AFP 15-10-2014 - 20:38
France Télévisions poursuivie par un prêtre rwandais pour un reportage sur le génocide
France Télévisions et les producteurs de l'émission "Pièces à conviction" de France 3 ont comparu mercredi à Paris accusés d'avoir porté "atteinte à la présomption d'innocence" du prêtre rwandais Wenceslas Munyeshyaka, dans un reportage sur le génocide tutsi.
L'ancien curé de l'église de la Sainte-Famille de Kigali est le premier Rwandais résidant en France contre lequel une plainte avait été déposée, en juillet 1995, pour son implication présumée dans le génocide des Tutsi.
Condamné par contumace à la perpétuité en 2006 par un tribunal militaire rwandais, il a été accusé de génocide, viol, extermination, assassinat et crime contre l'humanité devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) avant d'être mis en examen pour "génocide" le 28 juillet 1995 en France.
Placé sous contrôle judiciaire, il officie aujourd'hui en Normandie, à l'église de Gisors (Eure), en attendant la fin de l'instruction de son dossier et la tenue d'un éventuel procès.
Ses avocats, Jean-Yves Dupeux et Florence Bourg, reprochent à France Télévisions et aux sociétés "Turbulences-Prod" et "Point du jour", coproductrices du magazine "Pièces à conviction", d'avoir présenté leur client "comme coupable avant toute condamnation" dans un reportage, intitulé "Rwanda, des prêtres accusés", diffusé le 13 avril sur France 3.
Leurs contestations portent sur cinq passages de l'émission qui, selon eux, induisent "des conclusions définitives" tenant pour acquise sa "culpabilité".
Ils réclament 30.000 euros de dommages et intérêts, le retrait de l'émission d'internet et la publication du jugement dans la prochaine édition du magazine et dans deux journaux.
"Quand on sort des vingt minutes de ce documentaire, on a la certitude qu'il est coupable de génocide", a expliqué à l'audience Me Jean-Yves Dupeux.
Sa consoeur, Me Florence Bourg, a critiqué l'absence d'emploi du conditionnel par les journalistes qui, selon elle, ont accrédité dans leurs commentaires la thèse défendue par trois témoins à charge qu'ils ont interviewés.
"Les journalistes ont joué leur rôle d'information du public en rappelant les faits et en les mettant en perspective", a plaidé Me Virginie Lapp, avocat de la société Point du jour.
"Il n'est pas interdit de rendre compte d'une affaire judiciaire en cours", a rappelé Me Jérémie Boulay, avocat de "Turbulences-Prod, qui voit dans l'action du prêtre une forme de "révisionnisme judiciaire" destinée à obtenir une décision de justice favorable dans son dossier.
"Les journalistes n'ont pas d'obligation d'objectivité, on leur demande d'être prudents, sérieux et honnêtes, ce qui a été le cas dans ce documentaire précis et fouillé", a fait valoir l'avocat de France télévisions, Me Louis-Marie de Roux. Le jugement a été mis en délibéré au 26 novembre.