Les propositions des candidats à la présidentielle sur la « Sécu »
Pierre Bienvault, le 21/02/2017 à 17h34
François Fillon a profondément modifié son programme santé, en estimant, mardi 21 février, que l’assurance-maladie ne devait pas se « désengager des soins courants ».
De leur côté, Emmanuel Macron et Benoît Hamon ont aussi dévoilé leur programme en matière de santé.
Pour l’occasion, la Mutualité Française avait mis les petits plats dans les grands. C’est au prestigieux palais Brongniart qu’elle avait convié le 21 février cinq candidats à la présidentielle à venir présenter leurs propositions en matière de santé. Une sorte de grand oral durant lequel chacun a joué le jeu. « La santé est au cœur de mon programme », ont affirmé Emmanuel Macron, Nicolas Dupont-Aignan, Benoît Hamon, Yannick Jadot et François Fillon (1). Sans vraiment convaincre les responsables du secteur.
En effet, la santé est en général oubliée des campagnes présidentielles. Mais pour 2017, changement de décor. D’un seul coup, le sujet s’est imposé comme un thème majeur grâce à une proposition faite par François Fillon en novembre 2016 lors de la primaire de la droite. Il avait alors écrit qu’il souhaitait focaliser les remboursements de l’assurance-maladie sur les « affections graves ou de longue durée et l’assurance-privée sur le reste »… Ce qui lui avait fallu de vives critiques.
Des soins dentaires, optiques et auditifs mieux remboursés
Le 21 février, le discours a radicalement changé : « Il n’est pas question de toucher à l’assurance-maladie, de la privatiser et même de baisser son taux d’intervention », a affirmé François Fillon, désormais convaincu que la « Sécu » ne doit pas se « désengager des soins courants ». Le candidat LR va même plus loin en annonçant qu’elle devra rembourser à 100 % les lunettes pour les enfants. Autre proposition audacieuse, faite cette fois par Emmanuel Macron : faire en sorte qu’à la fin du quinquennat, les Français ne déboursent quasiment plus rien pour leurs dents, leurs lunettes et leurs prothèses auditives.
Comment y parvenir ? François Fillon propose de « mieux contrôler » le coût des prestations grâce à une toute nouvelle Agence regroupant l’État, la « Sécu », les complémentaires et les professionnels de santé. Tout en s’attaquant à toutes les causes de « non-qualité » du système de santé : le recours excessif à l’hôpital, la coordination insuffisante des soins ou leur trop grande redondance. Ce qui devrait permettre, selon lui, d’économiser 20 milliards d’euros sur cinq ans.
Priorité à la prévention
Pour Emmanuel Macron, la solution passe par une plus grande concurrence et transparence dans les contrats des mutuelles et le coût des prothèses. Il faut, selon lui, donner la priorité à la prévention, ce qui permettra aussi de faire à terme des économies, en réduisant le nombre de maladies graves et très coûteuses. Emmanuel Macron souhaite également créer des « maisons de répit ou de soins de suite » pour faire sortir au plus vite de l’hôpital et accueillir dans un environnement médicalisé mais moins onéreux des patients qui ne peuvent pas rentrer chez eux tout de suite.
Tous les candidats ont ainsi insisté sur la prévention. François Fillon a promis une consultation, longue et gratuite, tous les deux ans pour tous les Français. Emmanuel Macron souhaite créer un « service sanitaire » de trois mois, permettant à 40 000 étudiants en santé d’aller « faire de la prévention dans les écoles et les entreprises ». Et Benoît Hamon a longuement souligné la nécessité de lutter contre tous les facteurs de risque, à l’origine de nombreuses maladies chroniques : le tabac, l’alcool, l’alimentation déséquilibrée, les perturbateurs endocriniens, les pesticides et la pollution de l’air. Tout en favorisant une meilleure indemnisation des maladies psychiques liée au travail.
La lutte contre les déserts médicaux au programme
Sans préciser comment il financerait ses mesures, le candidat socialiste a aussi parlé des déserts médicaux. « À la Courneuve, il y a 2,4 médecins spécialistes pour 10 000 habitants contre 68,5 pour 10 000 dans le 6e arrondissement de Paris », a-t-il expliqué, en prônant une mesure assez coercitive : le non-conventionnement des médecins qui iraient s’installer dans une zone surdotée. Ce qui serait dissuasif car les patients de ces médecins ne seraient plus remboursés.
Une petite pierre dans le jardin des médecins qui, pour le reste, seront rassurés. Pas question pour François Fillon et Emmanuel Macron de toucher à la liberté d’installation. Tous les deux préférant miser sur des mesures déjà largement utilisées depuis quinze ans : les incitations financières, des retouches au numerus clausus, la télémédecine et surtout la multiplication des maisons de santé.
Pierre Bienvault
http://www.la-croix.com/France/Politique/Les-propositions-candidats-presidentielle-Secu-2017-02-21-1200826484