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 Face au pessimisme ambiant, ils agissent, font bouger la société à petite ou grande échelle

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Capucine
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Capucine

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MessageSujet: Face au pessimisme ambiant, ils agissent, font bouger la société à petite ou grande échelle   Face au pessimisme ambiant, ils agissent, font bouger la société à petite ou grande échelle Icon_minipostedLun 11 Sep 2017, 9:59 pm

Face au pessimisme ambiant, ils agissent, font bouger la société à petite ou grande échelle.

         Le Monde est allé à leur rencontre.

Face au pessimisme ambiant, ils agissent, font bouger la société à petite ou grande échelle Photo1-1280

Jane Bouvier,

la femme qui relie

les Roms de Marseille à l’école



La fondatrice de l’association L’école au présent scolarise chaque année des dizaines d’enfants vivants dans des bidonvilles

Jane Bouvier termine sa journée les traits tirés, contenant à grand-peine les émotions qui lui saturent l’esprit, exténuée par dix heures passées à courir les camps de fortune qui jalonnent Marseille, du nord à l’est. Ce mardi 5 septembre, deuxième jour de la rentrée, elle a inscrit huit enfants
roms dans des établissements scolaires, convoyé leurs parents, rempli pour eux dossiers de cantine ou de bourse.
Marius, Sergiu et la timide Anisoara iront au collège Alexandre-Dumas. Ioan, Florin et l’intenable Scoubi à l’école primaire Arenc-Bachas. Et Léonardo, le plus petit, 4 ans, à la maternelle du même établissement.

Entre midi et deux, grignotant des biscottes sans gluten, cette hyperactive, qui ne fait pas ses 44 ans, a déposé au collège Henri-Wallon les documents qui manquaient au dossier d’entrée en sixième de Bombonel, 13 ans, alias Beni. Deux ans auparavant, Jane Bouvier avait conduit ce petit brun au sourire éclatant à l’école française pour la première fois de sa vie. A cent 
mètres du bidonville où il habitait.

« Jane est le chaînon manquant entre l’offre de l’éducation nationale et les gamins des squats de Marseille, souligne Sébastien Hernandez, responsable de l’unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A) du collège Henri-Wallon. Elle va chercher des enfants qui ne viendraient jamais jusqu’à nous. »


Fondatrice et unique salariée de son association L’école au présent, Jane Bouvier est un franc-tireur. En 2012, elle a quitté sa carrière d’enseignante pour épouser une mission de terrain qu’elle s’est assignée : « Scolariser, comme la loi l’exige, les enfants de 6 à 16 ans qui vivent dans des bidonvilles, des squats ou dans les rues à Marseille. » Des centaines de gamins passés jusqu’alors sous les radars de l’éducation nationale et de la municipalité.


Roms venus de Roumanie pour l’essentiel, mais aussi enfants de déboutés du droit d’asile aux nationalités disparates. « Ce n’est pas leur origine qui m’intéresse, mais la précarité dans laquelle ils vivent, définit cette citoyenne britannique, arrivée à Marseille en 2003. Je veux leur donner, au moins un temps, cette place d’enfant que notre société ne leur assure pas. »


Jane Bouvier, psychologue clinicienne de formation, mariée et mère d’une petite fille, date son engagement d’un épisode d’une violence rare : « En septembre 2012, un camp rom a été attaqué et incendié par des habitants de la cité des Créneaux (15e). Je me suis rendue aux manifestations de soutien mais il fallait que je fasse quelque chose de politique. Désormais, j’aide les plus pauvres des pauvres, ceux que cette société qui me dégoûte ostracise le plus. »


Les membres de l’association Rencontres tsiganes, dont elle reste très proche, l’ont guidée sur sa voie. La Fondation Abbé Pierre et son directeur régional, Fathi Bouaroua, l’ont soutenue financièrement, rejoints plus tard par la Fondation de France et une fondation privée. Pour cette rentrée 2017, le Rotary Club de Marseille a offert 60 trousses complètes. « Avec un taille-crayon à réservoir, s’enthousiasme Jane. Vous n’imaginez pas l’effet que cela produit ! »


A neuf heures, ce mardi, lorsqu’elle arrive au camp de la Madrague-Ville (15e), une dizaine de cabanes et de tentes posées à même le goudron, Marius, Sergiu et David, trois adolescents qui souhaitent aller au collège, guettent sa voiture depuis un moment déjà. Jane Bouvier a fait de sa BMW impeccable son bureau mobile, smartphone toujours branché. Tous les Roms de Marseille connaissent le véhicule, comme ils connaissent son numéro. Jane répond systématiquement, les salue par leurs prénoms. « Parfois, je me sens 
submergée, reconnaît-elle, mais ils ont besoin de manger, de se loger, de se soigner… Un accompagnement global est nécessaire avant de pouvoir parler d’un accès à l’école. » « Elle ne dit jamais : “laisse-moi tranquille, je suis fatiguée’’ », témoigne Ioan Rostas, chef de famille dont Jane visite le squat en fin de journée. « Elle sait expliquer pourquoi il faut envoyer nos enfants à l’école », poursuit le père du petit Scoubi.


Au collège Dumas, la responsable de la section UPE2A, Corinne Manunta, institutrice passée au collège pour assurer cette classe de primo-arrivants, recadre gentiment les adolescents amenés par Jane Bouvier : « L’an dernier, à un moment, je ne vous ai plus vus. Cela me met en colère. Je préfère que vous veniez deux heures tous les jours qu’une fois de temps en temps. » « Sergiu a dû remplacer son grand frère parti en Roumanie et travailler avec sa maman », intervient la voix toujours douce de l’ex-psychologue.


A Marseille, la plupart des familles roms survivent en triant les poubelles ou en collectant de la ferraille. « Imposer à ces enfants jamais scolarisés de rester assis derrière une feuille toute la journée n’a pas de sens, reprend Corinne Manunta. Il faut s’adapter, tout en fixant des règles. » Pour l’heure, elle propose à Sergiu et Marius d’arriver à neuf heures chaque matin, équipés d’un sac et de leur carnet de correspondance.
En cette rentrée 2017, où elle a suivi l’inscription de 250 élèves, Jane Bouvier rage contre les expulsions qui ont marqué l’été des Roms à Marseille.
Trois grands squats démantelés sur ordre préfectoral ont expédié des enfants régulièrement scolarisés à des kilomètres de leur établissement.


A l’école Arenc-Bachas, la directrice, Sandra Cadorin, s’enquiert du devenir de Denisa, 10 ans, une de ses élèves roms, qui n’a pas encore fait sa rentrée en CM2. « Elle a connu six ou sept lieux de vie différents depuis son entrée au CP il y a quatre ans, témoigne l’enseignante. Et pourtant, elle est là 75 % du temps. » « Une expulsion, c’est six mois de déscolarisation. le temps aux parents de retrouver une stabilité », dit Jane Bouvier en soupirant. Sur le grand cahier qui ne la quitte jamais, elle a noté les noms des élèves qui suivaient des cours l’an dernier, et sont, aujourd’hui, à la rue. Selon elle, il en reste encore trente-cinq.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/festival/visuel/2017/09/11/ceuxquifont-jane-bouvier-la-femme-qui-relie-les-roms-de-marseille-a-l-ecole_5183980_4415198.html#kAC3YdEpYaZjlDUd.99
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