"Depuis une vingtaine d’années, tel un vieux 78 tours égratigné, je répète que la perte de confiance de l’Occident en la démocratie, et en la politique en général, ne peut mener qu’à une chose: un désir pervers de tyrannie.
Pas la tyrannie communiste qui créait des pénuries de nourriture et de jeans Levi’s pour contrôler le peuple, mais une tyrannie nouvelle, qui combine le pire de tous les systèmes: l’ultra-richesse capitaliste et l’oppression communiste. Comment dit-on «enrichissez-vous, mais fermez votre gueule» en mandarin ?
Élections législatives en Russie
Vladimir Poutine est sur la même longueur d’onde que la Chine, même s’il joue au démocrate pour la galerie. Il y aura des élections législatives en Russie cette semaine. Et devinez quel parti va encore dominer la Douma ? Oui, le même qui est au pouvoir depuis 16 ans, la Russie unie de Poutine.
La plupart des opposants ont été sortis de la course et remplacés par des ex du KGB et autres apparatchiks en forme de légumes.
Vladimir Poutine ne veut pas de répétition des émeutes qui ont ponctué les législatives contestées de 2011.
Puisque le Kremlin contrôle tous les grands médias, les Russes, qui rêvent aussi de Make Russia great again, se font nourrir à la petite cuillère d’images d’avions de chasse russes victorieux en Syrie ou de blindés invincibles en Ukraine.
L’Église orthodoxe enrobe ce nationalisme conservateur agressif d’une bonne couche d’un irrésistible chocolat au lait moral fabriqué par Dieu lui-même.
Comment expliquer que les abonnés à l’idée de faire de la «politique autrement» se pâment devant Vladimir Tsarévitch Poutine quand ses proches contrôlent les plus importantes institutions russes, publiques et privées, et toutes les grandes fortunes, sans compter les magouilles, les mensonges, les inégalités sociales criantes? Il est impossible de faire plus «vieille politique» que Vladimir Poutine.
L’idole de Trump
Donald Trump admire Vladimir Poutine, parce qu’il «contrôle fortement son pays». Belle affaire! Les assassinats en plein jour de journalistes et d’opposants au régime, les milliards que Poutine a détournés à son profit personnel, notamment pour se construire un palais de 750 000 m2 au bord de la mer Noire – la BBC a réalisé un documentaire-choc à ce sujet – et acquérir des joujoux pour milliardaire – hélicos, superyachts, etc. – avec un revenu annuel de 187 000 $, rien de cela n’ébranle Trump et ses partisans.
Donald Trump n’est pas le seul à courtiser Vladimir Poutine. Marine Le Pen a pris la place du Parti communiste français dans les bonnes grâces de Moscou, qui prête des millions au Front national.
C’est à se demander si l’Occident ne rêve pas aussi de leaders intransigeants et brutaux. La démocratie exige temps, compromis et patience, mais les tyrans, eux, peuvent agir librement.
Au-delà de l’image
Si l’influence pouvait se traduire en argent, la Russie flotterait sur un nuage rose économique. Or, c’est loin d’être le cas. La chute du prix du pétrole et les sanctions imposées à la suite de l’invasion de la Crimée privent la Russie d’une bonne partie de ses revenus.
Selon The Economist, le salaire moyen en janvier 2015, soit 850 $ par mois, a chuté de moitié un an plus tard, passant à 450 $. C’est la propagande qui garde le navire Poutine à flot.
Le déclin russe finira par avoir raison de Vladimir Poutine comme il a eu raison de l’Union soviétique. Mais on ne peut que trembler en pensant aux gestes d’éclat que pourrait poser le tsarévitch Poutine pour dissimuler l’inévitable agonie de son règne."
Source : Journal de Montréal.