Sarkozy en garde à vue. Une première pour un ex-chef de l'Etat
1 juillet 2014 à 21h49
Nicolas Sarkozy a été entendu en garde à vue ce mardi à l'office anti-corruption de la PJ dans une enquête pour trafic d'influence, une première pour un ancien chef de l'Etat, au moment où son retour politique devient de plus en plus probable.
L'ex-président est arrivé peu avant 8h dans une voiture noire aux vitres teintées dans le parking de la direction centrale de la police judiciaire à Nanterre (DCPJ), dans la banlieue ouest de Paris, non loin de son ancien fief de Neuilly-sur-Seine. Il y était toujours à 20 h 30.
Cette garde à vue intervient au moment où les rumeurs sur sa volonté de prendre à l'automne la tête de l'UMP se font de plus en plus précises. Si quelques sarkozystes avaient dénoncé dans la journée ce placement en garde à vue, aucun ténor de droite n'était monté au créneau pour le défendre.
Dans cette procédure, trois autres personnes avaient été placées en garde à vue lundi: l'avocat historique de Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog, et deux magistrats de la Cour de cassation, Patrick Sassoust et Gilbert Azibert. Ce dernier a, selon une source proche du dossier, été déféré mardi en début de soirée en vue de sa présentation aux juges menant l'enquête. Ces magistrats cherchent à établir si l'ancien chef de l'Etat (2007-2012) a essayé d'obtenir des informations couvertes par le secret auprès de M. Azibert sur une décision de justice le concernant, en échange de la promesse d'une intervention pour un poste de prestige à Monaco. La Cour de cassation devait alors se prononcer sur la saisie dans l'affaire Bettencourt des agendas de Nicolas Sarkozy, susceptibles d'intéresser les juges enquêtant sur d'autres dossiers, notamment l'affaire de l'arbitrage Tapie. Dans le dossier Bettencourt, Nicolas Sarkozy avait été mis en examen avant de bénéficier d'un non-lieu.
Jusqu'à 24 h de garde à vue
Dans le dossier qui lui vaut d'être placé en garde à vue, les policiers de l'office anti-corruption (Oclciff) peuvent l'entendre pendant une durée pouvant aller jusqu'à 24 heures, éventuellement renouvelable une fois. A l'issue de cette mesure coercitive, le chef de l'Etat peut être relâché sans poursuites ou présenté aux juges qui peuvent le mettre en examen, comme les autres mis en cause.
L'avocat de Gilbert Azibert, Me José Allegrini, avait dans la journée confié s'attendre à cette issue pour son client: "Je ne la crains pas mais je la pronostique", "au regard de tout le tintamarre organisé".
Autre soupçon qui pèse sur Nicolas Sarkozy: avoir été informé de manière illicite de son placement sur écoute par des juges enquêtant sur les accusations, pour l'heure non étayées, d'un financement par la Libye de Mouammar Kadhafi de sa campagne victorieuse de 2007.
Obstacles judiciaires
L'affaire est née au printemps 2013. Plusieurs proches de Nicolas Sarkozy ont été placés sur écoute dans l'enquête libyenne : Claude Guéant, Brice Hortefeux, mais aussi Michel Gaudin, ancien patron de la police nationale et ex-préfet de police de Paris. Ce dernier, qui est devenu son directeur de cabinet après la défaite de 2012, entretient plusieurs conversations qui interpellent les enquêteurs. Il semble vouloir, en vain, se renseigner sur l'enquête libyenne auprès du patron du renseignement intérieur, Patrick Calvar.
Les juges décident de placer à son tour l'ex-président de la République sur écoute, en particulier le téléphone qu'il utilise sous l'identité d'emprunt de Paul Bismuth pour converser avec Me Herzog. Or, des échanges entre les deux hommes peuvent laisser croire qu'ils ont cherché à obtenir des informations confidentielles auprès de Gilbert Azibert.
Les obstacles judiciaires se multiplient sur la route d'un retour de Nicolas Sarkozy en politique. Outre les dossiers de financement libyen et de trafic d'influence présumés, le parquet de Paris a confié à des juges financiers une enquête sur le financement de la campagne de 2012 de Nicolas Sarkozy. Ses meetings semblent avoir été en grande partie financés par l'UMP afin de masquer un dépassement du plafond des dépenses de campagne autorisé par la loi.
Dans l'arbitrage Tapie, Claude Guéant a été placé en garde à vue, tout comme dans le dossier des primes qu'il a perçues quand il était directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy à l'Intérieur. Michel Gaudin a également été placé en garde à vue dans ce dossier des primes.