Merkel se tourne vers l'Afrique pour répondre à la crise migratoire
AFP, publié le vendredi 14 octobre 2016 à 17h52
Migrations: Mme Merkel doit encore convaincre Bruxelles du bien fondé d'un pacte migratoire avec l'Afrique, ce qui est loin d'être gagné
La chancelière allemande Angela Merkel a bouclé vendredi une semaine diplomatique largement consacrée à l'Afrique afin d'endiguer le flux vers l'Europe de candidats à l'asile fuyant un continent ravagé par les conflits et la pauvreté.
En conclusion de ce marathon diplomatique, Mme Merkel a reçu vendredi le président nigérian Muhammadu Buhari, après avoir accueilli mercredi le dirigeant tchadien Idriss Déby. La veille, elle avait achevé un tournée au Mali, au Niger et en Ethiopie, siège de l'Union Africaine.
Alors que l'Allemagne, première économie européenne, demeure la destination privilégiée pour les demandeurs d'asile en particulier syriens et irakiens, la dirigeante plaide pour une aide accrue pour plusieurs pays africains.
L'objectif : endiguer le flux des migrants fuyant misère et conflits. Depuis le début de l'année, plus de 300.000 ont ainsi traversé la Méditerranée, dont la plupart originaires d'Afrique sub-saharienne, selon l'ONU.
L'enjeu est important pour la dirigeante: en perte de vitesse en raison de sa politique sur les réfugiés jugée trop généreuse, Angela Merkel a esquissé un mea culpa, estimant que l'Europe, Allemagne en tête, avait tardé à réaliser l'ampleur de la crise migratoire mondiale.
- Tarir le flux -
Pour tarir le flux depuis l'Afrique, elle milite pour des accords calqués sur celui conclu en mars entre l'UE et la Turquie : en échange d'une aide de trois milliards d'euros, Ankara a verrouillé les départs de migrants vers la Grèce.
Un accord similaire "doit être conclu avant tout avec l'Égypte, mais aussi avec d'autres pays africains", avait dit Mme Merkel en septembre.
L'Allemagne a accueilli en 2015 quelque 890.000 migrants alors que l'essentiel de l'Europe leur fermait la porte. La plupart sont venus de Syrie ou d'Afghanistan mais aussi d'Érythrée (13.000) ou du Nigeria (10.000), pays riche en pétrole mais aux prises, comme le Cameroun, le Niger et le Tchad, avec la rébellion jihadiste de Boko Haram.
Mais lors de sa tournée africaine, Mme Merkel a mis en garde les candidats à l'asile contre les dangers qui les attendent: "Beaucoup trop de gens sont déjà morts en Méditerranée".
"Souvent, les jeunes en route vers l'Europe ont des idées totalement fausses sur l'Europe. Ils s'embarquent dans un voyage au péril de leur vie sans savoir ce qui les attend ou même s'ils pourront rester".
Et devant le président nigérian, Mme Merkel a tenu à souligner que les migrants économiques n'avaient aucune chance de rester. "En Allemagne, nous avons dit que nous voulons accueillir les gens qui fuient la guerre et la répression (...) mais pour les Nigérians, seuls 8% obtiennent (le statut de réfugié). Ca veut dire que nous devons partir du principe qu'ils viennent pour des raisons économiques".
- Pacte migratoire -
Son ministre de l'Intérieur, Thomas de Maizière, a, lui, plaidé jeudi pour que les migrants sauvés en Méditerranée soient "ramenées dans des installations d'hébergement sûres en Afrique du Nord".
Enfin, pour la chancelière, le vrai enjeu est la stabilisation des pays africains, l'un des thèmes abordés lors du sommet UE-Afrique l'an passé.
Il est important que l'Afrique ne perde pas "ses esprits les plus brillants", indispensables au développement du continent, avait-elle insisté au Mali.
En 2017, l'Allemagne, qui va assurer la présidence du G20, va aussi accueillir un sommet sur les investissements en Afrique, a-t-elle dit.
Mais au Niger, principal pays de transit pour les migrants, Berlin n'a promis que 10 millions d'euros d'aide militaire et 17 millions pour le développement, une enveloppe très modeste comparée au "plan Marshall" réclamée à l'UE par le président Mahamadou Issoufou.
Dès lors, "le voyage de Merkel était avant tout un message envoyé aux opinions européenne et allemande pour dire +nous agissons activement pour réduire le flux+", analyse Annette Weber, de l'Institut allemand pour les affaires internationales et la sécurité.
Et Mme Merkel doit encore convaincre Bruxelles du bien-fondé d'un pacte migratoire avec l'Afrique, ce qui est loin d'être gagné : selon l'hebdomadaire Der Spiegel, le commissaire à l'Élargissement, Johannes Hahn, a déjà exprimé des réticences.
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