Les trois combats du dalaï lama, selon le moi
ne Matthieu RicardLe 14e dalaï lama, 81 ans, ne se préoccupe plus de politique mais a toujours soif de s'exprimer sur la "promotion des valeurs humaines", "l'harmonie avec les religions" et le "dialogue avec les sciences", souligne le moine bouddhiste Matthieu Ricard dans un entretien avec l'AFP.
Par Philippe Dezempte
Publié le 08 septembre 2016 à 07:57, mis à jour le 08 septembre 2016 à 08:
Ce Français proche du chef spirituel des Tibétains sera son interprète lors de sa visite à Paris puis Strasbourg du 12 au 18 septembre.
Question: Quels sont les enjeux de la visite du dalaï lama en France, sa première depuis cinq ans, et le message qu'il compte y transmettre ?
Réponse: Le dalaï lama parle tout le temps de non-violence, mais pas dans le sens d'une non-violence passive, "paillasson". C'est chez lui une notion très active de protection, de respect vis-à-vis des êtres humains, des animaux et de l'environnement. Son grand thème c'est la "responsabilité universelle", la compassion et ce qu'il appelle l'éthique séculière, qui ne s'exerce pas contre mais indépendamment des religions. Il estime que c'est une grande erreur de lier à la religion la compassion et l'altruisme, au risque qu'une partie de l'humanité ne cultive pas ces valeurs. Cela fait déjà cinq ans qu'il est complètement retiré de la vie politique. Maintenant il s'occupe principalement de trois sujets: promouvoir les valeurs humaines, promouvoir l'harmonie entre les religions, poursuivre le dialogue avec la science. S'il parle du Tibet, c'est en tant que figure morale, plus comme homme politique.
Q: Que pensez-vous du discours parfois critique tenu à son propos en France, notamment dans la gauche laïque, contre la "théocratie" tibétaine ?
R: Le dalaï lama se dit homme de gauche, "moitié bouddhiste moitié marxiste", ce qui fait tiquer beaucoup de gens... Il a été le premier à reconnaître que la période tibétaine d'avant l'invasion chinoise (1950) était loin d'être idéale. Dès qu'il est arrivé en Inde (à Dharamsala, en 1959), il a organisé un petit gouvernement en exil, avec des élections. C'est faire preuve de mauvaise foi et d'"inconnaissance" que d'affirmer qu'il voudrait rétablir une théocratie au Tibet, il a toujours été un champion de la démocratie !
Q: Qu'en est-il de sa réflexion sur sa succession ?
R: Différents scénarios sont sur la table, mais lui ne veut pas influencer le processus. Il a toujours fait valoir que la succession des dalaï lamas datait du XIVe siècle - donc elle n'existe pas depuis toujours - et qu'il revenait aux Tibétains de décider démocratiquement s'ils voulaient qu'elle se poursuive ou non. Mais il n'a jamais dit qu'il serait le dernier dalaï lama. Si on décide que ça continue, il y a trois possibilités. Soit opter pour la méthode traditionnelle en trouvant un jeune enfant qui dit être la réincarnation du précédent. Nommer un senior comme on fait pour élire un pape. Le dalaï lama peut aussi former un jeune en en faisant son successeur de son vivant, ce qui n'a pas l'air d'être le cas, à moins que ce soit secret... Tout cela est possible. Le dalaï lama a confié un jour à un journaliste: je déciderai pour de bon quand j'aurai 95 ans ! C'était une boutade. Il a aussi indiqué que, l'âge à venir étant celui de l'altruisme et de la compassion, si une femme était mieux à même de remplir ce rôle, il devrait en être ainsi.
Le dalai lama sera présent à Strasbourg à partir du 14 septembre. Le Prix Nobel de la paix en 1989 doit rencontrer des jeunes le jeudi 15 puis se rendra à l'université de Strasbourg le vendredi 16.
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