradition est le facteur social de légitimation du pouvoir. Notons que la tradition n’implique pas en fait tel ou tel régime en particulier, mais avant tout la confiance et l’attachement d’un peuple à un système traditionnel. A notre époque, en occident, cette forme de pouvoir ne semble plus au premier plan, comme c’est le cas dans d’autres continents. Il n’en reste pas moins que la puissance de la tradition est considérable. Elle est tout à la fois la préservation d'un passé et une continuité au sein du changement, tout en ayant aussi le caractère de maintenir un carcan rigide qui fait perdurer des pratiques parfois moralement discutables. La rigidité des traditions et leur corruption appellent la nécessité des révolutions.
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