L’Iran en pointe dans la guerre contre l’Etat islamique en Irak
LE MONDE | 03.12.2014 à 17h54 • Mis à jour le 03.12.2014 à 21h33 |
Il y a encore six mois, personne ou presque ne savait à quoi ressemblait Ghassem Soleimani, le chef de la force Al-Qods, la troupe d’élite iranienne chargée des opérations extérieures. Puis, de rares images ont commencé à circuler, montrant un homme d’une cinquantaine d’années, la barbe poivre et sel, écoutant avec attention les discours officiels du guide suprême, Ali Khamenei. Et mi-octobre, « le commandant Soleimani » a même fait la Une de la presse en Iran où il est aujourd’hui présenté, sans réserve, comme « le héros national » qui mène le combat de l’Iran contre l’Etat islamique en Irak (l’EI). Depuis cet été, cet officier dirige sur place les quelques centaines de miliciens chiites engagés au sol aux côtés de l’armée irakienne pour lutter contre les djihadistes.
Si l’Iran chiite a commencé à mettre en scène le rôle joué par Ghassem Soleimani en Irak, c’est parce que Téhéran ne voit pas d’inconvénient à assumer et à reconnaître son implication militaire en Irak contre les forces sunnites de l’Etat islamique. Et même, il s’en vante. C’est d’ailleurs pourquoi les Iraniens n’ont même pas nié ce que le porte-parole du Pentagone a qualifié, mardi 2 décembre depuis Washington, de « raids aériens avec des avions F-4 Phantom » en Irak.
« Aujourd’hui, le peuple irakien se bat contre les terroristes et les étrangers aux côtés de son gouvernement et des forces volontaires », a expliqué mercredi le vice-commandant en chef des forces armées iraniennes, Seyed Masoud Jazayeri, sans donner plus de détails sur les forces impliquées. Une formulation ambiguë qui peut faire référence aussi bien aux milices chiites irakiennes qu’à la force Al-Qods. « La République islamique d’Iran tient pour responsables les Etats-Unis pour les problèmes en Irak et les agissements terroristes de Daech [l’acronyme arabe de l’EI] », a-t-il ajouté pour écarter toute rumeur sur la collaboration de l’Iran avec Washington.
A la demande de Bagdad
Si des militaires iraniens sont aujourd’hui présents en Irak, c’est à la demande des autorités de Bagdad, à en croire des responsables irakiens et kurdes. « Nous n’avons aucune peur de dire que nous avons sollicité notre voisin, l’Iran, dans la guerre contre Daech », avait expliqué le ministre irakien des affaires étrangères, Ibrahim Al-Jaafari, en octobre dernier, pour justifier la présence de militaires iraniens.
Massoud Barzani, leader du Kurdistan autonome d’Irak et chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), est allé encore plus loin en confirmant que Téhéran était « parmi les premiers pays à avoir envoyé des armes aux combattants kurdes ». Cette précision, donnée lors d’une conférence de presse avec le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif à Erbil en août, n’a pas été démentie par ce dernier. Le chef de la diplomatie iranienne s’est même félicité que l’Iran « ait rempli ses engagements », contrairement aux « Occidentaux qui promettent des choses sans les faire ».
Pas d’association avec les Etats-Unis
Téhéran n’a de cesse de souligner l’importance du rôle des militaires iraniens et l’incapacité de la coalition montée par les Américains dans la lutte contre les djihadistes de l’EI. D’où les longs reportages et analyses publiés dans les journaux conservateurs iraniens sur la reprise d’Amerli (ville irakienne, située à 160 kilomètres au nord de Bagdad) en août, et sur celle de Jurf Al-Sakhr (50 km au sud de Bagdad) en octobre. Des victoires rendues toutes possibles « grâce aux forces [iraniennes] d’Al-Qods », selon la presse conservatrice, et malgré « l’inefficacité » des opérations menées par la coalition.
L’engagement de l’Iran en Irak ne date pas de la guerre contre l’Etat islamique, lancée en juin 2014. Après la chute de son ennemi juré, Saddam Hussein, en 2003, Téhéran n’a cessé d’avancer ses pions en Irak, sans même attendre le départ des troupes américaines en 2011. L’ex-premier ministre chiite Nouri Al-Maliki a été notamment élu, en 2006, et reconduit, en 2010, à son poste grâce au soutien de Téhéran. Pour garantir ses intérêts, dès lors que la situation de M. Maliki devenait intenable, Téhéran a lâché ce dernier pour soutenir la nomination de son successeur, Haïdar Al-Abidi, en août.
Rester actif en Irak contre les djihadistes sunnites est d’autant plus primordial pour l’Iran qu’il veut éviter tout risque de contagion sur son territoire. Ce souci est partagé par un grand nombre d’Iraniens pour qui les plaies des huit années de guerre (1980-1988) avec l’Irak sont toujours ouvertes.
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