Évêques de France à Lourdes : « N’est-ce pas Dieu qui a choisi de nous envoyer moins de prêtres ? »Bruno Bouvet (à Lourdes), le 04/11/2016 à 17h16
Mis à jour le 04/11/2016 à 17h56
Au premier jour de leur Assemblée plénière à Lourdes, vendredi 4 novembre, marquée par l’absence du président de la conférence épiscopale, Mgr Georges Pontier, empêché pour raisons de santé, les évêques de France ont abordé la question sensible des vocations sacerdotales diocésaines.
Les évêques réunis dans la basilique du Rosaire à Lourdes vendredi 4 novembre 2016. / Conférence des évêques de France
L’attentat de Nice, l’assassinat du P. Hamel… Moins de quatre mois après ces deux drames, qui ont endeuillé la communauté nationale et touché tout particulièrement les catholiques, en ce qui concerne la mort du prêtre de Saint-Étienne du Rouvray, les évêques français se sont retrouvés, vendredi 4 novembre, au premier jour de leur Assemblée plénière qui se tient à Lourdes jusqu’au mercredi 9 novembre.
Ils n’ont pas manqué d’évoquer ces deux événements tragiques lors de la séance de « questions d’actualité » qui inaugure toujours leurs travaux, après le traditionnel discours d’ouverture. Or, nul discours d’ouverture cette année, en l’absence du président de la conférence des évêques de France, Mgr Georges Pontier, l’archevêque de Marseille devant observer une période de repos après avoir subi un malaise le 21 octobre.
Ressenti un manque
« Nous avons ressenti un manque », reconnaît un évêque, « car généralement, le discours d’ouverture nous offre un canevas, un support de discussion qui nous donne l’occasion de réagir ».
En la circonstance, c’est Mgr Pascal Delannoy, évêque de Saint-Denis, vice-président de la conférence des évêques de France et dirigeant les débats en l’absence du président, qui a ouvert les échanges en citant les attentats de Nice et de Saint-Étienne du Rouvray mais aussi la publication récente du livre du conseil permanent de la CEF « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique ».
En l’occurrence, ce sont surtout les attentats qui ont alimenté la réflexion des évêques. « Nous nous sommes interrogés sur les mots que nous pouvions trouver pour apaiser le climat », raconte l’un d’eux, touché par les paroles que lui a adressées le préfet dans son diocèse, saluant l’attitude de l’Église dans ces moments-là.
La volonté de surmonter « l’angoisse, mauvaise conseillère »
Après cette entrée en matière, les évêques ont abordé, au cours de l’après-midi, l’un des thèmes inscrits au programme de leur assemblée d’automne : « L’éveil des vocations des prêtres diocésains ». « Ne laissons pas planer au-dessus de notre assemblée le nuage toxique de l’angoisse vocationnelle », a dit d’emblée Mgr Denis Moutel, évêque de Saint-Brieuc et président du conseil pour la pastorale des enfants et des jeunes, en référence à la baisse constante du nombre d’ordinations de prêtres en France.
On a senti chez les trois évêques appelés à intervenir à la tribune – Mgr Jean-Marc Eychenne, évêque de Pamiers, Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon et Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille – la volonté de surmonter « l’angoisse, mauvaise conseillère », pour tenter de changer la perspective sur une situation généralement présentée comme catastrophique et inéluctable.
« N’est-ce pas Dieu qui a choisi de nous envoyer moins de prêtres ? », a lancé Mgr Eychenne, dans une formule choc, invitant ses confrères et l’ensemble de la communauté chrétienne à se demander ce « que Dieu veut de nous »… « Ne faisons-nous pas un mauvais usage du prêtre, qui devient le tout de l’Église ? », a-t-il poursuivi, dans une interpellation non moins vigoureuse.
De ces deux interrogations, il en a tiré une troisième, en forme de changement d’un modèle ecclésial à bout de souffle : « Les prêtres ne doivent-ils pas renoncer au cumul des charges et accepter le non-cumul des mandats ? En voulant être partout, ils sont souvent condamnés à n’être nulle part. Mais cela suppose qu’ils ne soient plus les managers de grands ensembles et acceptent que d’autres missions soient portées par des laïcs. »
« Il faut que les jeunes puissent trouver des modèles dans lesquels se projeter »
Car la surcharge à laquelle sont confrontés nombre de prêtres de diocésains – conjugué à la « seniorisation du clergé, la perte de visibilité dans la société et les scandales de mœurs » – ne crée pas « le terreau favorable » à l’éclosion de nouvelles vocations, a rappelé Mgr Dominique Rey.
« Il faut au contraire que les jeunes puissent trouver des modèles dans lesquels se projeter, où se combinent vie fraternelle accueillante et missions motivantes », a indiqué l’évêque de Fréjus-Toulon, insistant sur la nécessité de « prendre en charge le premier appel à la vocation, de l’écouter, de l’accompagner » et invitant ses confrères à « faire attention aux attentes des jeunes ».
Cycles dépressifs
Par quelques exemples puisés dans son diocèse de Lille et ceux de ses voisins, Arras et Cambrai, Mgr Laurent Ulrich a montré combien les vocations devaient être une préoccupation, pour les évêques mais aussi pour l’ensemble des fidèles : organiser des rassemblements à dimension intergénérationnelle pour que les jeunes puissent rencontrer des chrétiens plus âgés dans lesquels se projeter ; adresser aux candidats potentiels au sacerdoce une lettre signée de l’évêque pour que la question de la vocation à la prêtrise soit « abordée franchement » ; inviter les jeunes à la messe chrismale ; amplifier une dynamique de prière pour les vocations…
Autant de pistes d’actions devant permettre de sortir des « cycles dépressifs » dans lesquels est enfermée la question de l’appel au sacerdoce, pour reprendre la formule de Mgr Rey, rappelant aussi que « les vocations ne décrètent pas, elles se reçoivent… »
Bruno Bouvet (à Lourdes)
http://www.la-croix.com/Religion/France/Eveques-de-France-a-Lourdes-N-est-ce-pas-Dieu-qui-a-choisi-de-nous-envoyer-moins-de-pretres-2016-11-04-1200800864