21/04/2014 à 12:46 AFP Portail Orange
Birmanie: Win Tin, figure de la lutte pour la démocratie, est décédéWin Tin, cofondateur avec Aung San Suu Kyi de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), parti historique de l'opposition birmane, est décédé lundi à l'âge de 84 ans, sans jamais abandonner sa lutte pour la démocratie malgré 19 années en prison.
L'ancien journaliste, dont l'état de santé s'était détérioré ces dernières semaines, est mort dans un hôpital de Rangoun, a annoncé Nyan Win, porte-parole de la LND. Les funérailles auront lieu mercredi.
"Nous sommes tellement tristes de l'avoir perdu", a commenté son assistant, Yar Zar.
"Mais nous avons beaucoup de chose à faire. Nous allons continuer à faire ce qu'il avait demandé, et nous suivrons son chemin vers la démocratie", a-t-il ajouté, soulignant que Win Tin avait jusqu'à la fin affirmé son soutien à la chef de l'opposition, Aung San Suu Kyi.
"Nous avons perdu quelqu'un de précieux", a renchéri la députée de la LND Khin San Hlaing, lors d'un hommage dans une église de Rangoun à laquelle assistaient des dizaines de personnes.
En 1988, au moins 3.000 personnes sont tuées lors de la répression par la junte d'un soulèvement populaire et Win Tin participe à la création de la LND, avec notamment la prix Nobel de la paix.
L'année suivante, il est arrêté et passera 19 années emprisonné, devenant le prisonnier politique birman ayant passé le plus de temps derrière les barreaux.
Au lendemain de sa libération en septembre 2008, dans le cadre d'une amnistie, il raconte les tortures qu'il a subies et ses années en isolement.
Mais il continue malgré sa lutte pour la démocratie et pour la libération de tous les prisonniers politiques. Il était notamment toujours vêtu en leur hommage d'une chemise bleue, uniforme des détenus.
La junte au pouvoir pendant près d'un demi-siècle s'est autodissoute en mars 2011, transférant ses pouvoirs à un régime quasi civil qui a depuis entraîné la Birmanie dans un tourbillon de réformes, permettant la levée de presque toutes les sanctions occidentales.
- De journaliste à opposant à la junte -
Le gouvernement du président Thein Sein a notamment permis le retour au sein du jeu politique de Suu Kyi, libérée de résidence surveillée fin 2010 et élue députée en 2012 à la faveur de législatives partielles.
Il a également libéré des centaines de prisonniers politiques, assurant même fin 2013 n'en avoir plus aucun derrière les barreaux.
Mais cette annonce avait été accueillie avec scepticisme par certains défenseurs des droits de l'Homme qui accusent également les autorités de continuer emprisonner des militants, notamment pour manifester sans autorisation.
Quelques années après l'indépendance de la Birmanie, Win Tin commence sa carrière en tant que journaliste, entrant en 1951 au bureau de l'Agence France-Presse à Rangoun.
Il y reste trois ans, jusqu'à ce qu'il trouve une opportunité aux Pays-Bas où il s'installera trois ans.
En 1962, le coup d'Etat de Ne Win fait plonger la Birmanie vers la tyrannie.
"La raison pour laquelle je suis entré en politique, c'est la pression exercée par les gouvernements militaires", racontait le militant l'an dernier, en recevant l'AFP dans une petite dépendance de sa maison bourgeoise et décatie du centre de Rangoun.
"Ils faisaient pression sur nous. Ils saisissaient des journaux et des maisons d'édition. Comme j'avais beaucoup de contacts en politique, j'y suis entré", expliquait encore le vieil homme à l'épaisse chevelure blanche et aux larges lunettes.
Et s'il a maintenu son soutien à Suu Kyi, la décrivant comme "l'âme de la démocratie birmane", il regrettait que nul ne s'aventure à la critiquer. "La seule dissidence vient de moi", disait-il en riant.
Il martelait à qui voulait l'entendre que le pays, malgré les réformes, avait toujours besoin d'une véritable opposition. "Nous ne devons pas oublier que nous sommes dans l'opposition", insistait-il, alors que la chef de l'opposition a pris le parti de collaborer avec ses ennemis d'hier.
Suu Kyi, dont le parti fait figure de favori pour les législatives de 2015, réclame sans relâche une réforme de la Constitution, qui octroie un pouvoir immense aux militaires et qui l'empêche de devenir présidente.